Quand nous sommes enfermés dans notre besoin d’être aimé par un autre, il nous arrive bien souvent de croire – à tort – que nous l’aimons (puisque nous pensons ne pas pouvoir nous passer de lui). C’est là le drame si courant des amants, persuadés aimer l’autre alors qu’ils ne font que satisfaire leurs propres besoins de se sentir aimés par l’autre. Persuadés d’aimer, ils prétendent aimer alors qu’ils ne songent qu’à eux-mêmes.
Aimer un autre ou ressentir le besoin d’être aimé par un autre n’est pas du tout la même chose ! Aimer un autre, c’est l’aimer pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il devrait être, ce qu’il pourrait être ou ce qu’il représente pour nous.
Étant donné que l’autre est toujours « un autre », il arrivera nécessairement un moment où nous n’aimerons pas quelque chose chez lui.
L’intéressante question qui se pose est donc celle du poids que va représenter pour nous ce quelque chose que nous n’aimons pas chez lui.
N’aimant pas quelque chose chez celui que nous pensons aimer, allons-nous en profiter pour découvrir qu’en vérité nous ne l’aimons pas ? Auquel cas le fait que nous n’aimions pas quelque chose chez l’autre va profiter à notre désamour de l’autre, ce qui en soi ne représente aucun mal puisqu’il n’est demandé à personne de devoir aimer un autre qu’il n’aime pas.
Ou – a contrario – allons-nous comprendre que le fait de ne pas aimer l’autre dans sa totalité est parfaitement normal et légitime puisque l’alter ego, celui qui nous correspondrait toujours en ayant les mêmes goûts et besoins que les nôtres, n’existe pas.
À ce moment de notre prise de conscience, nous nous retrouvons devant l’opportunité de parvenir à accepter l’autre comme un autre c’est-à-dire comme ayant à la fois des comportements et des goûts que nous acceptons d’autant plus qu’ils nous plaisent parce qu’ils nous correspondent ET des comportements et des goûts qui nous déplaisent et que nous avons d’autant plus de mal à accepter qu’ils ne nous correspondent pas.
En fait, vouloir que l’autre ait toujours des comportements qui nous correspondent et que nous aimons est un leurre, le leurre égocentrique et parfaitement narcissique de celui qui – comme dans un miroir – veut se voir partout chez les autres.
Dès lors, nous ne pouvons donc parvenir à aimer l’autre qu’en nous souvenant constamment qu’il est un autre – différent de nous – donc avec à la fois des comportements qui nous donnent satisfaction et des comportements susceptibles de nous énerver, et peut-être même de nous insupporter.
Nous découvrons alors que de ne pas exiger que le comportement de l’autre nous donne satisfaction est une vraie preuve d’amour. Bien sûr les pervers et les narcissiques en sont incapables puisque leur névrose consiste justement à vouloir prendre sans donner, à voir les autres à travers leurs besoins exclusifs.
La question duelle de la relation demande donc nécessairement à être envisagée des deux côtés : « Qu’est-ce que l’autre est pour moi ? » et : « Qu’est-ce que je suis pour l’autre ? » Or si se poser la question : « Qu’est-ce que l’autre est pour moi ? » est aisé et facile, se poser la question : « Qu’est-ce que je suis pour l’autre ? » est bel et bien la preuve de l’amour.
Ce chemin est celui de l’amour de l’autre c’est-à-dire de l’amour de celui qui sait à l’avance que l’autre lui donnera ET ne lui donnera pas satisfaction.
Celui qui aime véritablement l’autre comprend que l’aimer, c’est continuer de l’aimer alors que certains de ses comportements peuvent l’agacer et cela sans chercher à le changer.
Aimer l’autre c’est donc aussi pouvoir se passer de lui, ne serait-ce que quand il n’est pas disponible pour nous.
Celui-là est parvenu à sortir de son égocentrisme en même temps qu’à accepter que l’autre ne puisse pas faire autrement que de se comporter et d’avoir les goûts d’un autre. (Ce qui est parfaitement légitime puisque pour un autre, nous avons tous les comportements et les goûts d’un autre, qui parfois ressemblent aux nôtres et parfois n’y ressemblent pas !)
Cela est aussi valable pour soi-même : si l’autre ne peut qu’être un autre unique et spécifique, je ne peux qu’être moi-même unique et spécifique, à condition d’être réconcilié et unifié avec ce que je suis, avec mes goûts comme avec mes dégoûts, et cela y compris pour l’autre. En ce sens, il est possible de dire que c’est l’acceptation complète de la différence dans la relation (l’autre et moi), qui me permettra d’accéder à l’unité dans la relation, c’est-à-dire à l’amour de l’autre.
Dès lors, nous sommes tous une opportunité à la fois pour nous-mêmes et pour les autres. Une opportunité à nous accepter nous-mêmes et à accepter les autres tels qu’ils sont.
Aimer l’autre « comme soi-même » signifie donc parvenir à lui foutre autant la paix qu’on se la fout à soi-même.
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