Je découvre que ma fille de 15 ans se scarifie…

Question de @minka :

J’ai découvert que ma fille 15 ans se scarifie. J’ai pris le rdv chez une psy (elle a accepté d’y aller après des nombreuses longues discussions). Elle me dit être malheureuse depuis toujours. Je suis désespéré car je la voyais heureuse, belle, pleine de vie. Nous n’avons pas eu des problèmes majeurs, pas de divorce, pas de déménagement, pas de conflit dans le couple, pas de problèmes financiers… quand je la questionne elle me dit qu’elle ne s’aime pas.

Avez-vous une piste de réflexion ?

Mes pistes de réponse :

De bien trop nombreux parents sont persuadés aimer leur enfant parce qu’ils se font du souci pour lui.
Le souci est moins une preuve d’amour qu’une preuve de fusion, dans la fusion on se confond avec l’autre et dans cette confusion, un parent croit toujours que son enfant devrait agir comme il pense que ce serait bien d’agir. L’antidote du souci pour son enfant est la confiance en lui. Quand un enfant ressent, pour l’avoir éprouvé dans sa chair, que celui ou celle qu’il aime lui fait confiance, il devient plus fort, se fait à son tour confiance et parvient à s’aimer plutôt que de se reprocher sans cesse d’être celui ou celle qu’il est comme on le lui a appris.
A contrario, plus le parent doute de son enfant en le lui faisant sentir, moins celui-ci deviendra capable de s’estimer lui-même. Nos angoisses de parent sont donc à coup sûr mortifères pour nos enfants qui ont besoin de se sentir estimés pour s’estimer eux-mêmes à leur tour.
Ce n’est donc pas parce qu’un parent pense avoir donné de l’amour à son enfant notamment à travers ses inquiétudes pour lui, que cet enfant l’a reçu. Aimer son enfant c’est beaucoup moins se faire du souci pour lui (le souci qu’on se fait pour l’autre n’est qu’une pathologie pour soi-même qui n’offre rien à l’autre) que de lui montrer qu’on lui fait confiance en ne redoutant pas pour lui ce qu’il peut lui arriver de redouter pour lui-même.

Il y a une bonne nouvelle dans votre partage, c’est que si votre fille de 15 ans vous confie qu’elle se sent malheureuse depuis toujours (ses scarifications sont un symptôme qui montre qu’elle ne parvient que maladroitement à refouler sa souffrance), c’est qu’elle vous fait un minimum confiance.
Lui montrer votre amour pour elle n’est donc pas lui expliquer qu’elle ne devrait pas être comme elle est en tentant maladroitement de vous rassurer vous-même, mais l’écouter le cœur ouvert. Cela signifie pour vous oser aborder le sujet sans mauvaise conscience ni déni, afin de l’aider à mettre des mots sur sa souffrance.
Persuadez-vous que votre fille a besoin d’une mère prête à tout entendre ce qu’elle a besoin de lui dire (et entendre ce n’est pas discuter).
Il ne faudrait donc pas que vos larmes de mère, votre souci de mère, soit un obstacle à l’accueil inconditionnel de ce que vit votre fille dans sa vérité à elle.
Êtes-vous prête à lui témoigner de votre écoute et de votre confiance plutôt que d’interpréter ses souffrances à travers votre moi de mère inquiète ? Pour ce faire vous devez comprendre que les scarifications de votre fille sont d’abord pour elle un acte qui lui permet de soulager ses tensions.
Souvenez-vous que de l’aimer commence toujours par lui faire sentir que vous l’accueillez telle qu’elle est. Se sentant accueillie elle commencera à se détendre, et c’est ainsi qu’elle sentira de moins en moins le besoin de retourner sa négativité contre elle-même.

Pour aller plus loin vous pouvez lire : Aimer inconditionnellement son enfant, ainsi que : Réponses aidantes ou maladresses nuisibles.

 

  • HERTRICH dit :

    Il est délicat de laisser un commentaire sur un tel sujet. Mais pourtant je peux témoigner par comparaison à ma propre expérience de vie. Je me suis également scarifié adolescent. J’ai fait cela en cachette. A cette époque j’ai été incapable de savoir profondément pourquoi. Je baignais dans un courant musicale où la scarification se faisait. Dans ce milieu il y avait effectivement une sorte de recherche et d’intensification émotionnelle. Comme s’il fallait plus ressentir et cela passait par des thèmes morbides, la mort, les récits fantastiques, d’horreur, de guerre, cosmique, mais aussi métaphysique, des sons à la fois mélodieux et brutaux. Je me suis posé mes premières questions “sérieuses” sur ma condition d’humain à cette époque.
    En voyant mes scarifications mes parents ont paniqué. Il m’ont posé maladroitement la question du pourquoi. Ne sachant pas répondre il m’ont envoyé plus ou moins de force en séjour dans un hopital psychiatrique avec, comme je le disais à l’époque, des gens vraiment malade. J’y suis resté une semaine. Ca a été brutal, dur mais j’avoue maintenant content de cette expérience, de cette épisode de vie.
    Cependant oui mes parents m’ont déçu en les voyant ne pas savoir quoi faire si ce n’est m’envoyer chez autrui pour régler le problème. J’aurai tellement voulu, comme Renaud le dis justement, que mes parents m’écoutent et ne cherchent pas à comprendre. Car il n’y avait rien à comprendre. Il y avait souffrance. Je pense maintenant pouvoir dire que cette souffrance venait d’un manque d’amour sans peur de mes parents, mes parents ne me faisaient pas confiance, il m’interdisait inconsciemment de grandir, il m’interdisait inconsciemment de partir, d’expérimenter à l’extérieur, faire mes choix, mes erreurs . Alors j’ai expérimenté avec mon corps, à l’intérieur. Pour d’autres c’est l’expérimentation à outrance des drogues, de la masturbation, de l’alcool.
    J’ai maintenant 40ans. Jusqu’à environ 30ans il m’arrivait de me surprendre à penser à me scarifier à nouveau. Je ne l’ai jamais refais.
    Je peux comprendre la panique de mes parents. C’est pardonné maintenant. Il s’imaginer que j’allais me couper les veines. Non c’était d’un autre ordre. On peut dire que c’était un appel à être écouté et pas jugé.
    En espérant que ce témoignage puisse aider à comprendre un peu.
    Damien

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    2 réflexions au sujet de « Je découvre que ma fille de 15 ans se scarifie… »

    1. HERTRICH

      Il est délicat de laisser un commentaire sur un tel sujet. Mais pourtant je peux témoigner par comparaison à ma propre expérience de vie. Je me suis également scarifié adolescent. J’ai fait cela en cachette. A cette époque j’ai été incapable de savoir profondément pourquoi. Je baignais dans un courant musicale où la scarification se faisait. Dans ce milieu il y avait effectivement une sorte de recherche et d’intensification émotionnelle. Comme s’il fallait plus ressentir et cela passait par des thèmes morbides, la mort, les récits fantastiques, d’horreur, de guerre, cosmique, mais aussi métaphysique, des sons à la fois mélodieux et brutaux. Je me suis posé mes premières questions “sérieuses” sur ma condition d’humain à cette époque.
      En voyant mes scarifications mes parents ont paniqué. Il m’ont posé maladroitement la question du pourquoi. Ne sachant pas répondre il m’ont envoyé plus ou moins de force en séjour dans un hopital psychiatrique avec, comme je le disais à l’époque, des gens vraiment malade. J’y suis resté une semaine. Ca a été brutal, dur mais j’avoue maintenant content de cette expérience, de cette épisode de vie.
      Cependant oui mes parents m’ont déçu en les voyant ne pas savoir quoi faire si ce n’est m’envoyer chez autrui pour régler le problème. J’aurai tellement voulu, comme Renaud le dis justement, que mes parents m’écoutent et ne cherchent pas à comprendre. Car il n’y avait rien à comprendre. Il y avait souffrance. Je pense maintenant pouvoir dire que cette souffrance venait d’un manque d’amour sans peur de mes parents, mes parents ne me faisaient pas confiance, il m’interdisait inconsciemment de grandir, il m’interdisait inconsciemment de partir, d’expérimenter à l’extérieur, faire mes choix, mes erreurs . Alors j’ai expérimenté avec mon corps, à l’intérieur. Pour d’autres c’est l’expérimentation à outrance des drogues, de la masturbation, de l’alcool.
      J’ai maintenant 40ans. Jusqu’à environ 30ans il m’arrivait de me surprendre à penser à me scarifier à nouveau. Je ne l’ai jamais refais.
      Je peux comprendre la panique de mes parents. C’est pardonné maintenant. Il s’imaginer que j’allais me couper les veines. Non c’était d’un autre ordre. On peut dire que c’était un appel à être écouté et pas jugé.
      En espérant que ce témoignage puisse aider à comprendre un peu.
      Damien

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