L’éducation consiste à comprendre l’enfant tel qu’il est, sans lui imposer l’image de ce que nous pensons qu’il devrait être.
Krishnamurti.
Question de Solange :
Mon fils est séparé de la mère de ses deux filles (9 et 7 ans)
Elles voient régulièrement leur maman, mon fils entretenant de bonnes relations avec elle. Elle est atteinte d’un cancer très avancé dont malheureusement l’issue est fatale.
Comment préparer mes petites filles à ce terrible drame ?
Elles voient régulièrement un pédopsychiatre car leur comportement est difficile à l’école depuis la séparation des parents.
Ma réponse :
C’est une chance pour vos petites filles que leur père entretienne une bonne relation avec leur mère, car la manière dont votre fils se situe intérieurement par rapport à son ex-femme détermine en partie sa relation émotionnelle à ses filles, qui déterminera à son tour leur vécu personnel.
Il doit être difficile pour lui (s’il a été à l’origine de la séparation) de ne pas projeter (inconsciemment) sur ses enfants, au moment même où leur mère se meurt d’un cancer, sa possible mauvaise conscience de l’avoir quittée. Dans ce contexte, il peut se sentir tenté de compenser cette culpabilité en surprotégeant inconsciemment ses filles, c’est-à-dire en faisant obstacle d’une manière ou d’une autre à l’expression de leurs vécus émotionnels. La culpabilité (parce qu’elle est une émotion qui nous rend à tort responsable des vécus de l’autre) peut, par exemple, lui faire penser qu’elles devraient être plus affligées qu’elles ne semblent l’être, ou a contrario qu’elles devraient avoir déjà fait leur deuil (si elles doivent le faire), au moment où elles ne l’ont pas encore fait, ou même qu’elles ne devraient pas être agressives quand elles le sont.
Quand les parents culpabilisent des émotions de leurs propres enfants, ils leur demandent alors le plus souvent de les inhiber en ne les montrant pas donc de les étouffer. Et quand les émotions que vivent les enfants sont réprimées, elles s’accumulent à l’intérieur d’eux pour ressortir violemment, donc d’une manière disproportionnée, à une occasion ultérieure.
Préparer ces enfants, c’est d’abord avoir le courage de considérer qu’elles vont subir – inéluctablement – un second drame.
C’est aussi principalement se souvenir qu’un parent aidant est un parent qui donne le droit à ses enfants de ressentir ce qu’ils ressentent, donc qui leur permet de manifester et de vivre le plus possible les émotions qui sont et qui seront les leurs sans jamais le leur reprocher.
En fait l’idée même de vouloir « préparer » les petites filles peut être dangereuse dans la mesure où elle peut vous faire prendre le risque de ne pas les prendre « telles qu’elles sont », c’est-à-dire telles qu’elles vivront ce nouveau drame.
C’est la famille qui aura besoin de « se préparer » afin de les « accompagner » donc de les suivre à la mesure de ce qu’elles vivront (et non pas tenter de les façonner à la mesure de ses peurs pour elles), elle aura besoin d’être inconditionnellement prête à tout. Pas d’idées préconçues, juste une adaptation à ce qu’elles seront, c’est cela qui leur permettra de continuer de se sentir aimées au cœur même de la crise qui sera la leur.
Il n’est pas possible d’intervenir directement sur le destin de vos deux petites filles mais il est possible de tout faire pour ne pas l’alourdir davantage, cela demandera à toute la famille de l’écoute, de la patience, de la douceur et de l’amour donc de vous souvenir constamment de leur droit à la différence, même si cette différence vous apparaît à un moment de leur histoire « illogique », incongrue, ou injuste.
© 2010 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)