Pourquoi doit-on communiquer avec les personnes en état végétatif ?

Est-ce juste de les considérer comme des « légumes » ?

Les séquelles de certains traumatismes crâniens comme de certaines défaillances cardiaques graves peuvent mener au coma, (du grec κῶμα/kôma qui signifie « sommeil profond »), qui est défini comme une abolition de la conscience et de la vigilance, non réversible par les stimulations, alors même que les fonctions végétatives (par définition les fonctions physiologiques indépendantes de la volonté comme la respiration, la digestion ou la circulation sanguine), sont plus ou moins bien conservées.

C’est ainsi qu’on parle d’EVC (Etat Végétatif Chronique) lorsque l’état végétatif persiste plus de 12 à 18 mois.

On estime que les personnes en EVC :

  • ne témoignent à l’évidence d’aucune conscience d’elles-mêmes ou de leur environnement ;
  • ne présentent aucun signe de compréhension ou d’expression du langage ;
  • n’offrent aucune réponse significative aux stimulations.

On parle plus spécifiquement d’EPR (Etat Pauci Relationnel, du latin « pauci » peu), lorsque ces personnes répondent seulement à quelques stimulations.

Plus l’état végétatif dure longtemps, plus les chances d’une évolution vers un retour à la conscience normale deviennent minimes, même si on a pu exceptionnellement observer des éveils chez des patients qui étaient en état végétatif depuis plus de 18 mois, (une quinzaine de cas seulement auraient été mentionnés dans les revues scientifiques), comme celui du jeune américain Terry Wallis qui est sorti du coma après 19 ans de soins de nursing.

Alors, les personnes en EVC sont-elles des « légumes » ?

Comme nous allons le voir, les personnes en coma dépassé (mort encéphalique) ne sont pas des personnes déjà mortes. Des expériences récentes du Centre de Recherche du Cyclotron (Coma Science Group) de l’université de Liège en Belgique ont montré que la conscience peut être préservée chez un patient pourtant diagnostiqué en état végétatif.

Une étude estime même que 40 % des patients que l’on pensait en Etat Végétatif ont en fait conscience de leur environnement et d’eux-mêmes à des degrés divers.

Le cas d’une anglaise de 23 ans :

En 2006, une jeune Anglaise de 23 ans subissait de graves lésions au cerveau après un accident de voiture. Paralysée, elle présentait tous les critères permettant le diagnostic d’état végétatif.

Utilisant un scanner à résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs ont cartographié l’activité cérébrale de cette patiente alors qu’il lui était demandé oralement de s’imaginer jouer au tennis ou se balader dans sa maison. A leur grande surprise, ils ont constaté qu’elle était capable de le faire, c’est-à-dire d’activer des aires de son cerveau identiques à celles activées par des volontaires en bonne santé auxquels les mêmes tâches étaient demandées.

Ces résultats démontrent que, malgré le diagnostic d’état végétatif, une personne peut conserver la capacité de comprendre des instructions orales et d’y répondre par son activité cérébrale, à défaut de paroles ou de gestes.

La décision de cette patiente de coopérer avec les chercheurs, en imaginant réaliser les tâches qui lui étaient demandées, marque une intention très claire de sa part qui confirme sans aucun doute possible qu’elle était « consciente d’elle-même et de son entourage. »

On lui avait collé l’étiquette « végétatif » alors qu’elle était – en réalité – en état de conscience minimal, elle percevait donc la douleur et avait des émotions…

De telles découvertes ont évidemment des conséquences importantes sur le plan éthique et thérapeutique, notamment en ce qui concerne la fin de vie de patients sévèrement handicapés.

Le cas d’une strasbourgeoise de 59 ans, Angèle Lieby :

En juillet 2009, Angèle Lieby se rend aux urgences d’un hôpital de Strasbourg pour une mauvaise migraine. Son état s’aggrave et on doit la plonger dans un coma artificiel. Quelques jours plus tard, les médecins n’arrivent pas à la réveiller : malgré toutes les stimulations, Angèle ne montre plus aucun signe de vie.

« Il faut la débrancher ! », finit-on par dire à son mari. Pourtant, le jour anniversaire de son mariage, sa fille voit une larme perler au coin de la paupière de sa mère. Angèle est non seulement vivante, mais parfaitement consciente, depuis le premier jour…

Elle raconte dans son livre « Une larme m’a sauvée », paru aux Editions Les Arènes, son expérience hors du commun, celle d’une femme enfermée dans son propre corps qui entendait tout, ressentait tout, sans pouvoir réagir (tout comme le héros de la nouvelle d’Emile Zola, La Mort d’Olivier Bécaille, dont je vous conseille vivement la lecture ou que vous pourrez écouter ici).

Vous trouverez, en cliquant sur ce lien, l’émouvant témoignage d’Angèle, extrait du « portrait de la semaine » (émission Sept-à-Huit, diffusée sur TF1 le 27/02/2011 et présentée par Harry Roselmack) :

Les enseignements de l’anthropologue Danielle Vermeulen :

Cette anthropologue s’est spécialisée dans l’étude des expériences de mort imminente NDE (Near Death Experience) et a développé la thèse selon laquelle la stimulation des personnes en état végétatif permet d’activer certaines zones de leur cerveau. C’est ainsi qu’elle conseille aux proches des personnes en EVC d’oser leur dévoiler ce que bien souvent on leur cache avec pudeur : leurs sentiments à leur égard.

Dans l’un de ses articles, elle décrit ce cas :

« Atteint cérébralement par un AVC, un de mes amis se retrouve dans un coma profond dont il ressort au bout de plus de quinze jours alors qu’un diagnostic très défavorable avait été posé.

Une rééducation est ensuite nécessaire notamment de la parole. Il vient un soir dîner chez moi et me dit : « A toi, je peux dire pourquoi je ne suis pas parti, tu peux comprendre » et il poursuit : « Là où j’étais, j’étais bien, mais chaque jour, quand j’étais dans le coma, je « voyais » mon fils et mon ex compagne à mon chevet et l’amour qu’ils me montraient était si fort que je me suis dit que je ne pouvais pas leur faire cela et je suis revenu ! ».

Cette femme qui a accompagné de nombreuses familles en désarroi est persuadée que l’amour peut faire revenir à la vie.

En conséquence elle ose dire qu’il est souhaitable que les familles démunies manifestent beaucoup d’espoir, de patience et surtout d’amour parce qu’elles ont un rôle actif à jouer, en équipe, avec le malade et les soignants.

A l’opposé, le Dr. Michel Hasselmann, dont le service de réanimation a accueilli Madame Lieby, souligne la rareté de son cas, et craint (sans doute légitimement) que le témoignage d’Angèle ne suscite « un espoir irréaliste à l’endroit des familles de personnes en coma profond » ?

Nous pouvons nous interroger sur cette notion « d’espoir irréaliste ». La charte des soins palliatifs en France, dans son point n°4, définit justement l’acharnement thérapeutique comme « l’attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique lourde à visée curative, qui n’aurait comme objet que de prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu’il n’existe aucun espoir raisonnable d’obtenir une amélioration de l’état du malade. »

Mais « l’espoir irréaliste » donc non raisonnable, ne vise aucune thérapeutique pour le malade. Il n’appartient qu’à celui qui le porte en lui. L’espoir qualifié « d’irréaliste » n’est-il pas toujours celui du jugement sur l’autre, de la part d’une personne qui prétendrait avoir accès à une connaissance à laquelle les autres n’auraient pas accès ?

Je suis tout à fait conscient de la difficulté émotionnelle que représente pour le soignant le fait de se retrouver, par exemple, en présence d’une mère qui – souffrant de voir son enfant en EVC – crie son espoir de le voir « revivre » un jour.

L’implication émotionnelle d’une famille blessée ne répond-elle pas toujours exactement à son besoin, au moment précis où elle en est, espoir qui deviendra ce que nous ne connaissons pas encore : soit l’espoir fou et récompensé de ceux qui n’ont jamais baissé les bras, soit le moment du déni de personnes qui à travers leur « espoir irréaliste » ont posé le pied sur la première marche d’un parcours si douloureux ?

Les aider ne sera-t-il pas d’accepter leur déni en les accompagnant d’une manière empathique donc respectueuse et réaliste, plutôt que de les « mettre en face de réalités » dont personne n’est certain ? Il est juste de faire part de nos doutes à une famille blessée quant à la possibilité de récupération d’un des siens, mais n’est-il pas douteux de lui asséner avec certitude ce dont – justement – personne n’est certain. N’est-ce pas notre communication nuancée – donc respectueuse – qui pourra agir pour la famille comme un baume apaisant ?

La prise en charge des personnes en état végétatif est éprouvante pour les soignants parce qu’elle épuise leur énergie dans une relation qui semble ne rien offrir en retour. Elle les épuise aussi dans leur relation aux familles qui résistent au deuil au moment où, les soignants, eux, n’ont plus d’espoir raisonnable d’avoir confiance en l’avenir.

Mais si plutôt que de se laisser convaincre (abuser parfois) par les apparences, le soignant parvient à en rester à la constatation sobre de la réalité, il pourra découvrir que le regard d’un patient en EPR qui semble s’animer, comme la parole d’espérance d’une mère en détresse lui permettront même de donner pleinement sens à son rôle d’écoute et de compréhension empathique.

Le délicat problème de la douleur (Emission « C dans l’air » du 02/03/11, sur France 5, animée par Yves Calvi) :

Il y a 15 ans – nous explique un spécialiste – les bébés n’étaient pas anesthésiés lors d’une intervention chirurgicale ou d’un acte douloureux, on pensait que ce n’était pas nécessaire puisqu’on croyait que leur système nerveux était immature et qu’ils ne ressentaient pas la douleur. Aujourd’hui, alors que la douleur encéphalique des bébés est reconnue par tous, cela nous paraît carrément inhumain…

« Pensez à la quantité d’actes médicaux ou chirurgicaux sans anesthésie au préalable qui nous paraîtront barbares dans 30 ans », ajoute ce même spécialiste à un Yves Calvi consterné…

Parce que la douleur est une perception subjective qui s’évalue sur la base de ce que communique directement le patient, on a pu penser qu’une personne en coma profond ne la percevait pas.

Une personne dans le coma peut-elle donc ressentir la douleur ? Oui, répond Angèle Lieby qui a ressenti une douleur insupportable au moment où, un médecin désireux de montrer à ses collègues externes « comment on voit qu’une personne est vivante ou morte », lui a violemment tordu le téton…

Considérer quelqu’un comme vivant, alors même qu’il semble plongé dans un coma irréversible, cela permettra de ne pas devoir lui enfoncer sans ménagement des instruments métalliques dans la gorge, de ne pas le retourner comme un paquet de viande, et de ne pas dire, au pied de son lit, « elle va bientôt clamser »… expériences douloureuses vécues par Angèle.

Toujours dans l’émission d’Yves Calvi (retranscrite sur le blog Ethics, Health and Death), un spécialiste commence par rappeler les trois composantes de toute anesthésie :

  1. un barbiturique hypnotique pour endormir ;
  2. un curare pour que le chirurgien puisse travailler : c’est un myorelaxant, donc une substance qui permet le relâchement musculaire, l’immobilisation. Mais ce n’est pas un anesthésiant (antidouleur) ;
  3. un opioïde (famille des opiacés) pour que le patient ne ressente pas la douleur.

Il affirme ensuite que même un être considéré comme cliniquement mort comme le donneur d’organes est un patient et non une chose ou un simple réservoir d’organes. Il se trouve dans un état irréversible, et c’est l’irréversibilité de son état qui constitue le fondement éthique au prélèvement de ses organes vitaux, (en effet, le patient se trouve dans un tel état que le prélèvement de ses organes vitaux ne constitue plus un préjudice pour lui…) Ce discours, au plus près des réalités, justifie ce geste humain : anesthésier le donneur d’organes.

L’anesthésie du donneur d’organes n’est pas obligatoire en France, mais simplement conseillée, puisqu’avant les premières lois bioéthiques (qui datent de 1994), il n’y avait pas de budget consacré à son anesthésie.

Aujourd’hui, le code de déontologie médicale, article 37, « est complété par un 3ème titre, qui prévoit que « lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée par la communication (du fait de son état cérébral), met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs. »

Le Dr. Piernick Cressard, du Conseil National de l’Ordre des Médecins, ajoute : « ce n’est pas parce que le patient est en incapacité d’exprimer sa douleur qu’il ne souffre pas. Nous devions prendre en compte la douleur encéphalique, qui n’est pas publique. » (Une douleur non publique étant une douleur non connue de tous.)

Quand il n’est pas possible de communiquer verbalement avec un patient à propos de la douleur qui est la sienne, on utilise aujourd’hui des moyens d’évaluation indirects tels que l’observation du comportement ou des mesures physiologiques.

Des équipes s’appliquent à développer et valider ces échelles de douleur tout spécialement destinées à évaluer la douleur des patients déments, des enfants nouveaux-nés et préverbaux, des patients intubés et sédatés, comme des patients sévèrement cérébro-lésés en EVC ou en EPR. On appelle cette échelle la « Coma Pain Scale ».

C’est ainsi que de nombreuses études – qui n’ont pas eu beaucoup d’écho en France – ont pu mettre en évidence la réalité d’une vie consciente chez des personnes en état apparent de fin de vie.

Angèle Lieby conclut son partage par ces mots : « Je n’ai pas fait ce livre pour critiquer l’euthanasie… Franchement moi-même je voulais qu’on me débranche… Mais si ça peut donner de l’espoir à ceux qui croient leur proche parti, si on peut respecter davantage les gens dans le coma, alors je pourrai mourir tranquille quand mon heure viendra ! (…) Tant qu’on n’est pas mort, on est vivant ! »

L’aventure incroyable du Dr. Jill Bolte Taylor :

Après un accident vasculaire cérébral (AVC), le Dr. Jill Bolte Taylor – chercheuse en neurosciences à l’université d’Harward – se retrouve à l’hôpital, incapable d’établir la moindre relation avec son entourage mais parfaitement lucide : « Je ne savais plus marcher ni parler ni lire ni écrire ni même me tourner dans mon lit et pourtant il me semblait évident que tout allait bien. » Transférée en soins intensifs à l’unité de neurologie, elle s’est sentie à bien des reprises mal traitée par un entourage incapable de communiquer avec elle.

Récemment, en formation, alors que nous réfléchissions ensemble à l’attitude juste à avoir vis-à-vis d’une personne qui ressemble à un « légume », une infirmière prend la parole pour répondre à une collègue qui lui disait que tous les patients en état végétatif n’étaient pas conscients : « Pour moi, l’important, c’est de croire qu’ils peuvent l’être. »

Le Dr. Taylor partage à quel point ce type d’attitude est précieuse : « Je suis devenue très attentive à l’influence qu’exerçait sur moi mon entourage. Certains me communiquaient leur énergie alors que d’autres au contraire me pompaient la mienne. Une infirmière en particulier redoublait de prévenance avec moi : Est-ce que j’avais froid ? Soif ? Mal quelque part ? Naturellement, je me sentais en sécurité auprès d’elle. Elle cherchait sans cesse à capter mon regard en créant autour de moi un cocon protecteur qui faciliterait ma guérison. A l’inverse, une autre infirmière, qui ne me jetait jamais un coup d’œil, traînait sans arrêt les pieds comme une âme en peine. Elle m’a donné une brique de lait sans s’aviser qu’il me manquait la dextérité requise pour l’ouvrir. Je mourais d’envie de boire quelque chose de consistant mais elle n’a pas tenu compte de mes besoins. Elle élevait la voix en s’adressant à moi sans se rendre compte que je n’étais pas sourde. (…) Je n’étais pas très rassurée en sa présence. »

Elle poursuit: « L’incapacité de la communauté médicale à communiquer avec quelqu’un dans mon état m’a consternée. (…) A tort, mes médecins ont évalué mes facultés cognitives en fonction de ma promptitude à me rappeler telle ou telle information au lieu de s’attacher au trajet mental qui me permettrait de la retrouver. (…) J’aurais voulu que mes médecins s’intéressent au nouveau fonctionnement de mon cerveau plutôt que de s’assurer que celui-ci correspondait bien à leurs critères d’évaluation. »

Elle confirme par là même la formule paradoxale du moine Zen Suzuki Roshi « Dans l’esprit du débutant, il y a de nombreuses possibilités, dans celui du spécialiste, il y en a peu. »

L’attitude de base de l’accompagnant est de sans cesse lutter pour ne pas se laisser abuser par les apparences issues de ses perceptions subjectives, afin de « seulement voir comment sont les choses pour le patient et accepter ce constat. »

Elle raconte qu’un étudiant en médecine est venu l’examiner en commençant par poser une main sur son bras, qu’il lui a parlé sans hausser le ton, l’a regardée droit dans les yeux en n’hésitant pas à lui répéter ses propos lorsque c’était nécessaire. Elle s’est alors sentie en sécurité parce que respectée. Et quand deux de ses collègues sont venus lui rendre visite à l’unité de soins intensifs et qu’ils lui ont remonté le moral en lui affirmant : « c’est bien toi Jill ; tu vas t’en sortir ! », elle partage : « leur absolue certitude de me voir un jour de nouveau sur pied m’a apporté un secours inestimable. »

Le Dr. Taylor confirme donc l’intuition de l’anthropologue Danielle Vermeulen : que l’amour participe à faire revenir à la vie. Il est d’ailleurs stupéfiant que nous n’en soyons pas convaincus et que nous n’apprenions pas plus à mettre en œuvre la bienveillance, le respect et la compassion dans nos divers rôles d’accompagnants. N’avons-nous pas tous ressenti, au moins une fois dans notre vie – dans notre chair – le trésor inestimable du regard respectueux et bienveillant de l’autre ?

Etre aidant, accompagnant, n’est-ce pas d’abord se souvenir que le regard que nous posons sur les personnes malades détermine en retour le sentiment qu’elles vont avoir vis-à-vis de nous-mêmes, mais surtout vis-à-vis d’elles-mêmes et que ce sentiment participe à leur guérison ?

Il s’agit de se souvenir qu’un être humain a d’autant plus le droit au respect dû à la personne humaine qu’il se trouve dans un état de grande fragilité.

Pour ce faire, ne considérons donc plus que les personnes qui sont dans le coma sont déjà mortes et que nous pouvons nous en servir comme cobayes.

Je sais que ces paroles peuvent être considérées comme choquantes mais il est essentiel que nous les entendions et que nous les partagions – autant que faire se peut – avec les personnes qui pourront les entendre.

Les images qui nous sont montrées par l’IRM fonctionnelle sont susceptibles de nous en donner la preuve lorsque les patients sont présents et souhaitent réagir aux stimuli qui leur sont proposés, encore faut-il que nous les utilisions.

Ceci étant fait, les conclusions que nous tirerons de nos constatations seront à considérer avec le plus grand respect, s’il est vrai que l’amour peut devenir une arme à double tranchant en aidant à maintenir en vie – pour ses proches – un patient qui désirerait partir.

Il faut donc que toute l’équipe soignante soit attentive à la manière dont les malades leur diront « chacun à leur façon », ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes.

Ne nous hâtons pas trop dans des interprétations qui risquent d’être le reflet de ce que nous voudrions pour nous-mêmes ou pour l’un des nôtres… Une conscience est là, unique, qui continue d’être, malgré le grave traumatisme qui a placé cet être humain dans un état végétatif.

Les conclusions du Dr. Jill Bolte Taylor :

Des années après son accident, le Dr. Taylor est infatigable, non seulement elle raconte son aventure dans de nombreuses revues scientifiques destinées au grand public, mais elle fait des conférences et participe à des émissions de télévision partout dans le monde pour tenter de dire la « plasticité du cerveau humain ».

A la fin de son livre « Voyage au-delà de mon cerveau », elle partage « mon AVC a été un don du ciel dans la mesure où il m’a permis de décider de ma manière d’être au monde. »

De mon point de vue, son AVC a été également un don du ciel parce qu’il nous permet (à nous aidants), de découvrir de l’intérieur, les attitudes « à avoir » ou « à ne pas avoir » pour respecter aux mieux les personnes en état végétatif ou pauci relationnel.

En appendice de son livre, elle livre aux accompagnants « quarante recommandations en vue de la guérison », (et souvenons-nous que même s’il n’y a pas d’espoir de guérison, c’est notre rôle de faire comme s’il y en avait un).

J’en retiens sept qui me paraissent essentielles :

  • Je ne suis pas une idiote (un « légume »). Je souffre tout simplement. Accordez-moi un minimum de respect s’il vous plait ! Regardez-moi, je suis là, encouragez-moi.
  • Ne perdez pas patience, même si vous m’enseignez la même chose pour la vingtième fois.
  • Croyez-moi, je fais de mon mieux. N’établissez pas de comparaison avec ce dont vous êtes capable.
  • N’évaluez pas mes capacités cognitives en fonction de la vitesse à laquelle je réfléchis.
  • Traitez-moi avec douceur et gentillesse comme vous traiteriez un nouveau-né. Aimez-moi tel que je suis. N’insistez pas pour que je redevienne comme avant.
  • Réjouissez-vous de mes succès plutôt que de vous lamenter de mes échecs.
  • Protégez-moi mais pas au point d’entraver mes progrès.

En conclusion :

M’étant interrogé sur l’étymologie du mot « végétatif », je découvre qu’il vient du latin « vegetare » de la famille de « veiller », (latin vigilare, « être éveillé ; être attentif ») et remonte à une racine indo-européenne « °weg(e) » signifiant « être fort, dispos » à laquelle se rattachent le latin vegere « animer ; être vif » et vegetus « vif, dispos » (qui donnera végéter, végétal.)

Ce n’est que vers 1835 que le mot « végéter » prendra son sens moderne de « rester dans une situation médiocre », synonyme de s’encroûter.

Une personne en « état végétatif », serait donc – étymologiquement – une personne vivante et en pleine conscience puisqu’éveillée, disponible et attentive, comme l’étaient la jeune Anglaise de 23 ans, Angèle Lieby dans son coma, et le Docteur Taylor après son AVC…

Il n’est donc pas juste de considérer une personne en état végétatif comme un « légume », nos connaissances sur les différents états de conscience n’en étant qu’à leur balbutiement.

Le rôle du soignant ne repose-t-il pas sur l’évidence que du moment qu’il y a de la vie (ne serait-ce que végétative), il est essentiel de l’accompagner ?

Il lui faut donc agir selon le principe de précaution, dans ces unités EVC, où puisque les patients peuvent être conscients (au moment même où tout peut laisser penser qu’ils ne le sont pas), il a à agir comme s’ils l’étaient.

© 2012 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.


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Valérie Maron

Bonjour, Ma soeur de 49 ans (le 19 octobre) est dans un état végétatif depuis le 3 avril 2016 suite à un AVC suivi d’une crise d’épilepsie. c’était son 4ème AVC, le premier en 1993 a laissé pas mal de séquelles mais elle avait bien récupéré, juste qq signes restaient, les 2éme et 3ème étaient moindre mais le dernier l’a terrassée. je pense même que sans la crise d’épilepsie qui a réveillé son mari, elle aurait été retrouvée morte le matin… d’après les médecin de Bastogne en mai 2016, elle n’avait déjà plus à l’époque ni compréhension, ni communication, ni… Lire la suite »

nadia

Bonjour, Je ne sais pas Leila si ta nièce est toujours là, mais mon papa est dans le même état depuis la nuit du 24 décembre. Pour les médecins, bien entendu il n’y a rien à faire. Mais moi suis persuadée qu’il nous entend et qu’il ressent toutes nos émotions et tout ce qui se passe autour de lui. J’en suis convaincue. C’est également à cause d’un problème pulmonaire et un arrêt cardiaque qu’il est dans cet état là de coma. Nous nous devons de continuer à y croire pour eux, nos malades. Mon papa était dans la vie, un… Lire la suite »

Leila

bonjour Mr Perronnet, ma nièce de 45 ans est dans le coma depuis le 28 novembre 2015. elle a fait une crise d’asthme et son compagnon l’a tout de suite emmenée à l’hôpital car ils habitent à 10 min. Elle a perdu conscience d’après lui 2 minutes avant d’arriver et là quelqu’un l’a aider à la sortir de voiture et la mettre par terre. D’après les médecins elle a d’abord fait un arrêt respiratoire puis un arrêt cardiaque. ils l’avaient mis sous antibiotiques pendant les deux premiers jours puis à l’arrêt de ceux-ci elle a fait de fortes convulsions, ils… Lire la suite »

vava

Bonjour, mon papa est hospitalisé depuis le 13 mai, on l’a fait transféré dans un hopital ou ils lui ont décélé un syndrome opsoclonus myoclonus. Depuis 2 mois il n ouvre plus les yeux, ne parle plus, ne marche plus… les medecins nous ont dit au depart qu ils leur suffisaient de trouver la tumeur pour pouvoir le guerir mais apres avoir fait tous les examens, tous est revenu negatif, il n’a aucune tumeur. Donc la personne ne comprend. Y’a 3 jours il a fait une 2e infection pulmaire avec fievre qu ils sont en train de traiter. Depuis 2… Lire la suite »

mickael

Bonjour mon ex compagne agée aujourd hui de 22ans est dans un etat vegetatif depuis maintenant 3 ans suite a un accident de la route qui a causé un gros trauma cranien .
Comment apprehander cette situation apres 3 ans dans cet etat?
Peut elle etre consciente meme apres 3 ans ?
pour moi et encore plus pour ces parents nous vous remercions par avance.

Lidya

Bonjour, mon copain(18 ans) a fait un accident de voiture avec 3 de ces amis il y a 2 semaine, son meilleur amis est mort et lui est dans le coma, je pars souvent lui rendre visite avec ces amis a l’hopital, d’apres le medecins, son etats s’ameliore de jours en jours, malgres son epaules et ces 2 cotes cassé, 3jours avant l’accident nous nous etions faché et j’avais decidé de ne plus jamais lui adresser la paroles car il m’avait fait un fau plan, quel vas etre sa reaction si il me voit a son reveille ? vas il… Lire la suite »

lorant

ma mere de 81 ans vient de faire un AVC hemorragique, un scanner a ete effectue et le neurochirurgien de garde, cela s est produit un samedi, a dit que c etait inoperable. le dimanche ma mere a repondu a des questions simples a l infirmiere elle lui a dit son prenom, lorsque nous sommes alles la voir elle avait les yeux ouverts suivait les mouvements. lorsque l infirmiere lui a demande si elle pouvait lire la carte que notre fille lui avait ecrite, elle a leve ses mains vers ses yeux, comme si elle voulait reajuster ses lunettes qu… Lire la suite »

Émilie

Bonsoir…. Comme cela est compliqué .. Mon frère de 27ans a eu un arrêt cardiaque il y a 9mois du à une hyperthyroïdie à cause de prise de cordarone depuis 4ans.. Coma pdt 4jours puis en État végétatif Selon les dire des médecins qui ont été juste négatif de A à Z … Après 3mois environs il a commencer a faire des mouvements net avec sa tête il suit notre voix yeux ouvert le journée et fermé la nuit… J aurais juste une question il y a une évolution même si elle est minime … Mais avez vous eu une… Lire la suite »

Émilie

Je comprends on a juste besoin d un second souffle pour mieux l aider…on est très unis mais on essaye de nous décourager de ne pas vivre dans le denit d ou ma question … Je vous en remercie c est très agréable d enfin voir qu on est pas seule qu en fait tout les cas sont souvent similaires…je souhaite de tout cœur et a toutes les familles un énorme courage et beaucoup de convictions.

jennifer

Bonjour, je suis étudiante infirmière en 3éme année. Je suis tombée sur votre article lors de recherches pour mon mémoire dont le thème est la communication avec les patients en état végétatif.
Je vous remercie donc car votre article m’a beaucoup aidé. Il est très intéressant et très riche !

christine gallois

Bonjour, j aimerais avoir votre avis sur differents points. Mon fiance est decede ce 30 novembre 2012. il a fait le 16 novembre un infarctus en faisant du sport. il avait depuis mars 2012 des battements de coeur tres irreguliers, souvent lies a des moments de stress mais de plus en plus frequents. je l ai incite en ete a consulter son generaliste a la suite d une soiree et d une nuit complete ou son coeur battait n importe comment. chez le generaliste, on a fait de suite un electrocardiogramme qui n a rien revele car subitement, le coeur… Lire la suite »

christine gallois

Merci Mr Perronnet pour votre reponse et reconfort. je voudrais me convaincre a 100% qu il y a bien eu ce contact avec mon fiance…bien sur, les medecins ont toujours des explications terre a terre et au final, on doute de soi meme. je vais peut etre ecrire a ce cardiologue afin qu il soit prudent a l avenir avec ses futurs patients car derriere ses dossiers et electrocardiogrammes, il y a des etres de chairs et de sang, qui s aiment et qui souffrent. je lui ai parle au telephone et il s est dit desole de la mort… Lire la suite »

O.

Il y a cinq ans de ça, suite à une agression, mon père est tombé dans le coma et au bout d’une quinzaine de jours a commencé à ouvrir les yeux, il était en état végétatif. Depuis, je vais le voir tous les quinze jours (son hôpital étant à 100km de mon domicile) Il n’y a pas d’amélioration. Au début, je pensais l’avoir vu verser des larmes en abordant le passé, puis je me suis dit que ce n’était que des réflexes, tout comme rire ou sourire. Parfois, il nous semble qu’il s’enerve à l’écoute de certaine parole. Personnellement, je… Lire la suite »

Sof

Bonjour, mon pere a eu un arret cardiaque ce mardi matin, ils ont reussi a reanimer mais son etat est tres gave apparament. Son cerveau se trouve en etat de choc, ils nous disent que si il sera sauvé c sera grace un miracle seulement, il est meme pas dans un etat vegetativ, il ne savent pas du tout ce qu il fera, nous sommes presents tous les jours et nous donnons tous notre amour, on lui parle on lui fait des bisous etc, vous croyez que dans son etat il peut sentir quelque chose? Car ils nous disent qu… Lire la suite »

Michèle

Suite a un arrêt cardiaque mon mari est tombé dans le coma les médecins au bout de 15 jours ont décidés d’arrêter les soins malgré mon opposition existe t’il une association de défense car je crois que l’arrêt des soins ont été trop rapides MERCI

Lyky

Quant vous dites “lui parler en lui expliquant clairement et simplement ce que je fais pour lui” càd ?? je ne comprends pas bien.. Aujourd’hui je lui ai dit de tirer la langue et il a fait mais on le nourrit encore avec la sonde.. et les docteurs disent qu’ils ne peuvent pas lui faire encore un IRM (la dernière fois c’était il y a 1 mois) Ils me disent qu’il faut encore plus d’évolution pour qu’on lui fasse un autre.. J’ai lu dans vos articles qu’il y a un instrument pour voir l’activité du cerveau “la neuro-imagerie” enfin je… Lire la suite »

Lyky

Mon cousin (il a 23 ans) a été agressé dans la rue et a été touché au cerveau… ça fait 2 mois maintenant… il était dans le coma pendant 15 jours mais maitenant il est dans un état végétatif… il voit mais ne peut pas parler mais cependant quant on lui dit de bouger ses bras ou ses jambes il le fait… il fait juste un petit geste… mais si je lui dit d’essayer encore il recommence… Es-ce normal ?? dois-je en déduire qu’il est conscient ??
Que me conseillez-vous de faire pour en être sûre ??

Aud

Article très intéressant. Je n’ai pas encore été confronté à des patients étant dans des EVC mais d’autres pathologies y ressemble fortement… Avec cette article cela me conforte encore plus dans l’idée de parler parler et parler avec le patient peu importe si il nous répond ou pas. Je me suis souvent dit : peut-être qu’il entend, alors je parle du temps qu’il fait, du soin que je vais lui faire et lui explique même parfois tout le déroulement du soin (parler seul ce n’est pas évident alors commencer par expliquer ce qu’on fait du point de vue technique me… Lire la suite »