« Par rapport aux lois de la vie, les parents pervers tentent d’inverser l’ordre des générations. Au lieu d’être au service de la vie des générations suivantes, ils veulent supprimer leur fils, pour l’empêcher de nuire : l’enfant sert aux parents et non l’inverse. Ainsi les familles pathologiques font tout à l’envers, et prétendent que les enfants nuisent à leurs parents, ou alors, leur demandent de résoudre leurs blessures psychiques. C’est comme demander à la rivière de remonter son cours. A coup sûr, l’inversion engendre des monstres. »
Lily Jattiot, psychanalyste jungienne, Dynamique du Soi, p.165, Editions Accarias.
On définit habituellement l’autonomie comme la capacité pour un être humain de savoir quelles sont les lois et les règles qu’il respecte et pourquoi. Elle est donc la capacité à se diriger avec cohérence, selon ses propres choix.
L’adulte responsable est une personne qui reconnaît ses droits et ceux des autres. Il est clair, authentique, cohérent et ouvert (aussi bien avec lui-même qu’avec les autres). Il discute, négocie et coopère ; pour ce faire, il discrimine ce qui n’est pas acceptable de ce qui l’est, compte tenu des circonstances.
Sa croyance de base – avec laquelle il entre en relation avec les autres – est quelque chose comme : « La vie est une négociation entre égaux. »
« La toute première tâche de chaque homme est l’actualisation de ses possibilités uniques, sans précédent et jamais renouvelées », disait Martin Buber(1). Pour cette réalisation, chaque enfant a besoin d’être naturellement soutenu par ses parents dont la tâche est de l’aider à devenir lui-même.
Si la relation que nos parents avaient avec nous enfants était saine (donc que des liens affectifs solides s’étaient créés entre eux et nous), nos réactions émotionnelles ne leur posaient pas de problèmes : ils savaient gérer nos comportements de manière équilibrée.
Par contre si nos parents ne parvenaient pas à les gérer parce qu’ils les vivaient mal, ils ont pu nous les reprocher, nous en culpabiliser, créant ainsi en nous toutes sortes de troubles et d’attitudes pathologiques qui se retourneront contre nous pendant toute notre vie, du moins si nous ne les remettons jamais en cause.
Bien qu’il soit parfaitement normal pour un enfant d’éprouver de très fortes réactions émotionnelles à l’égard de ses parents, si vous avez été puni parce que vous avez osé révéler vos émotions et votre sensibilité, vous avez pu en déduire qu’il était dangereux et inopportun d’avoir des émotions et de la sensibilité. Si vos émotions étaient fortes et douloureuses, peut-être avez-vous préféré les refouler au fond de votre inconscient pour survivre. Peut-être même en êtes-vous arrivés à vous convaincre que les choses qui en fait vous touchaient, ne vous touchaient pas. Peut-être – à contrario – n’avez-vous jamais cessé (et même encore aujourd’hui) d’essayer de prouver à vos parents (par votre agressivité et votre attitude défensive) que leurs comportements réprobateurs ne pouvaient pas vous atteindre.
Aujourd’hui, vous êtes adulte et, si vous éprouvez des difficultés à gérer vos émotions en restant fidèle à qui vous êtes, c’est le signe que vos émotions sont profondément enfouies au fond de vous-même et que vous auriez tout intérêt à tenter d’y voir plus clair, c’est-à-dire à commencer par mettre en lumière la nature des pensées qui sont les vôtres – notamment à propos de vos parents – et qui sont à l’origine de vos comportements autodestructeurs.
Pour vous y aider, voici quelques « convictions familiales fusionnelles », telles que Susan Forward(2), les énonce.
Pour savoir si vous êtes adulte ou fusionnel dans la relation à vos parents, je vous invite à faire ce test :
A l’intention des parents :
Le poème de Khalil Gibran(3) peut nous aider à réfléchir aux fondements d’une saine relation parents / enfants, donc à nous situer, en tant que parents, afin de ne pas risquer d’inverser l’ordre des générations.
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie;
Car de même qu’il aime la flèche qui vole, il aime l’arc qui est stable.
La soumission aux lois de la vie, donc à l’ordre des générations, est à la fois la condition de notre santé psychique à nous adultes et de celle de nos propres enfants.
A l’intention des enfants :
Nos parents ne sont donc (surtout pas) nos enfants, résoudre leurs blessures psychiques ou leurs problèmes de couple n’est pas notre rôle, même si les mères malheureuses en ménage essaient bien souvent de résoudre leurs problèmes par le biais de leurs enfants (« on ne demande pas à la rivière de remonter son cours »), nos parents ont été responsables de nous, ils ont eu pour mission de nous aider à grandir et se sont accommodés de cette tâche avec plus ou moins de bonheur mais, quoi qu’il en ait été, nous ne sommes pas – aujourd’hui – responsables d’eux.
On n’a jamais rien à craindre de la part de ceux qui nous aiment, car si on aime les gens seulement quand ils se comportent conformément à nos idéaux, ce n’est pas de l’amour.
Chacun a le droit de vivre sa vie, nous sommes uniques et il est impossible de toujours tenir compte de la façon dont les autres vont apprécier nos actions… car nous ne sommes responsables que de nous-mêmes, jamais des opinions des autres sur nous.
Plus rapidement nous comprendrons les causes de nos comportements douloureux et erronés, plus rapidement nous serons en mesure de les dépasser. Pour mettre de l’ordre, il faut commencer par regarder le désordre, c’est donc la connaissance que nous avons de nous-mêmes qui nous permettra de prendre de nouvelles orientations dans notre vie afin de vivre plus en harmonie avec nous-mêmes et les autres, car il est indispensable qu’un être humain apprenne à prendre de la distance (je ne dis pas devenir hostile) par rapport à ses parents, pour devenir un adulte équilibré, c’est-à-dire sortir de la fusion.
Notes :
(1) Martin Buber, philosophe israélien, figure du mouvement hassidique, pour lui « toute vie réelle est rencontre. »
(2) Susan Forward, psychothérapeute américaine, in Parents toxiques, p.213, Editions Marabout.
(3) Khalil Gibran, poète libanais, in Le Prophète, p. 19, Editions Gallimard.
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Pour aller plus loin, vous pouvez lire sur ce site :
- Pourquoi un travail thérapeutique ?
- Comment parvenir à guérir de son enfance ?
- à propos des parents aux comportements toxiques
- Pourquoi faut-il reconnaître sa toxicité à l’oeuvre dans sa relation à l’enfant ?
- Etre un parent acceptable…
- Voir ses schémas à l’oeuvre pour y renoncer
- Comment devenir soi-même ?
- L’identification à son enfant intérieur
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Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)