(ou comment dépasser ses craintes et ses méfiances pour accompagner l’autre)
“Accompagner quelqu’un, c’est se placer ni devant, ni derrière, ni à la place. C’est être à côté.”
Joseph Templier.
Trouver le juste équilibre face à celui que nous nous proposons d’accompagner n’est pas toujours facile.
Même si un dicton de notre culture nous rappelle que « la peur est mauvaise conseillère », nos méfiances comme nos craintes peuvent nous sembler légitimes dans le contexte d’aidés trop entreprenants ou agressifs.
En fait, il existe deux risques, deux écueils pour l’aidant dans la relation d’accompagnement :
- Etre dans l’affectif (souvent dans la sympathie et la pitié pour l’autre), donc dans la confusion entre lui et nous.
- Etre distant, se protéger, donc prendre le risque que celui que nous nous proposons d’accompagner rompe sa relation à nous.
Pour pouvoir « garder notre équilibre » dans une relation d’accompagnement, nous avons tous personnellement besoin de « nous situer » par rapport à celui que nous accompagnons.
La confusion :
Le risque que nous prenons lorsque nous tentons d’accueillir l’aidé inconditionnellement « tel qu’il est », c’est de nous croire et de nous sentir personnellement responsables de « ce qu’il est ». Si nous sommes dans la confusion avec l’aidé (confusion le plus souvent affective), si nous nous « mettons à sa place », nous ne pourrons pas faire autrement que de nous sentir la victime de ce qu’il vit (au même titre que lui).
La condition préalable à toute relation d’accompagnement est d’oser faire la distinction entre celui que nous nous proposons d’accompagner et nous-même. En aucune manière nous n’avons à « nous mettre à la place de l’aidé », pour la bonne raison que nous n’y sommes pas, pour la bonne raison que ce n’est pas notre place.
Il est malheureusement courant que nous entretenions cette confusion typiquement judéo-chrétienne. Qui n’a pas entendu (et cru) dans sa jeunesse qu’il devait se mettre à la place » de sa « pauvre grand-mère » impotente, ou de ce « pauvre aveugle » pour toujours dans le noir ?
Sans doute, si nous n’y réfléchissons pas trop, sommes-nous facilement amenés à penser que nous devons avoir de la pitié pour celui que nous nous proposons d’accompagner et nous ne voyons pas que cette pitié est le plus souvent un obstacle à une relation de confiance. En quoi le fait que nous souffrions personnellement de la souffrance de l’aidé serait-il une aide pour lui ?
Dans la pitié, l’aidant projette sur l’autre quelque chose qu’il ne voudrait surtout pas pour lui parce que cela lui fait très peur ; or quand l’aidant est mal à l’aise, il se confond facilement avec l’aidé qu’il accompagne.
C’est pourquoi certains aidants – percevant cela plus ou moins confusément – clament qu’il faut « mettre de la distance » et glosent sur la fameuse « distance thérapeutique » que tel ou tel de leur collègue n’aurait pas « su » mettre.
Etre distant :
Nous sommes « distants » parce que nous ressentons le besoin de nous protéger de l’autre sous le prétexte que nous nous sentons démunis face à lui.
« Je lui ai dit que s’il était encore soucieux, ce n’était pas de ma faute, parce qu’en ce qui me concernait, j’avais fait tout ce que je pouvais pour lui. »
Nous culpabilisons de la difficulté que l’autre vit et qui pèse malheureusement sur nos épaules à nous, et parce que nous culpabilisons, nous nous refermons.
Pourquoi cet étrange besoin de se « dédouaner » de l’autre si ce n’est pour s’en mettre personnellement à l’abri ?
Comme si nous nous étions déjà avoués vaincus, donc « incapables » de maintenir la relation vivante dans de telles circonstances.
Heureusement il existe une troisième voie qui évite l’écueil de la confusion (se sentir débordé parce qu’on se met à la place de l’autre), et celui de la distance (risque de rupture de la relation), je l’appellerai être « distinct ».
Etre distinct :
Etre « distinct » de celui qu’on accompagne, c’est constamment avoir à l’esprit et au cœur que nous ne sommes pas cet être qui souffre qui est en face de nous, tout simplement parce que cela est vrai. Et je crois que c’est cette « vérité », cette « lucidité » qui – si nous la gardons en nous précieusement – nous aidera à ne plus sombrer dans la confusion ni à devoir nous refermer.
« Je suis moi, l’aidé est un autre, je ne suis donc pas lui. »
Etre « distinct » de l’aidé, est la condition nécessaire pour que nous ne nous laissions pas « bouffer » par lui, c’est-à-dire par nos propres projections sur lui, (en attribuant à l’aidé ce qui nous appartient à nous.)
L’accompagnant « distinct » est libre, il ne se sent pas responsable de la manière dont l’aidé voit le monde, ni de la manière dont il perçoit la relation. Il l’accepte « tel qu’il est » et s’y ouvre.
Par contre il sent bien que – du bout de sa relation à lui – il est pleinement responsable de la manière dont il voit l’accompagné, donc de la manière dont il vit la relation avec lui.
Il n’a pas peur de cette responsabilité donc ose se situer, s’engager face à l’accompagné de la manière qui lui apparaît la plus juste, parce qu’il sait que le regard qu’il porte sur lui va conditionner en grande partie la relation.
Nos craintes, nos méfiances – inhérentes à notre humanité – nous limitent parce qu’elles conditionnent (sans que nous le sachions), le regard que nous posons sur l’aidé et donc notre pratique d’aidant.
En être conscient, dans un premier temps, est la condition pour que – peut-être par la suite – nous puissions les dépasser de manière avantageuse pour les deux parties.
C’est grâce à la propension à être « distinct » de celui que nous nous proposons d’aider que nous pourrons être en empathie avec lui, condition du début de la juste relation d’accompagnement qui – plutôt que de risquer de mettre de la distance – enrichira la relation et resserrera le lien.
© 2011 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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