« Ce que l’on devient dépend de la manière dont on reçoit les choses. »
Swami Prajñânpad
Question de Richard :
Profession : militaire.
J’aimerais savoir s.v.p. si je devrais forcer mon fils de 3 ans a continuer son cours d’apprentissage au patins a glace.
Situation :
Son premier cours, il a pleurer pas mal tout le long du cours mais a réussi a rester debout quelque fois, lorsqu’il tombe, bien sur il se fais mal au fesse etc.
Après le cours nous lui avons donner des encouragement positif : c’est beau t’es bon et tout.
Son deuxième cours, hier, il a pleurer pas mal tout le long du cours, j’ai noter quelque amélioration mais pas beaucoup. nous lui avons encore donner des encouragement et tout.
2h après le coucher, il se réveille en panique et impossible de le consoler, il dit non, non j’veux pas etc, alors je lui demande pourquoi non et tout, a un moment il dit je ne veux pas faire de patin, j’essai encore de le réconforter en essayant de lui faire penser a autre chose, c’est dur de le calmer et il se met a pleurer avec tristesse et finalement il s’endort.
Moi et ma femme avons conclus qu’il a probablement eu un mauvais rêve qu’il étais peut être dans un état de somnambulisme et tout.
Donc nous ne voulons surtout pas le traumatiser et le forcer sans raison mais aussi ont se dit que de le sortir du cours ne l’aideras pas a passer par dessus d’autres obstacle de sa vie,
Je sais pas trop quoi faire, pouvez vous m’aider s.v.p.
Ma réponse :
D’un côté vous vous sentez désorienté dans votre rôle de père quand vous vous dites que si vous laissez votre enfant renoncer au patin, cela le confortera dans une image de lui-même négative de quelqu’un qui renonce car – parce que vous l’aimez – vous voulez en faire un enfant fort (vous n’aimeriez pas qu’il soit une mauviette parce qu’étymologiquement la mauviette est un petit oiseau tout juste « bon à être mangé »). D’un autre côté vous pressentez très justement qu’il ne s’agit pas d’aller trop loin et de risquer de le traumatiser sous le prétexte de le rendre plus solide et plus fort.
Vous avez raison, je crois que tous les parents dignes de ce nom de parents – tous les pères – se sont un jour où l’autre posé cette question : à vouloir rendre mon garçon plus fort, est-ce que je ne prends pas le risque de le rendre plus faible ?
Ainsi pour répondre à cette question délicate nous allons tenter de comprendre la manière dont fonctionne un être humain en développement.
Pour pouvoir faire une chose et la mener à bien nous avons besoin d’en avoir le désir, on peut même dire que le désir est le premier moteur de l’action. Sans désir, pas d’action.
Si – par exemple – vous n’avez jamais eu le désir de sauter en parachute, vous n’avez aucune chance de devenir parachutiste. A l’inverse si vous en avez le désir vous allez permettre à votre esprit de s’ouvrir à l’idée de le devenir.
Maintenant ce n’est pas parce que vous en avez le désir que vous allez immédiatement devenir capable de passer à l’action. Il va, préalablement, vous falloir envisager cela comme « possible ». Bien sûr l’intensité du désir aide à rendre les choses possibles mais elle ne suffit pas, il faut en plus que vous vous en croyiez capable. Si vous ne vous croyez pas capable de faire une chose, jamais vous ne pourrez l’entreprendre. Par contre, si vous en avez le désir et qu’en plus vous vous en croyez capable, vous êtes fort bien parti pour la réaliser.
La première question à vous poser vis-à-vis de votre enfant est donc de savoir si son apprentissage du patin à glace trouve son origine dans son désir à lui. Il est par exemple très fréquent qu’un parent ayant eu le secret désir d’entreprendre quelque chose et n’ayant jamais pu le réaliser, projette ce désir sur son enfant… En obligeant son enfant à le réaliser, cet adulte peut même se convaincre que ce sera « pour son bien ». En fait il agit avec l’enfant comme il aurait agi pour lui-même, en oubliant que l’enfant est un autre que lui.
Vous avez donc à commencer par vérifier le désir originel de votre enfant.
La seconde question est liée au fait de s’en croire capable. Vous me dites que lors du premier cours il est tombé et a beaucoup pleuré parce qu’il s’était fait mal aux fesses et que là-dessus (vivant vraisemblablement la crainte qu’il renonce), vous l’avez beaucoup encouragé, vous avez « positivé » les choses (d’autant plus aisément que ce n’est pas vous qui étiez tombé et que vous trouviez dommage qu’il renonce au patin.)
Lors du second cours, votre garçon pleure tout du long, vous ne notez pas d’améliorations significatives mais vous continuez de l’encourager, pensant toujours que ce serait dommage pour lui qu’il renonce. C’est ainsi que plus votre garçon s’entraîne, moins il s’en croit capable, plus il se désespère, moins il a envie de poursuivre l’apprentissage du patin à glace… plus vous l’encouragez, plus vous sentez venir le risque qu’il se bute, plus vous avez peur de ce risque, plus (en en ayant peur) vous prenez ce nouveau risque de nier le refus de votre enfant, sous le prétexte (vrai, lui) qu’on n’a rien sans peine.
Autrement dit, petit à petit, insidieusement, vous vous éloignez du respect du ressenti de votre enfant qui est un autre que vous. Celui-ci le vivant plus ou moins confusément s’affole, panique, se bloque encore davantage et fait un cauchemar, il se réveille et là vous dit clairement qu’il ne veut plus faire de patin, le sentant en détresse et parce que vous l’aimez vous tentez de le réconforter, il est visiblement très mal, il souffre, pleure et à bout de forces, s’endort.
Or votre enfant n’est pas somnambule, son cauchemar lui a permis enfin d’exprimer son vrai désir, son besoin de renoncer au patin n’étant plus censuré (à ce moment là) par son désir de vous faire plaisir. La rencontre de ces deux énergies contradictoires a suscité chez lui une intense expression émotionnelle, ce soir là.
Quand un petit enfant a le choix entre tout faire pour rendre son parent heureux, ou renoncer à ce qu’il sent vrai chez lui (donc à ses besoins), il choisit toujours de renoncer à lui-même (en protégeant par là même le parent par lequel il a tant besoin de se sentir aimé.)
Votre petit garçon ne vous a-t-il pas montré son courage en « réussissant à rester debout quelquefois » (ce sont vos propres mots), malgré ses larmes, ses chutes et ses contusions ?
Bien sûr que parce que vous l’aimez, vous souhaitez de tout votre cœur qu’il devienne « fort » en apprenant à sauter les obstacles de sa vie.
Comme vous le savez – vous qui êtes adulte – tout est une question d’apprentissage et de mesure (ne l’avez-vous pas souvent senti, vous qui êtes militaire donc souvent confronté à la fréquentation de vos limites ?)
Quelle différence y a-t-il entre celui qui « en bave » et poursuit sa course et celui qui l’arrête ? Celui qui la poursuit sait – au fond de lui-même – pourquoi il la poursuit et c’est pour cela (pour ses motivations) qu’il la poursuit. Celui qui l’arrête n’en perçoit plus le sens et c’est pour cela qu’il l’arrête.
Obliger quelqu’un à poursuivre une course alors qu’il n’en saisirait pas le sens est simplement faire preuve de violence envers lui en l’obligeant à agir a contrario de son ressenti.
Nous pouvons sans doute tenter de persuader l’autre de faire ce que nous pensons être bon pour lui, certains éducateurs pensent qu’ils doivent aller jusque là, mais ce qui est certain c’est que si cette persuasion est vécue par l’autre comme une contrainte, c’est de la violence.
Il est très important que vous ayez des attentes cohérentes avec les étapes du développement de votre enfant. A trois ans, un enfant est encore très petit, il apprend tout juste à se faire entendre et à contrôler mieux ses impulsions, c’est pourquoi il est capital de ne pas le décourager dans ce qu’il essaye d’exprimer donc de lui faire sentir qu’il a le droit au respect.
N’ayez crainte, il aura de multiples autres occasions de se confronter aux défis de son existence… Pour mener à bien un projet, nous avons tous besoin d’en avoir le désir, de nous en croire capables et de sentir au cours de la réalisation de ce projet qu’il est véritablement bon pour nous. A ce niveau, je crois que – tel que vous me le décrivez – votre enfant a perdu le contact avec son désir premier, auquel cas il ne peut qu’avoir le désir d’arrêter parce que le patin à glace lui apparaît, à lui, comme un enfer.
Vous avez fait ce que vous avez pu pour l’aider, le comprendre et l’encourager, en fin de compte je crois que vous voici obligé de convenir que c’est un échec. Non pas l’échec de la vie d’un enfant, mais juste l’échec d’un parent dans son désir de faire faire du patin à glace à son tout petit garçon.
Pourquoi ne pas le reconnaître ? Pourquoi ne pas convenir avec habileté quelque chose comme « Hé bien on a réfléchi avec ta maman, nous nous sommes trompés, tu n’as plus besoin de faire de cauchemars, nous sommes d’accord pour que tu arrêtes le patin à glace ! »
Dans un second temps, (après que votre enfant aura digéré son épreuve), vous pourrez, en harmonie avec lui, lui proposer des jeux conformes à son âge, et avec lesquels il ne se sentira pas en échec parce qu’il les aimera.
Pour que votre enfant réussisse une activité, il faut qu’elle le rende heureux. N’oubliez jamais que c’est en jouant qu’un enfant commence son « apprentissage. »
© 2012 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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- Réponses aidantes ou maladresses nuisibles (plusieurs exemples dans la relation parents / enfants.)
- Comment sortir de sa toxicité de parent ?
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Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)