Question posée par Estelle :
« Mon compagnon dit m’aimer pourtant cela ne l’empêche pas de regarder les femmes dans la rue, de causer avec des femmes sur les sites de rencontre. Il drague des femmes, a parfois des aventures. Il leur dit qu’il n’a personne et cherche une femme à aimer. Ensuite il revient toujours vers moi en prétendant que je suis la seule femme qu’il aime. Je suis perdue et je souffre énormément de cette situation. »
Mes pistes de réponse :
L’autre jour je lisais une interview de la comédienne Isabelle Carré1 qui partageait sa fragilité extrême quand elle était adolescente : à 14 ans elle faisait une tentative de suicide suite à un chagrin d’amour.
Elle raconte qu’elle avait appris que son amoureux n’était sorti avec elle que pour gagner un pari avec ses potes. C’est alors qu’elle a vidé l’armoire à pharmacie en prenant soin d’avaler tous les cachets « ne pas dépasser la dose prescrite. »
Cette adolescente avait été cruellement trahie par un garçon qui n’accordait aucune importance à ses sentiments à elle. Il jouait avec elle en ne se sentant aucunement responsable de ce qu’il faisait. Désespérée elle a voulu mourir pour que tout s’arrête.
Cela nous montre à quel point l’autre peut être enfermé dans son égocentrisme et son bon vouloir exclusif. Mais cela nous montre aussi que nous sommes susceptibles de nous laisser abuser. En ce sens cela met en évidence notre point faible (qu’il nous faut mettre à jour si nous voulons ne plus souffrir un jour.)
Votre compagnon prétend vous aimer en même temps qu’il drague des femmes sur des sites de rencontre et a des aventures avec elles. Il vous voit souffrir et s’en moque. Il n’a aucun égard pour vous et plutôt que d’être en colère contre lui, vous vous sentez perdue en même temps que vous vous laissez séduire… jusqu’à la prochaine tromperie.
La plupart des êtres humains n’en font qu’à leur tête sur la base de ce qui leur chante et vous ne le changerez pas, c’est ainsi. Et celui-ci en particulier vous l’a bien montré n’est-ce pas ?
Pourquoi devriez-vous rester son esclave et souffrir ? Quel signe (autre que ses vaines promesses) vous montre qu’il est en train de changer ? Qu’est-ce qui vous contraint à croire aimer quelqu’un qui vous maltraite ?
Normalement le but de la souffrance est de nous aider à ouvrir les yeux sur quelque chose qui ne va pas et non pas à entretenir un masochisme en la supportant (vous ne mettez, par exemple, plus la main sur le poêle puisque la dernière fois que vous l’y avez mise, vous vous êtes brulée), mais alors qu’est-ce qui vous force à ne pas comprendre, à ne pas prendre la mesure de l’évidence ?
Qu’est-ce qui vous empêche de voir que cet homme ne peut que vous rendre malheureuse ?
La clé pour comprendre c’est que quand nous nous sentons contraints d’accepter des autres des comportements que nous réprouvons, c’est le signe que quelque chose ne va vraiment pas bien chez nous.
Qu’est-ce qui va si mal chez vous qui vous contraint à entretenir votre maltraitance ?
Si étant petite fille vous avez été maltraitée, si on a par exemple réussi à vous convaincre que vous n’aviez aucune valeur ou que vous étiez tout juste bonne à être abandonnée. Il est possible aujourd’hui que, vous conformant encore à ces croyances délétères pour vous-même, vous demeuriez incapable de vous défendre.
Condamnée à renoncer à votre dignité.
Persuadée n’avoir aucune valeur, ne sachant pas sur qui vous appuyer pour faire face à un manipulateur qui cherche à vous duper en faisant de vous sa chose, vous plongez dans le désespoir plutôt que de vous battre pour vous même.
Plutôt que de prendre votre pleine responsabilité dans la relation (c’est bien vous qui tolérez qu’il vous trompe en restant avec lui quand il vous trahit), vous mendiez l’amour en espérant quelques miettes qui ne vous rendront jamais heureuse.
Certaines personnes en arrivent à justifier leur masochisme comme leur incapacité à agir, en se racontant à elles-mêmes qu’elles ont de l’amour pour leur bourreau.
Ne vous illusionnez pas : ne pas se défendre de quelqu’un qui nous manque de respect n’a rien à voir avec de l’amour ou de la bonté, cela a à voir avec de l’assujettissement et de la dépendance.
Cela s’appelle de la non-assistance à personne en danger.
En tolérant chez les autres, des comportements que vous désapprouvez et vis-à-vis desquels vous ne faites rien, vous alimentez votre mépris pour vous-même et vous condamnez à souffrir.
En fait vous vous abusez vous-même sur la base d’une image dévalorisée de vous-même.
Pour ne plus souffrir, il vous faudra tout mettre en œuvre pour réparer cette image de vous-même dévalorisée (ce qui est l’objet du travail thérapeutique), car en matière de relations comme d’amour il n’y a pas d’autre règle que celle du consentement mutuel et éclairé.
Pour aller plus loin, vous pouvez lire : Culpabilité et amour de soi.
Notes :
1. Le Monde du dimanche 26 janvier 2020.
Illustration : Toulouse-Lautrec, Dans le lit.
© 2020 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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