Accompagner ou diriger ?

Mémo pour vous aider à garder une relation positive avec la personne en souffrance

« Puis-je me permettre d’entrer complètement dans l’univers des sentiments de l’autre et de ses conceptions personnelles et les voir sous le même angle que lui ? »

Carl Rogers.

Vous êtes un certain nombre, après avoir suivi l’une de mes formations sur la relation d’aide à m’en demander un résumé que voici…

Diriger, qu’est-ce que c’est ?

1. Rassurer ou consoler trop vite (c’est-à-dire risquer d’enfermer l’aidé dans sa solitude.)

Exemple : « Ne vous inquiétez pas, votre opération se passera bien. » Comment le savez-vous ? Comment pouvez-vous être certain(e) que l’aidé vous fera confiance ? Et s’il ne vous croit pas, que risque-t-il de vivre ? Compatir trop, c’est être dans le déni de ce que vit l’aidé qui risque de ne pas se sentir compris dans ce qu’il vit. Pourquoi voulez-vous ainsi banaliser ce que l’aidé vit ?

2. Moraliser, vouloir être gentil (c’est-à-dire risquer d’isoler l’aidé, de le dévaloriser.)

Exemple : « Vous ne devriez pas vous mettre dans un tel état, vous feriez mieux de penser à votre petit fils qui est si mignon. » Moraliser, c’est dire à l’aidé ce qui est bon pour lui, sur la base de ce que nous pensons nous et surtout de la morale  « convenue » qui fait peu de cas de ce que chacun ressent dans sa profondeur.

3. Juger, blâmer, évaluer (c’est-à-dire se servir de son pouvoir pour donner des leçons.)

Exemples : « Vous devriez vous estimer déjà heureuse de ne pas vous faire opérer. » ; « Il y en a des bien plus malheureux que vous. » ; « Ne soyez pas si douillette, ça ne fait pas mal. » C’est très violent d’évaluer ainsi les paroles comme les ressentis physiques ou émotionnels de l’aidé. Ce n’est pas le rôle de l’aidant de donner à l’aidé son opinion personnelle sur ce qu’il vit, surtout si elle est « donneuse de leçons ».

4. Conseiller trop vite (c’est-à-dire donner des solutions.)

Exemples : « Vous devriez en parler à votre fille. » ; « Vous n’avez qu’à manger davantage. » Risque d’incompréhension comme d’enfermer l’aidé dans sa solitude. Prenez conscience que l’aidé n’est pas vous, l’autre est différent.

5. Argumenter logiquement (c’est-à-dire se défendre ou se protéger en risquant de mettre l’aidé en porte-à-faux.)

Exemple : « Il est préférable pour vous de vous faire opérer puisque vous avez mal. » Risque pour l’aidé de ne pas se sentir compris dans sa sensibilité.

6. Esquiver, faire de l’humour facile, fuir la réalité.

Exemples : « Mais non, le bon dieu ne veut pas de vous en ce moment ! » ; « Ce séjour à l’hôpital vous fera des vacances. » L’humour, s’il n’est pas librement consenti par les deux parties, est une fuite. Demandez-vous ce qui vous force ainsi à vouloir plaisanter coûte que coûte.

7. Questionner trop et/ou avoir peur des silences.

Oser affronter le regard (même angoissé) de l’aidé, être là, présent et « vrai » donc ne pas se réfugier derrière des attitudes techniques qui risquent de déshumaniser la relation.

Et en toutes circonstances : agir trop précipitamment.

 

La relation d’aide demande que vous preniez le temps de sentir et de soupeser les choses, souvenez-vous que la précipitation est aussi une fuite. Donc laisser à l’aidé le temps dont il a besoin et ne pas aller plus vite que lui.

Il y a une risque également à informer trop vite (sans réfléchir préalablement à ce que l’aidé peut entendre.) Pourquoi risquer de troubler l’aidé en lui disant ce que vous pensez, alors qu’il ne vous le demande pas ?

Par contre, vous n’avez pas le droit de mentir à un aidé qui vous demande de lui dire la vérité, sous le prétexte que vous estimez que cela ne sera pas bon pour lui.

 

Accompagner, qu’est-ce que c’est ?

Etymologiquement c’est « marcher avec un compagnon » donc avec celui (cum panis) avec lequel on « partage le pain ».

L’accompagnant n’est donc ni devant, ni derrière, il reste à l’exacte hauteur de l’autre, à l’écoute exacte de « là où il en est ».

  • Tout faire pour éviter la rupture dans la communication avec la personne en souffrance.
  • Il ne s’agit pas de dire ou de ne pas dire mais de répondre honnêtement à une demande faite sous forme d’une question précise.
  • Le plus souvent il s’agira simplement d’écouter et – le cas échéant – de chercher à déchiffrer le message caché d’une demande floue parce qu’émotionnelle.
  • Etre là et montrer à la personne en souffrance que quel que soit son comportement ou ses paroles, nous sommes avec elle.

Comment ?

  • Grâce au questionnement intime et authentique qui débouche sur l’écoute.

Exemple : « J’ai peur de mourir. » Réponse : « Voulez-vous me parler de votre peur ? » (à condition – bien sûr – que votre attitude non verbale (ton, mimique) soit à l’exacte hauteur de l’intérêt que vous semblez porter à l’autre.)

  • Grâce à la reformulation : renvoyer le message avec empathie en utilisant une partie de ses termes, sans jugement de valeur, ni interprétation personnelle.

Exemple : Un malade en fin de vie partage. « Je voulais simplement tourner et sortir. Sortir pour partir chez moi. » Après un temps, l’infirmière qui l’écoute se penche vers lui et répète : « Partir chez vous ?… »

Cela permet de :

  • S’assurer que l’on a bien compris, donc s’adapter rapidement à l’aidé s’il y a eu mauvaise interprétation.
  • Faire baisser l’agressivité s’il y a lieu, un gain appréciable à une époque où beaucoup d’aidés à la mentalité de « clients » (« Je paye, moi ! ») semblent avoir oublié le proverbe « Ne mords pas la main qui te nourrit. »
  • Faire préciser la pensée de l’autre, uniquement s’il le désire. S’il ne le souhaite pas, vous n’aurez qu’à continuer tranquillement votre travail en arrêtant là la relation pour le moment.
  • Dédramatiser la situation, non pas à travers une attitude de déni (« Vous ne devriez pas vous inquiéter »), mais à travers une écoute authentique qui permettra à l’aidé de se sentir accueilli et compris.
  • Apporter une mesure en partageant avec l’aidé que vous l’avez entendu : « Oui, j’entends que vous en avez assez de… »
  • Encourager et stimuler un aidé inhibé qui n’ose pas partager ses sentiments. Parce que nous nous ouvrons quand nous nous sentons entendus et compris.
  • Résumer la pensée de l’aidé quand il parle beaucoup. Et par là même vérifier qu’ensemble vous communiquez.
  • Clarifier sa démarche. Etre un miroir pour l’aidé peut lui permettre de se regarder.
  • Voir l’essentiel et laisser le superflu. Permettre ainsi à l’aidé de se sentir accompagné au cœur même de son problème.

Pour cela, vous avez besoin de :

  • Connaître la biographie de la personne (anamnèse) : ses joies / peines / réussites / échecs / métier / place sociale / idées / pratiques religieuses / peurs. Souvenez-vous que pour acquérir cette connaissance, les conversations que vous avez avec vos malades et leurs familles sont une mine : vous y préparez vos accompagnements futurs. (En vous souvenant de cela vous n’aurez plus mauvaise conscience à bavarder tranquillement avec eux.)
  • Écouter la personne (peine, révolte, joie, colère, angoisse), sans sélectionner ce qu’elle vous dit, sur la base de ce qui vous plaît ou de ce qui vous déplaît « à vous ». (Pour y réfléchir, cliquez sur Ecouter.)
  • Et bien sûr n’imposer ni vos idées personnelles ou religieuses, ni vos valeurs. Par contre vous « mettre à la disposition » des valeurs de l’autre. Qu’importe votre religion (ou votre absence de religion), l’important n’est-il pas d’accompagner l’autre comme il le souhaite, quitte (par exemple) à lui lire une prière qui vous est étrangère mais qui est précieuse pour lui ?

Trois pièges à éviter :

1) Si nous ne connaissons pas la réponse à la question de l’aidé :

Exemple : « Je suis en mauvais terme avec mon mari, croyez-vous qu’il puisse me retirer la garde de mes enfants ? »

  • Etre clair : « Je ne connais pas la réponse à cette question. »
  • Lui montrer, avec empathie, qu’on l’a écouté : « …mais je comprends que puisque vous êtes en mauvais terme avec votre mari, vous soyez soucieuse et anxieuse à l’idée qu’il puisse vous retirer la garde de vos enfants. »

L’empathie, c’est comme un message de paix que nous adressons à l’autre, pour lui montrer que nous l’avons écouté donc lui dire que nous sommes complètement avec lui.

2) S’il vous semble que l’aidé vous raconte des bobards :

Exemple d’un aidé pour qui vous avez constaté qu’il a dormi profondément toute la nuit. Le matin, vous entrez dans sa chambre en lui demandant « Comment avez-vous dormi ? » Il vous répond : « J’étais très anxieuse. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. »

Ne pas prendre le risque de le culpabiliser en lui faisant ressentir qu’il se trompe : Il n’est utile de faire ressentir son erreur à l’aidé que parce que nous avons préalablement vérifié qu’il peut l’entendre.

Donc lui répondre quelque chose comme : « Je comprends que vous ne vous sentiez pas bien puisque vous avez l’impression de n’avoir pas dormi de la nuit. »

3) Si l’aidé est agressif et hautain :

Exemple : « Est-ce que vous savez qui je suis ? Je suis le fils du Dr. X, chirurgien à l’hôpital, vous devez répondre à mes sonnettes immédiatement ! »

  • Ne pas répondre « Et alors ? (sur un ton donneur de leçon.) Vous ou un autre, pour moi vous êtes tous des malades. » (même si c’est vrai).
  • Mais tenter d’ouvrir la relation en répondant quelque chose comme « Je suis à votre service et je m’efforcerai de répondre à vos sonnettes comme cela me sera possible. » (donc ne pas vous trahir pour autant.)

Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à proposer vos exemples de pratique professionnelle ou personnelle sur ce site.

© 2010 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.


Moyennant une modeste participation aux frais de ce site, vous pouvez télécharger l’intégralité de cet article (5 pages) au format PDF, en cliquant sur ce bouton : 


Pour aller plus loin, vous pouvez télécharger la fiche pratique de formation :


Compteur de lectures à la date d’aujourd’hui :

2 040 vues

 

CLIQUEZ ICI POUR VOUS ABONNER AUX COMMENTAIRES DE CET ARTICLE
Abonnement pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires