Le mental

« Le mental a son origine dans le refus d’une réalité impossible à supporter. »

Arnaud Desjardins

On ne répétera jamais assez que nous nous faisons principalement souffrir à cause des pensées que nous avons sur nous-mêmes, que nous croyons et auxquelles, sans songer à les remettre en cause, nous obéissons aveuglément.

Ces pensées sont le plus souvent insidieuses et déraisonnables puisqu’elles sont issues de notre expérience propre distordue et de ce que les autres ont raconté à notre propos et que nous continuons obstinément de croire en infidélité complète avec qui nous sommes.

Cette terrible histoire va vous montrer comment le mental s’y prend pour créer la maladie mais aussi pour détruire – en une fraction de seconde – le résultat d’un long cheminement vers la guérison.

Une femme très perturbée va voir un chirurgien et lui dit : « J’ai un serpent dans le ventre, il faut que l’on m’opère. » Le chirurgien lui parle avec tact et finit par lui suggérer d’aller consulter un psychiatre. Furieuse, la femme se sent injuriée, claque la porte du médecin et se rend chez un de ses collègues auquel elle se plaint du même mal. « J’ai un serpent dans l’estomac, il faut que vous me l’enleviez. » Ce deuxième chirurgien lui conseille également d’aller voir un psychiatre. 

Vous imaginez bien qu’une personne persuadée d’avoir un serpent dans le ventre n’a plus qu’une idée : s’en débarrasser. La femme va donc de médecin en médecin et finit par rencontrer un chirurgien au fait des problèmes psychosomatiques. « Ainsi, lui dit-il, vous avez un serpent dans le ventre ? Je peux m’en occuper. Si nous prenions rendez-vous pour que je vous opère ? » La femme n’en revient pas : « Mais alors, vous me croyez ? » « Mais bien sûr, chère Madame, lui répond le médecin, je comprends ce genre de choses. Il faut qu’on vous enlève ce serpent pour que vous vous sentiez mieux. » Et ils prennent rendez-vous quelques semaines plus tard pour une petite opération.

Entre-temps, le chirurgien est allé acheter un serpent conservé dans le formol. Quand la femme vient au rendez-vous, il l’anesthésie, lui fait une petite incision et la recoud afin qu’elle puisse constater qu’on l’a bel et bien opérée. A son réveil, il lui montre le serpent en disant : « J’avais des doutes mais vous étiez si sûre de vous… et maintenant, je vois que vous aviez raison. Vous aviez vraiment un serpent dans le ventre. Je vous l’ai enlevé et à présent tout ira bien. » La femme se sent soulagée. « Oh, merci, dit-elle, je me sens si bien, c’est merveilleux. Mais je voudrai emporter le serpent car dans ma famille ou parmi mes amis, personne ne m’a crue et je voudrais le leur montrer. » Le chirurgien lui donne donc le serpent et elle va tout de suite chez sa meilleure amie qui s’était beaucoup moquée d’elle. « Regarde, lui dit-elle toute contente, tu me croyais folle et pourtant, voilà ce que le chirurgien a retiré de mon ventre. J’avais bel et bien un serpent dans l’estomac. » L’amie jette un coup d’œil sur le serpent et sursaute. « Qu’est-ce qu’il y a ? » demande la femme, un peu perturbée par cette réaction. « Eh bien, réplique l’autre, j’espère qu’il n’a pas eu le temps de pondre des œufs dans ton ventre. » *

Cette histoire met en scène les subterfuges d’un chirurgien qui tente – par tous les moyens – de guérir le mental de sa patiente gravement perturbée par une croyance. Et si fragile psychologiquement qu’une simple parole la fait retomber dans ses mécanismes pathologiques.

Le mental (le menteur en nous), c’est le doute, il nous fait croire le faux (le serpent) ou que ce qui ne s’est pas passé aurait dû se passer, ou que nous devrions être autrement que ce que nous sommes. C’est l’illusion qui s’immisce en nous face à l’évidence du réel et qui fait qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre une personne démente et une personne dite normale parce que nous pouvons tous par moments « perdre la raison ».

Je suis chez moi en train de vaquer paisiblement à mes occupations ; j’évoque intérieurement ma femme partie en déplacement pour quelques jours – qui est actuellement sur la route – et je me dis soudain : « Pourvu qu’elle n’ait pas eu un accident ! » Rien ne laisse présager un quelconque accident et pourtant le doute est né. Le mental m’a volé ma paix intérieure.

Le mental c’est ce qui à l’intérieur de moi vient troubler mon état de confiance et de tranquillité. C’est dire à quel point il est crucial pour nous de le repérer.

Ces histoires parlent de la manière dont le mental peut mettre notre paix en péril en une seconde, pouvoir qui est à proprement parler diabolique parce qu’il nous divise. Nous avons en effet – chacun de nous, à chaque instant – malgré nos éventuelles patientes reconstructions, la possibilité de tout remettre en cause, la possibilité de tout détruire en imaginant (avec la tête, donc avec nos pensées) ce qui n’existe pas.

Les traditions de sagesse expliquent qu’il est impossible d’échapper au mental sans un patient et constant travail de vigilance. Un travail pratique permanent de remise en cause de trois de nos tendances coutumières :

  • nos tendances à juger,
  • nos tendances à comparer,
  • nos tendances à attendre que les choses arrivent comme nous le souhaitons.

Un ancien proverbe turc affirme : « Le monde entier, fût-il ligué contre toi, ne peut te faire le quart du mal que tu te fais à toi-même. » 

* Histoire racontée par Lee Lozowick dans L’Alchimie du réel, Éditions du Relié, p. 94.

Crédits : Illustration : Triomphe du doute (1946) de Victor Brauner

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Kriss

Bonjour, Je rentre tout à fait dans ce cas concernant l’indignation par rapport à “la manière dont vous vous indignez facilement qu’une explication que vous avez donnée à une personne ne soit pas comprise ni assimilée par elle”. J’ai compris depuis “très peu” que je peux expliquer mon point de vue lorsque l’on me le demande, sans pour cela “vouloir” convaincre ou même simplement expliquer cela dans le” but” d’avoir la compréhension de la personne à qui je m’adresse qui veut dire que j’ai un besoin, qui est un besoin d’enfant inassouvi d’être entendue et reconnue. Comme j’en ai pris… Lire la suite »

PascaL

Bonjour,
Considérez-vous le mental et l’insconcient comme une seule et même entité?
Et pour Swâmi Prajnânpad, que sont l’esprit et le mental?
Comment pourrait-on appeler le filtre entre la partie consciente et la partie inconsciente?
– filtre plus ou moins perméable en fonction de notre état de conscience, corporel et émotionnel.
Où vont se loger les signatures émotionnelles d’un traumatisme psychologique? (cf. résilience, plasticité du cerveau)
D’avance merci pour vos lumières

mat

Bonjour
Oui je partage cette réflexion illustrée de cette sympathique histoire.
Je me retrouve parfois prise en otage et de manière imminent et irrésistible par un doute, une peur, une frayeur, une angoisse.
Toute ma confiance en moi est alors anéantie.
C’est un très mauvais moment, mais qui revient
Oui, Il s’agit de piège…
On se piège, on se fait du mal.
Pourquoi?
Il y a sûrement un sens une raison à ces
Le temps peux t-il, a lui seul, être réparateur?
Est ce une pathologie?

ariadisia

bonjour,
c’est vrai j’aime beaucoup lire et méditer sur ses sujets très intéressants et vrais, ils nous aident à ne plus être victime de nos propres pensées et à être à l’écoute de celles-ci afin de redresser les anciennes et les annuler définitivement, un travail de chaque instant pour notre bonheur.
Merci pour votre témoignage.
Marianne

marianna

Bonjour, j’ai été victime de mon mental et j’y suis encore quelque fois. Aujourd’hui je fais davantage attention. C’est surtout tout ce qui touche a la santé et depuis que je dois travaillé dans une usine jusque 62 ans. J’arrive à me raisonner mais je prends quand même un anti dépresseur. La fatigue est là aussi pour me faire douter. Je suis malentendante, et reconnu handicapé maintenant, et je suis quand même dans un bruit infernal, pourtant j’ai le casque de protection. Il à fallu que je me batte contre des démons. Je suis bien heureuse d’avoir appris le développement… Lire la suite »