Réflexions sur nos attitudes de réponse en relation d’aide.
(Aider l’autre, c’est lui permettre d’accéder à la vérité de ce qu’il est donc lui permettre de faire le deuil de ce qu’il n’est pas.)
- Que veut dire “oser être aidant” ?
- Que veut dire “comprendre l’autre” ?
- Comment répondre quand on ne sait pas quoi répondre ?
- Comment faire quand on ressent de la gêne et du respect humain ?
- Faut-il se “mettre à la place de l’autre” ?
- L’art de la délicatesse.
- Découvrir que le deuil ne se force pas.
- Apprendre à partager la peur de son enfant.
- Apprendre à partager la détresse d’une personne âgée.
- Comment gérer les désirs de l’autre ?
- Pourquoi faire confiance ?
Dans les relations ordinaires, il est normal de répondre aux personnes qui nous ont adressé la parole, sur la base de ce que nous pensons et ressentons nous-mêmes.
Or la relation d’aide n’est pas une relation “ordinaire”, en ce sens qu’elle ne nous demande pas d’exprimer ce que nous pensons, elle est davantage basée sur l’écoute de l’autre que sur notre réponse à nous. Or ce qui nous empêche l’écoute… c’est nous (!) ce “nous” prenant la forme de “ce que nous pensons” de “ce que nous avons écouté”.
L’aidant doit donc garder constamment à l’esprit que, quand la personne qu’il se propose d’aider lui parle, cette personne, si elle lui parle bien à lui, ne lui parle pas “pour lui”, donc qu’il n’a pas à prendre personnellement ce qu’elle lui dit.
L’aidant bien dans son rôle, sent que la personne à aider lui parle pour elle, donc d’elle-même, de son histoire et de ses préoccupations.
Alors il pourra, sur la base de cette perception et – grâce à son attitude en retour – lui permettre de se dire davantage si elle le désire, c’est-à-dire lui permettre de se détendre.
L’aidant est celui qui ose se rapprocher de la détresse de l’autre, pour qu’ainsi – peut-être – cet autre ressentant sa chaleur et sa bienveillance, parvienne à se détendre. Cela sous-entend pour l’aidant la capacité à aider sans avoir la certitude de réussir.
La plupart du temps, l’aidant n’a pas d’autre motivation que de réussir, sans se demander qui veut réussir. C’est ainsi que dans sa peur de ne pas réussir selon sa perception à lui, il est amené à nier la perception de celui qu’il se propose d’aider.
Dans une maison de retraite, à une personne âgée qui dit”Je n’ai pas faim”, répondre : “Mais si, il faut manger, cela vous fera du bien”, c’est refuser d’accorder à cette personne l’écoute compréhensive qu’on lui doit : “Je comprends que puisque vous n’avez pas faim, vous n’ayez pas envie de manger.” C’est sur la base de cette écoute, après l’effet de cette écoute, que l’aidant, relié à cette personne âgée pourra examiner avec elle ce qu’il convient de faire. Parfois, de l’écoute sortira un sourire, et la personne âgée tendra son assiette en disant “Allez donnez-m’en un tout petit peu seulement.” Parfois rien ne semblera en sortir (mais que savons-nous de ce qui se passe à l’intérieur de cette conscience qui s’est sentie respectée ?) et avec délicatesse, l’aidant n’insistera pas.
Etre aidant, c’est proposer quelque chose de plus que ce qui existe dans la relation ordinaire : le respect par la reconnaissance de ce que dit l’autre; c’est prendre conscience que l’erreur potentielle est toujours liée au déni de l’autre.
Parce que le projet de l’aidant doit être d’accompagner la vie, ne pas tenir compte de ce que vient de dire ou de ce qu’exprime l’aidé est toujours mortifère.
Répondre à son petit garçon qui dit, en pleurs, en rentrant de l’école “La maîtresse est injuste, elle m’a puni et je n’avais rien fait de mal”, “Si la maîtresse t’a puni c’est sûrement que tu avais fait quelque chose de pas bien”, revient à enfoncer le clou du sentiment d’injustice de l’enfant dans son cœur. Mais lui répondre “Je comprends que puisque tu penses que tu n’as rien fait de mal, tu sois très malheureux d’avoir été puni”, permettra de l’apaiser parce qu’il se sentira compris donc aimé. Ce qui n’empêchera pas son parent après coup de lui poser la question “Veux-tu me raconter ce qui s’est passé ?” et peut être de découvrir (ou non) que contrairement à la perception première de l’enfant, il y a bel et bien eu une bêtise de sa part. Un enfant réconcilié avec lui-même, non contraint par la peur, pourra en convenir, s’ouvrir et comprendre ce qui s’est passé. Un enfant enfermé dans un sentiment d’injustice ne pourra que le renforcer en se butant à l’intérieur de sa solitude.
Or si nous voulons donner à notre enfant l’occasion de s’améliorer, cela ne sera possible que parce qu’il tirera des leçons (telles causes produisent tels effets) de ses comportements, jamais parce qu’il en aura honte.
Comprendre l’autre, c’est lui permettre à son tour de comprendre son fonctionnement donc lui donner la possibilité de l’améliorer.
Je sais qu’aujourd’hui nous vivons dans un monde qui, parce qu’il se vit de plus en plus en réaction à des attitudes laxistes et permissives, se ferme. Dans ce monde, il ne fait pas bon de comprendre, notamment de dire “Mettez-vous à sa place”.
Mais nous n’avons pas d’autre perception que la nôtre pour évaluer un ressenti. N’est-ce pas en tentant de ressentir – avec notre sensibilité à nous – ce que telle ou telle réponse nous ferait à nous si on nous la faisait, que nous pourrons peu à peu nous rapprocher de la réponse appropriée à l’autre ? Ce qui n’empêche bien sûr pas l’aidant de discriminer ses propres projections, ses propres attentes, de celles de l’aidé(1).
Je remarque avec plaisir que Marie de Hennezel(2) a osé intituler son dernier livre (dont je vous recommande la lecture) “Le souci de l’autre”. Le verbe “soucier” trouve sa racine dans le latin classique “sollicitare” qui a donné au XIVème siècle “solliciter” et “solliciteur”, c’est-à-dire “celui qui prend soin des affaires de l’autre(3)”. Nous voyons donc que nous sommes au cœur de la définition du soignant : celui qui a de la sollicitude, c’est-à-dire qui prodigue des soins attentifs.
Parfois, à force de vouloir se préserver, se protéger, se barricader, se blinder, dans la relation d’aide, nous risquons de… ne plus être en relation du tout ! Il est certainement précieux et important de nous rappeler que la libre préoccupation de l’aidant est d’avoir le souci de l’autre. Et ce “souci” passe par oser ressentir… comme si nous étions à sa place.
A travers quelques exemples, je me propose de mettre les points sur les “i” en analysant avec vous d’une manière très didactique, différentes attitudes de réponse dans la relation d’aide afin de nous permettre de discriminer de plus en plus clairement une réponse aidante d’une maladresse nuisible.
Cela sera aussi pour nous l’occasion de nous entraîner à pratiquer la respectueuse attitude qui consiste à ne pas nier l’autre et à lui permettre de se dire davantage s’il le désire.
Etude n° 1 : Vous rendez visite à une dame âgée qui vous dit : “Je me sens seule.”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Vous n’avez pas le droit de dire ça, avec le mignon petit fils que vous avez.
B – Mais je suis là pour vous aider.
C – Oui, vous vous sentez seule ?
L’aidant a bien sûr le droit de ressentir intérieurement “Quel dommage que cette dame se sente si seule alors qu’elle a un si mignon petit fils, si seulement elle pouvait s’en apercevoir !” Mais il n’a pas le droit (parce que ce n’est pas son rôle) de le lui dire. Parfois il tentera d’éluder la question par un “Mais je suis là pour vous aider”, sans doute plein de bonne volonté mais niant ce que la personne âgée vient de dire.
Parce que l’aidant accueille et comprend, il pourra, dans une attitude non verbale d’ouverture, hocher délicatement la tête en regardant la dame âgée et en lui disant par exemple “Oui, vous vous sentez seule ?”
Peut-être qu’alors, parce que cette dame âgée se sera sentie écoutée, l’échange se poursuivra et que cette dame pourra exprimer le poids de son sentiment de solitude ?
Etude n° 2 : Il est minuit, votre petit garçon ne dort pas et vous dit : “Papa, j’ai peur du bandit qui est caché sous mon lit.”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Ne dis pas de bêtises et dors.
B – Il ne faut pas avoir peur, tu es un homme mon fils.
C – D’accord, je comprends que puisque tu as peur du bandit tu ne dormes pas.
Peut-être qu’enfermé dans sa fatigue et son bon sens, ce papa tentera de nier la parole qu’il se sent incapable d’accueillir. Dans ce cas, avec un ton péremptoire, il dira maladroitement à son fils “Ne dis pas de bêtises et dors.” Pensant ainsi se débarrasser facilement du problème et laissant son garçon dans son insomnie et sa peur.
Peut-être que contraint par ses croyances machistes, il se dira qu’il est absurde que son grand fils ait peur… et aura la naïveté de penser qu’en sous entendant que puisque son fils est un homme il n’a pas à avoir peur, il l’aidera… en fait, à se diviser contre lui-même puisque cet enfant est un homme et qu’il a peur.
Aider cet enfant, c’est lui faire sentir qu’on est à l’écoute bienveillante et chaleureuse de ce qu’il vit.
Le parent aidant, le parent aimant, fait sentir à son enfant que ce qu’il vit, ressent ou pense est légitime. Il lui permet ainsi de se réunifier avec lui-même, de retrouver sa cohérence intérieure, lieu à l’intérieur duquel il pourra puiser ses propres ressources de confiance à partir desquelles il pourra apprendre à gérer sa peur.
A l’enfant qui ressentant la compréhension de son parent s’exclamera par exemple : “Toi aussi papa, tu avais peur quand tu étais enfant ?” son père pourra répondre : “Oui mon chéri, moi aussi j’avais peur parfois quand j’étais enfant.”
Et l’enfant rassuré, s’étant senti entendu, compris, accueilli et accepté, pourra peu à peu s’endormir en paix.
Etude n° 3 : Une personne très âgée vous dit : “Je veux voir maman.”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Quel âge avez-vous ?
B – Vous savez très bien que votre mère est morte il y a bien longtemps.
C – Vous voudriez voir votre maman qui vous manque ?
Avec la réponse : “Quel âge avez-vous ?” vous tentez de remettre la personne dans la rationalité, vous ne l’accueillez donc pas inconditionnellement telle qu’elle est, en fait, sans doute sans le savoir, vous tentez de la manipuler. D’autre part vous osez prendre le risque de lui donner une leçon en sous-entendant : vous ne voyez donc pas que votre âge est en contradiction avec votre demande ?! Pire, avec la réponse : “Vous savez très bien que votre mère est morte il y a bien longtemps”, vous sous-entendez qu’elle se moque de vous.
Ces attitudes n’ont tout simplement rien à voir avec une relation aidante.
La relation aidante accueille, donc montre à l’autre qu’on l’a compris : vous vous asseyez près de cette personne âgée, portez votre regard sur elle et avec beaucoup de douceur dans la voix, vous hochez délicatement la tête, haussez un peu les sourcils et lui dites par exemple : “Vous voudriez voir votre maman qui vous manque ?”
Votre attitude ne sous-entend nullement que vous pensiez que cela soit possible, (vous ne dites pas “vous voulez” mais “vous voudriez”.) Elle n’a pas d’autre but que de tenter de faire savoir à cette personne que vous avez compris sa demande, c’est une attitude d’accueil et de compréhension.
Etude n° 4 : Une personne âgée, en maison de retraite, vous confie : “Je voudrais mourir pour retrouver mon mari.”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Allez, ne pensez pas à ça et puis vos petits enfants vous aiment !
B – Vous avez tort de vivre dans le passé, vous êtes à la maison de retraite et aujourd’hui c’est le jour de la sortie !
C – Vous l’aimiez donc tant, votre mari ?!
Il est vrai qu’une exclamation pareille risquera de mettre beaucoup d’aidants en position d’insécurité parce qu’ils penseront : je comprends bien qu’elle souffre de la perte de son mari et pourtant je ne dois pas la laisser penser cela. Alors ces aidants n’auront d’autre recours que la diversion… pensez à autre chose, à vos petits enfants qui vous aiment par exemple. Sous-entendant que cette personne âgée en est capable ici maintenant, sous-entendant qu’elle est libre des pensées et émotions qui lui viennent ! Parfois, osant prendre la conscience de l’autre en main, l’aidant mal situé lui assénera qu’il a tort de ressentir ce qu’il ressent et lui dira même ce qu’il faut qu’il ressente : du contentement parce que c’est jour de sortie.
Cela s’appelle nier le vécu de l’autre, plutôt que de s’ouvrir à ce qu’il ressent en essayant de le comprendre de l’intérieur.
Comprenant cela, l’aidant découvrira que le désir de disparaître de cette dame âgée est simplement lié à l’amour qu’elle éprouve pour son mari.
Il pourra alors la comprendre et s’ouvrir à elle dans sa détresse, le regard empreint d’un sourire de compassion il lui dira : ” Vous l’aimiez donc tant, votre mari ?!” Et peut-être qu’alors le miracle de la relation opérera, peut-être qu’en quelques secondes le visage de cette dame âgée s’animera, comme le nôtre s’anime quand nous évoquons la mémoire d’une personne que nous avons beaucoup aimée.
Etude n° 5 : Votre fille de 17 ans vient de vivre une rupture amoureuse, vous tentez de la consoler.
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Je t’avais dit de ne pas t’attacher à ce garçon qui n’est pas fait pour toi.
B – Oh et puis, tu es jeune, tu verras, un de perdu, dix de retrouvés.
C – Je vois que tu souffres et cela me touche; si tu le souhaites, sache que tu peux me parler.
Généralement, quand celui que nous prétendons aimer n’agit pas en conformité avec la manière dont nous pensons lui être favorable, cela nous énerve. Alors si, après coup, il souffre, nous en profitons pour lui administrer ce que, de notre point de vue à nous, nous appelons “une bonne leçon”, qui n’est rien d’autre qu’une manière de dominer et de tenter d’écraser… celui que nous prétendons aimer, en lui disant par exemple que nous l’avions prévenu !
Parfois, avec beaucoup de maladresse, nous essaierons de le “consoler”… car si “un de perdu, dix de retrouvés” fait partie de notre expérience à nous ce n’est certainement pas ici maintenant, l’expérience de cette jeune fille.
La simple évocation de la possibilité même du deuil fonctionne toujours comme une injure pour celui ou celle qui n’a pas commencé à le faire.
Si être aidant, c’est se rapprocher avec chaleur et bienveillance de la détresse de l’autre, ici, nous ne pourrons qu’avec beaucoup de respect pour ce que vit notre fille, lui proposer notre écoute. Si elle nous réplique que ce n’est pas le moment ou même qu’elle semble ne pas nous avoir entendu, nous avons toujours la possibilité de glisser à son oreille, comme pour le déposer à l’état latent dans son inconscient, que quand elle le souhaitera, nous serons à sa disposition.
Etude n° 6 : Dans un entretien d’aide, votre interlocuteur vous affirme : “De toutes façons je suis incapable de m’en sortir parce que j’ai jamais été capable de faire quoi que ce soit dans ma vie !”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Vous ne devriez pas vous critiquer de la sorte !
B – Vous exagérez, regardez, vous êtes déjà venu jusqu’ici.
C – Je comprends bien que, pensant que vous n’avez pas de valeur, vous vous sentiez incapable de vous sortir de cette situation.
“Vous ne devriez pas vous critiquer de la sorte !” est sans doute ce que nous pensons personnellement, mais est-il aidant d’exprimer nos pensées personnelles à l’aidé ? En fait un aidant aidera d’autant mieux qu’il aura appris à faire taire ses pensées personnelles parce qu’elles ne sont pour lui qu’un obstacle à la relation d’aide. Ici, dire ce que l’on pense revient à juger l’autre, une attitude inadmissible pour un aidant !
Faire sentir à l’autre qu’on comprend et qu’on accueille sa logique en le lui disant, en le lui montrant est une attitude aidante parce que c’est la base sur laquelle pourra peut-être s’établir une relation de confiance.
Cela ne signifie pas que nous croyons personnellement à la véracité des jugements de l’aidé sur lui-même, cela signifie simplement que nous respectons le lieu où il en est dans sa démarche et que nous le lui faisons savoir.
Parce qu’il est dans la nature de l’aidant d’avoir confiance dans les forces de l’aidé, il sait que toute situation est en devenir, et que tout être humain a la capacité potentielle de faire bon usage de ses épreuves.
Etude n° 7 : Votre amie se sent douloureusement touchée par une fausse couche et pleure…
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Tu sais, ne t’inquiète pas… tu en auras un autre.
B – Une fausse couche, ce n’est même pas un bébé.
C – Oui, je sens que tu pleures parce que tu l’aimes et que tu l’as perdu.
Rassurer est souvent maladroit, parce que nous nous adressons en fin de compte plus à nous-même qu’à l’autre… Si nous nous sentons mal à l’aise avec la souffrance de l’autre, l’attitude la plus juste est certainement de nous taire parce que nous sommes à notre limite et que l’aidant trouve sa stabilité avec lui-même et avec l’aidé sur la base et dans le respect de ses propres limites.
Raisonner procède de même… il y a bien peu de chance que l’autre, en proie à la souffrance, puisse accéder à nos rationalisations à nous.
Par contre nous pouvons toujours nous ouvrir et parler à l’autre, le cœur ouvert, sur la base de ce que nous ressentons de lui. Peut-être qu’alors, cette amie douloureusement touchée et se sentant comprise, s’ouvrira à son tour en partageant sa douleur.
Aider l’autre c’est lui donner l’occasion de partager sa douleur plutôt que de la garder enfermée en lui.
Etude n° 8 : Un matin, vous entrez dans la chambre de cette personne âgée qui vous dit : “J’ai mal dormi !”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Ne vous inquiétez pas, vous aurez le temps de vous rattraper après déjeuner.
B – Je suis sûr que vous avez pensé à des choses pas bonnes. Vous savez que c’est pas bien du tout ça !
C – Vous avez mal dormi, Madame X ?
Trouver la solution pour l’autre est la plupart du temps maladroit… et si cette personne âgée ne ressentait pas les choses comme vous les ressentez ? L’autre se sentirait minimisé dans son propos, il y aurait alors coupure de la relation… et un peu plus de solitude.
L’attitude maternante risque de sonner faux pour l’aidé… ne serait-ce que parce que vous n’êtes pas sa mère ! Rares sont les personnes prêtes à accepter les conseils ou les jugements moraux qu’ils n’ont pas sollicités.
Et si vous osiez, tout simplement, avec une attitude non verbale appropriée, vous ouvrir à cette personne sur la base de ce qu’elle dit : “Vous avez mal dormi, Madame X ?” peut-être en profitera-t-elle pour partager avec vous quelques préoccupations, quelques soucis, autres que le mauvais sommeil, que jusque là, elle gardait pour elle ?
Etude n° 9 : Vous êtes avec votre petit enfant, dans une grande surface, là où une étude marketing a savamment calculé qu’il était préférable de mettre les petits ours en peluche au bas de la gondole, à proximité de la main de votre enfant… qui s’écrie en en saisissant un : “J’le veux, il est à moi !”
Examinons ces 3 réponses potentielles :
A – Repose ça immédiatement ou je me fâche.
B – Tu as eu un cadeau de papy la semaine dernière, il est hors de question que je t’achète quoi que ce soit !
C – C’est vrai qu’il est mignon ce petit ours, fais-voir.
En fait, c’est la crainte qui nous fait réagir agressivement avec une attitude menaçante. La crainte de ne pas être capable de gérer la situation, la crainte de devoir faire quelque chose que nous ne voulons pas faire. Si nous n’avions pas peur, pourquoi réagirions-nous agressivement ? Or la peur engendre la peur et l’agressivité, l’agressivité… ou la soumission, jamais la relation pacifiée. Ces émotions, quand nous les éprouvons, ne peuvent jamais être à l’origine d’une attitude aidante, nous avons donc à les gérer préalablement (4).
Maladroitement il nous arrive de nous justifier (tu as déjà eu un cadeau la semaine dernière), bien entendu d’un point de vue qui nous apparaît juste à nous, sans nous demander s’il peut apparaître juste pour l’autre, ce qui est bien rarement le cas.
Pourquoi – si nous voulons l’aider – n’accueillerions-nous pas le désir de l’autre plutôt que de le nier ? Imaginez ce papa ou cette maman prenant le temps de s’accroupir, de regarder son enfant avec un sourire bienveillant et qui lui dirait : “C’est vrai qu’il est mignon ce petit ours, fais-voir, je comprends que tu aies envie d’un petit ours si mignon !”Ce qui nous empêche de procéder de la sorte est la peur que notre enfant nous dise “Alors, tu me l’achètes !” . Alors que nous pouvons le reposer là où il était et nous associer avec notre enfant pour lui dire : “Au revoir petit ours”, par exemple.
En fait, la peur que nous avons que l’autre en profite, nous empêche de le rassurer. Commençons par le commencement : un désir accueilli est déjà en partie assouvi, un désir refusé est toujours renforcé. Nous ne sommes pas condamnés à nier ce que nous ne pouvons pas réaliser car il nous reste toujours la possibilité de l’accueillir.
Que voulons-nous ? Voulons-nous apprendre ce que nous ne savons pas toujours bien faire ? Accueillir le désir pour en diminuer l’intensité et peut-être découvrir, derrière cet accueil, qu’il n’était qu’une passade, un engouement passager; à moins que nous ne découvrions qu’il est bien planté là, devant nous, avec son intensité, et que nous avons le pouvoir de rendre heureux l’autre, maintenant ou d’une façon différée, parce que maman ou papa a bien compris que “pour ton anniversaire, rien ne te ferait plus plaisir.”
Là, il sera de notre responsabilité d’éducateur aidant (5) de nous en souvenir… le moment venu.
Notes :
(1) Lire à ce propos mon article intitulé “Le défi de l’aidant”.
(2) Marie de Hennezel est une aidante, psychologue et psychothérapeute, elle a notamment publié en 2004, aux Editions Robert Laffont, “Le souci de l’autre”.
(3) Nouveau dictionnaire étymologique et historique, Librairie Larousse.
(4) Voir à ce propos mon article : “Stress, intelligence émotionnelle et cohérence cardiaque”.
(5) Sur la responsabilité de l’aidant, vous pouvez lire “Aider avec quelles ressources ?”.
Après avoir lu ces propos, n’hésitez pas à vous proposer à vous-même vos exemples personnels et à tenter de vous les expliquer. Souvenez-vous que c’est parce que vous tenterez que vous pourrez réussir, mais pas toujours, et que vous aurez au moins la satisfaction d’avoir essayé !
Et si quelque chose reste obscur, n’hésitez pas à engager le dialogue avec moi et à me proposer vos propres situations d’aide.
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Avertissement aux lectrices et aux lecteurs :
Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)