Plaidoyer pour la personne hospitalisée
Il est devenu courant aujourd’hui, dans le contexte de la relation d’aide (et plus particulièrement dans celui de l’accompagnement des personnes en fin de vie) de penser que l’on « accompagne la vie » et de l’énoncer un peu à la manière d’une profession de foi.
Croire qu’il « accompagne la vie » et non pas « la vie d’un patient particulier », permet à un médecin comme à un soignant de mettre en place toute procédure de soin qu’il croit bonne pour son patient sans avoir à lui demander son avis.
Ainsi la certitude que peut avoir un médecin de devoir à tout prix « accompagner la vie » peut devenir pour lui comme une sorte d’idéologie. Abusé et comme hypnotisé par elle, il pourra se persuader facilement que la procédure de soins qu’il veut appliquer à une personne malade est nécessairement bonne pour elle, sans ressentir le besoin de le lui demander. Il devient alors incapable de voir qu’en voulant mettre en œuvre sa certitude sans le consentement explicite de son patient, il court le risque grave de ne pas prendre le temps de l’écouter, de ne pas « prendre son pouls » et que ça peut s’apparenter à de la maltraitance. Le malade n’est-il pas une personne avant d’être un malade ?
Il serait bon de ne pas perdre de vue qu’aider, c’est nécessairement aider une personne avec son libre consentement, et non pas appliquer un protocole, aussi aidant et nécessaire que celui-ci puisse nous sembler être pour l’autre.
La Vie, puisqu’elle est l’incessant déroulement des naissances et des morts, des morts et des renaissances, donc des transformations, n’a pas besoin d’être accompagnée pour continuer de vivre, puisqu’elle ne peut pas mourir. Elle EST de toute éternité. Elle est l’Ensemble, le Tout qui n’exclut rien.
En réalité nous pouvons lâcher-prise à propos de cette Vie, nous pouvons lui faire confiance et n’avons pas à nous en soucier car nous n’en sommes pas responsables, nous avons juste à chercher à accompagner au mieux la vie d’une personne et pour ce faire il nous faut commencer par nous mettre à l’écoute, avec patience et douceur, de ce que cette personne veut pour elle-même.
Agir ainsi (avec tact), c’est lui montrer que nous la respectons. Alors et alors seulement, elle deviendra en mesure de pouvoir décider de ce qu’elle veut pour elle-même et ce de manière pacifiée donc juste pour elle.
Il nous faut donc regarder en face que – quelles que soient nos bonnes intentions – en voulant simplement « accompagner la vie », nous courons le risque de nous détourner de la personne même qui vit. Ainsi ce que nous appelons communément « la vie » est toujours l’existence particulière d’une personne.
Je me souviens d’une personne qui – bien que très lasse – n’avait rien perdu de sa lucidité ni de son désir de vivre, et qui disait juste qu’elle avait besoin d’un peu de temps pour décider de la mise en place ou non d’un certain protocole de soins. Il suffisait donc de commencer par respecter son besoin de temps pour sentir les choses et y réfléchir, et pour le soignant empathique de faire taire son impatience, même si objectivement retarder un soin peut représenter un facteur de risque.
On pourra certainement objecter que le respect de la sécurité émotionnelle et affective d’une personne malade ne garantit pas de pouvoir la sauver de sa maladie, et c’est pour cela qu’il nous faut être au clair avec ce que nous voulons : sauver une vie pour sauver une vie ou répondre aux besoins graduels et réels d’un patient – quitte à ce que la maladie l’emporte ?
Parce que les personnes hospitalisées sont libres, libres de consentir à ce que la médecine leur propose ou de le refuser, elles peuvent parfois nous donner l’impression de vouloir se mettre en danger. Nous avons donc à nous souvenir que pour accompagner l’humain – nous avons moins besoin « d’accompagner la vie » que de permettre aux personnes soignées de vivre leur vie jusqu’au bout – dans la liberté.
Et c’est à travers la manière dont nous accompagnerons les personnes en respectant leur liberté que nous leur permettrons – parfois – de combattre comme elles l’entendent et comme elles le sentent leur maladie et de la traverser pour vivre.
© 2017 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.
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