Question posée par Leïla.
Si la colère est l’émotion de l’injustice, la violence en est sa pathologie.
La violence signe toujours l’échec de la relation parce qu’elle cherche à soumettre celles et ceux qu’elle contraint à la peur. La violence est irrationnelle par nature.
Si vous cherchez à maitriser la violence d’un homme sous le prétexte que vous pensez l’aimer, c’est que vous n’avez pas encore perçu que le véritable contraire de l’amour n’est pas la haine mais la peur.
Aimer un homme ce n’est pas chercher à lui appartenir car vous n’appartenez à personne d’autre qu’à vous-même. Albert Camus disait : « Être différent n’est ni une bonne ni une mauvaise chose. Cela signifie simplement que vous êtes suffisamment courageux pour être vous-même. »
Prétendre aimer un homme qui vous fait peur serait donc à la fois paradoxal et dysfonctionnel parce que ça reviendrait à ne pas être suffisamment courageuse pour vous respecter vous-même. C’est le non-amour de soi-même qui est le plus souvent à l’origine du comportement inadapté des victimes de violence dans le couple.
Ouvrir les yeux c’est comprendre que l’amour exige le respect mutuel sinon ce n’est pas de l’amour mais de la soumission à la peur. Beaucoup de personnes ont été contraintes – dans leur enfance – à appeler « amour » leur soumission à la peur (par exemple à croire aimer leur père qu’en vérité elles craignent), or l’amour et la peur ne peuvent que s’exclure mutuellement.
Ainsi plutôt que de vouloir changer l’autre – il est juste de principalement penser à soi-même. Penser à soi-même n’est ni mal, ni égoïste, c’est juste honorer le fait que l’on existe.
Cela vous amènera à songer très sérieusement à la manière dont vous allez vous y prendre (vous et peut-être les vôtres ?) pour réussir à vous mettre hors de portée de la violence de cet homme plutôt que de chercher à le maîtriser.
Un homme qui cherche à vous dominer par la violence est un homme devenu fou. Est-ce raisonnable de chercher à maitriser un fou ?
Sans doute ne voyez-vous pas qu’en voulant vous rendre maitre d’un homme qui dysfonctionne vous courez le risque de dysfonctionner vous aussi, c’est-à-dire d’obtenir l’inverse de ce que vous désirez.
Bien souvent les personnes qui, pendant longtemps, ont adopté un comportement de soumission sont dans l’espoir – quand elles en prennent conscience – de « prendre leur revanche », en cherchant à faire subir à l’autre ce qu’elles-mêmes ont si douloureusement subi.
On peut – bien sûr – le comprendre, même si c’est insensé, car tout besoin de revanche est une dépendance (et pas une indépendance) donc d’une aliénation.
Être libre c’est devenir capable d’agir en fonction de soi-même et non pas en fonction de son besoin compulsif de réagir à l’autre.
Un autre paradoxe dramatique est que si une femme, victime de la violence d’un homme, se met à penser que de renoncer à la relation serait un échec pour elle, elle court le risque de demeurer encore plus longtemps la victime de la violence de l’homme.
Il faut beaucoup d’amour pour soi-même pour sentir que ce n’est jamais un échec de se soustraire à la violence de l’autre puisque s’y soustraire c’est se respecter soi-même en ne subissant plus l’autre.
Parallèlement, exiger de son agresseur qu’il renonce à la violence au moment où il est lui-même mené par elle, c’est courir le risque de se mettre soi-même à mal en en devenant encore une fois la victime.
Prendre la mesure de la violence d’un homme en portant plainte contre lui pour violences est un comportement qui n’est malheureusement pas toujours assumé à cause de la peur et du manque d’estime de soi-même ; mais quel sens cela aurait-il d’exiger d’un homme qu’il ne soit pas violent quand il l’est et qu’on n’a aucun moyen de le maitriser ?
Si le respect de soi-même demande de la lucidité, il demande également de la prudence en n’exigeant pas de l’autre ce que l’on n’est pas sûr d’obtenir de lui. C’est aussi considérer que demander à un homme violent de n’être pas violent c’est encore être dans une attente vis-à-vis de lui.
Il est juste et sain pour une femme de tout mettre en œuvre pour se soustraire à la violence d’un homme, donc de se protéger et de se défendre de lui, tout en considérant avec lucidité que – s’il est le plus fort – il serait plus qu’hasardeux pour elle de chercher à le maitriser.
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Pour aller plus loin, lisez : Mon mari est violent comment l’aider ?
Illustration : Henry Scheffer, Study for a Battle Scene.
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