Question de Jean-Michel :
Pour se raccrocher aux branches
Sans vouloir abuser de votre disponibilité, j’aurais besoin d’un conseil :
Je viens de découvrir que mon fils Rémi qui vient d’avoir 17 ans travaille beaucoup moins à l’école, n’a plus de projet d’orientation vers un métier pour plus tard, délaisse le vélo et le rugby qui le passionnaient, est dépensier, s’est séparé de sa petite amie dont il estimant la relation sérieuse, passe beaucoup de temps avec des groupes punk ou oisifs pas clairs à boire du pastis, jouer au loto, et fumer des cigarettes qu’on ne trouve pas dans le commerce, et ment de plus en plus. Il n’y a jamais eu problème de tabac ni d’alcool ni du coté de la famille de sa mère ni du coté de la famille de son père.
Il vit la semaine chez sa mère à 15 km dont je suis séparé depuis 2 ans, et je le vois les week-ends et je passe quand il le souhaite. Il a peu de projets partagés avec moi en dehors de son argent de poche et de la conduite accompagnée du permis de conduire. Il dort peu et on a du mal a savoir où et avec qui il passe du temps quand il n’est pas avec un des parents, même équipé d’un téléphone portable, sans qu’on ait une attitude de contrôle strict. Ce n’est pas faute de lui proposer des activités intéressantes et variées sans chercher à imposer un emploi du temps.
Comment faire pour rétablir le contact avec la partie de Rémi qui est le décideur lucide de son avenir ? Quelles erreurs éviter ? Jusque maintenant j’ai toujours privilégié la confiance et l’indépendance, en surestimant peut être sa maturité.
Son état de fragilité actuel me fait penser qu’il n’y aura pas de solution sérieuse en dehors d’un arrêt complet des comportements déstabilisants. Voilà, je n’arrive pas à voir plus loin dans les possibilités d’évolution.
Ma réponse :
La première question que vous pouvez vous poser est celle de savoir pourquoi vous « venez de découvrir » la situation de Rémi, car cela parle certainement de vous et de la relation qui est la vôtre… donc, par conséquence, de son attitude à votre égard. Il est inutile de culpabiliser mais par contre ce peut être très utile pour un père de montrer à son fils qu’il ose prendre ses responsabilités, quitte à reconnaître honnêtement « ce qui a été », c’est cela permettre la confiance d’un fils. Quand vous dites avoir toujours « privilégié la confiance et l’indépendance », souvenez-vous que vous parlez pour vous c’est-à-dire de votre manière « à vous » de voir la relation : quand vous avez pensé que la confiance et l’indépendance étaient le mieux, vous êtes-vous demandé comment Rémi ressentait, lui, cette « confiance et indépendance » ? N’a-t-il pas pu les ressentir comme de l’indifférence, voire de l’abandon ?
Vous avez très certainement besoin de parler à cœur ouvert tous les deux, vous en donnerez-vous les moyens ? Trouverez-vous les mots qui permettront à un fils de se sentir compris par son père ? Un adolescent qui ment est un adolescent qui a peur de se sentir jugé et qui n’est pas en confiance. A vous de découvrir pourquoi il ne l’est pas.
Vous me dites être séparé de sa mère depuis 2 ans, savez-vous comment il a vécu cela ?
Vous me dites également lui « proposer des activités intéressantes », je n’en doute pas, mais vous êtes-vous honnêtement demandé pour qui elles sont intéressantes ? Renouer un contact avec un fils parti à la dérive, c’est lui permettre de ressentir que son père s’intéresse inconditionnellement à lui. La meilleure manière d’y parvenir est de rentrer dans « son monde à lui », de s’intéresser à ce qui l’intéresse car c’est parce qu’il ressentira l’intérêt et l’amour que son père lui porte qu’il aura envie, à son tour, de s’ouvrir à lui.
Oui, Rémi est le décideur de son avenir, vous espérez (comme tout parent) qu’il en soit lucide mais l’est-il ? Et si « non », comment allez-vous vous y prendre pour mettre tout en œuvre afin qu’il le devienne ? La question est là… comment créer la confiance avec Rémi qui est manifestement en crise, car soyez certain que les comportements qui sont les siens ont un sens et qu’ils ne manifestent que son « mal de vivre ».
Je n’ai jamais rencontré un jeune qui partait à la dérive et qui se sentait aimé et écouté, qu’en pensez-vous ?
A 17 ans la plupart des dés sont jetés et il vous faudra beaucoup de patience, d’amour donc d’habileté pour l’aider à se reconnecter avec les élans de vie qui étaient les siens.
Quand vous évoquez un « arrêt complet des comportements déstabilisants”, je reste perplexe, quel pouvoir avez-vous sur lui de les lui faire arrêter alors qu’il est bientôt majeur ?… Le pouvoir de l’interdiction issue de votre autorité ? Croyez-vous qu’il vous sera réellement possible de le contrôler et, quand bien même vous y parviendrez, croyez-vous que cela vous rapprochera tous les deux ?
Demandez-vous ce que vous voulez et souvenez-vous que si vous imposez vos demandes à votre enfant, vous obtiendrez sa soumission ou sa révolte mais jamais la rencontre.
A mon sens, votre marge de manœuvre est assez faible, vous n’avez pas ou très peu de pouvoir, comment allez-vous vous servir de ce « très peu » pour qu’il puisse aider à l’ouverture de votre fils ? Car souvenez-vous que c’est vous qui voulez qu’il « évolue dans le bon sens », c’est-à-dire dans le sens dans lequel vous, vous estimez qu’il doit aller.
Demandez-vous « pourquoi » il aurait envie de changer et agissez dans le sens des motivations qui sont les siennes, donc créez – comme vous le dites – des « projets partagés » entre lui et vous… mais sur la base de ce qu’il aime lui (et pas sur celle de ce que vous aimez vous) !
Enfin gardez toujours à l’esprit que vous ne pouvez pas changer votre fils mais seulement la relation que vous avez avec lui.
© 2008 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)