En toutes circonstances, préservons le lien

La barbarie c’est d’être contraint à renoncer à son humanité

Nous savons tous que certaines personnes qui – parce qu’elles prétendent redouter la mort d’un être qui leur est cher – renoncent à lui rendre visite et à lui témoigner amour et bienveillance. Il ne s’agit pas ici de les juger mais de comprendre le mécanisme émotionnel dont ces personnes sont les esclaves.

Déterminées par leur refus d’accepter le départ de ceux ou celles dont elles pensent avoir besoin, elles ne peuvent qu’obéir à leur peur de les voir partir.

Souvent – par un habile tour de passe-passe – ces personnes cherchent à faire croire qu’elles agissent par compassion pour leur proche alors que c’est à elles que la mort de ce proche est insupportable.

Le conditionnement par la peur

Accompagner jusqu’au bout celui qu’on aime nécessite un travail sur ses émotions.

Très nombreux sont ceux qui n’ayant jamais songé à approfondir leur relation à la mort dans leur histoire personnelle se trouvent piégés dans leur relation à un proche malade ou mourant. Dominés par leur sentiment de malaise, ils tentent d’esquiver leur propre conscience qui les appelle à être présents en se racontant des histoires.

« C’est mieux ainsi… au moins je ne le dérange pas… »

« La vie est ailleurs et la mort n’a jamais été mon truc ! »

« Je l’aime tellement que je n’irai pas le voir, je veux garder une bonne image d’elle (ou de lui). »

Je me souviens de cet ami psychologue parti rendre visite à l’hôpital à sa collègue qui avait subi un AVC la laissant presque complètement paralysée et qui, au moment d’ouvrir la porte de sa chambre pour lui témoigner son amitié, a tourné les talons en y renonçant subitement.

En parlant avec lui, j’ai bien senti qu’il était complètement divisé entre sa « bonne volonté » qui le poussait à visiter sa collègue et le fait qu’il butait sur une émotion personnelle issue de son inconscient qui lui interdisait de faire un pas de plus pour la rencontrer dans sa détresse.

Dans notre immaturité, le refus de ce qui nous dérange nous oblige et nous condamne à détourner notre regard de situations pour lesquelles, dans une relation qui n’aurait pas sollicité notre inconscient, nous aurions pourtant été parfaitement à la hauteur.

Ce qui est insupportable pour l’un est supportable (et même facile) pour l’autre. Les choses sont ainsi, c’est la maturité des êtres humains dans leur capacité à faire avec la souffrance et la mort qui leur permettra d’agir en apportant des réponses à des situations profondément humaines sans devoir être inhibés par la peur.

Certains arguent de la dignité de l’autre, que ce serait lui infliger une souffrance supplémentaire que de le contraindre à se montrer à nous en allant le visiter. En même temps, quand on demande à ces personnes qui semblent sensibles à vouloir protéger l’autre, si elles ont questionné l’intéressé(e), elles répondent que non parce qu’elles savent et sentent qu’elles voient juste (!)

Juger des besoins de dignité de l’autre, selon ses critères à soi, c’est méconnaitre que chacun est différent et que la dignité intrinsèque de chacun lui appartient toujours en propre. Évaluer le besoin de dignité de l’autre à travers ses émotions personnelles, ses propres projections, mène nécessairement à une impasse relationnelle et humaine.

En fait, la vérité pour la plupart d’entre nous, c’est que nous avons besoin de l’autre pour confirmer notre existence. Dans le contexte particulier de la maladie et de la fin de vie, le respect de la dignité de l’autre se confirme en particulier dans la rencontre avec lui, à travers son regard, (et en particulier s’il existe entre deux personnes de l’amitié ou de l’amour). L’accompagnant respectueux (parent, ami, soignant), par sa présence, confirme l’autre dans son amour pour lui, et c’est pour cela que l’autre est tellement précieux pour le malade. Nous avons tous besoin d’un autre pour nous révéler à nous-même, dans un tel contexte, la condamnation à la solitude par l’interdiction des visites est le plus souvent insupportable : elle s’apparente au bannissement1.

Une société qui vit dans l’urgence et la peur s’interdit la patience et la douceur, elle ne peut que renoncer à toute progression vers plus de maturité, elle est reconnaissable à ses nombreuses maladresses et à ses jugements tranchants. Les responsables et décideurs de cette société profèrent des jugements excessifs et péremptoires aux oreilles de leurs administrés, ils ne savent plus comment s’y prendre pour cacher leurs infirmités aux yeux de tous, leurs maladresses montrent qu’ils paniquent dans un moment où le sang-froid, la lucidité et le discernement seraient de rigueur. Ils sont donc incapables de s’adapter à la diversité de leurs membres, incapables de faire montre de sensibilité puisqu’ils l’interprètent comme une défaite. Ils sont donc très facilement tentés de regarder du côté de la « solution de facilité » : la solution qui tranche définitivement du côté de la sécurité.

Des politiques rêvent que la sécurité mette tout le monde d’accord et nous sommes en train d’en faire de manière flagrante l’expérience contraire.

Dans une France qui compte aujourd’hui plus de 530 000 personnes âgées en situation de mort sociale2, c’est-à-dire sans ou quasiment sans contacts avec les différents cercles de sociabilité (cercle familial, amical, voisinage et réseaux associatifs), il apparaît plus que jamais nécessaire de prendre des précautions. En usant de tact, d’empathie et même osons le dire de compassion.

Aussi difficile que ce soit pour nous de le regarder en face, de le comprendre et de l’accepter, vieillir et mourir seul, isolé, sans présence ni mots d’un être aimé, c’est dans la plupart des cas mourir dans le désespoir.

Manipulés par la peur, beaucoup de nos dirigeants s’enferment dans une surdité, une insensibilité soi-disant protectrice.

C’est ainsi qu’on institutionnalise ce que j’appelle une « fausse compassion » qui veut nous obliger à croire qu’il faut protéger les personnes âgées à tout prix, même si elles ne le désirent pas, en prenant le risque de les condamner au désespoir et à la solitude.

Nous sommes aujourd’hui parvenus à déguiser notre lâcheté (notre obéissance à la peur) en soi-disant compassion.

La sagesse des soins palliatifs

Le désespoir acquis de plus de 530 000 personnes âgées en situation de mort sociale, il restera, par un nouveau tour de passe-passe, à la société marchande dans laquelle nous vivons, à laisser croire à tous ses membres qu’en accueillant le désir d’euthanasie de ses anciens, elle les respecte, au moment où en vérité elle cherche à se débarrasser d’eux parce qu’elle estime qu’ils lui coûtent trop cher.

Nous sommes tous psychiquement inégaux, une organisation sociale devient mortifère quand la peur et l’immaturité des uns deviennent une provocation à l’auto-élimination des autres.

Dans sa profonde sagesse, la culture des soins palliatifs a inscrit dans sa Charte que pour soutenir une personne en phase terminale « s’impose l’intervention d’une équipe interdisciplinaire comportant, autour des médecins, des membres des différentes professions médicales concernées (infirmières et aides-soignantes, psychologues, kinésithérapeutes, diététiciens etc.) en y associant les représentants des différentes religions dont se réclameraient les malades hospitalisés.3 » La Charte précise également que « la prise en compte des besoins spirituels, particulièrement en cette phase de l’existence, paraît essentielle dans le respect le plus absolu des options philosophiques et religieuses de chacun. »

On voit donc que quand il souhaite faire les choses avec humanité, l’être humain est parfaitement capable de ne pas céder à la peur en consultant les différents acteurs afférents à une problématique précise. Il est infiniment rassurant de savoir qu’en soins palliatifs, le pouvoir d’un seul est nécessairement banni, l’expression de la sensibilité particulière des différents acteurs, selon leurs propres points de vue est sollicitée, écoutée et prise en compte. Mais qui – aujourd’hui – oserait affirmer que dans notre société le respect le plus absolu des options philosophiques et religieuses des citoyens est respecté ?

Aujourd’hui, on décompte près de 7300 EHPAD4 en France, 7300 établissements qui s’efforcent d’accompagner le mieux possible nos aînés jusqu’au bout, parce que nous le leur avons demandé, afin que nous puissions continuer de produire et de consommer comme nous l’entendons, dans le confort de nos petites familles, sans nous encombrer de nos vieux parents, ou grands-parents.

Parmi ces EHPAD beaucoup de responsables sont soumis à la peur et au chantage sécuritaire, et ils deviennent incapables d’assumer le destin de celles et de ceux qu’ils prétendent accompagner quand ils se permettent de leur retirer tout droit de visite.

Dans notre pays, en 2021, conditionnés par des émotions qui nous empêchent de voir ce qui pourtant crève les yeux, nous renonçons à toute humanité et la mort sociale s’amplifie chaque jour davantage.

Je constate avec effroi que notre ministre des Solidarités et de la Santé (oui vous avez bien lu « des Solidarités »), n’a jamais cru bon de se porter garant du droit de visite qu’il devait aux patients et résidents, en fin de vie ou non.

Il y a aujourd’hui dans notre monde un profond égoïsme narcissique qui cherche à nous convaincre que sous le prétexte de protéger l’autre il faut le condamner à la solitude et à l’isolement.

Sous le prétexte de redouter sa mort (comme si la mort n’était pas inhérente à la vie), nous allons tout faire pour le protéger, y compris lui interdire ce qui peut lui faire le plus de bien : les visites des proches aimés.

Combien de personnes âgées sont-elles mortes de tristesse et de désespoir au moment, où croyant faire pour leur bien, de très nombreuses familles ont cru devoir renoncer à les visiter (en obéissant à ceux et à celles qui leur interdisaient de les voir), sous un très mauvais prétexte.

Laisser les personnes visiter leurs proches hospitalisés ou résidents en EHPAD est une simple nécessité humaine quand ces personnes en font la demande.

Ajouter le désespoir à la vieillesse, à maladie et à la mort sous le très mauvais prétexte de devoir obéir au préjugé bureaucratique de vouloir sauver tout le monde n’est-il pas devenu un risque insensé ?

Nos politiques, conditionnés par leur peur de ne pas se faire réélire sont-ils en train de perdre leur humanité en imposant de nouveau aujourd’hui (en cette fin d’année 2021) le retour des restrictions des visites dans les services hospitaliers comme dans les établissements médico-sociaux ?

Les cris de détresse et les appels à l’aide se multiplient, des associations fleurissent5, de nombreux particuliers se mobilisent tant du côté des personnes en soins que de leurs amis et parents, mais ils ne sont pas entendus.

Sommes-nous conscients de ce que l’on appelle le « syndrome de glissement vers la mort », conséquence pour un être de la perte du lien affectif avec ses proches ?

Sommes-nous conscients que de très nombreuses familles sont aujourd’hui traumatisées par la brutalité des protocoles édictés soi-disant pour le bien de tous et qui obéissent principalement à la peur qui règne en maître, brutalisées par leur propre culpabilité d’avoir dû abandonner leur proche au moment où celui-ci avait le plus besoin d’elles ?

Sommes-nous conscients que ces directives inhumaines décrédibilisent gravement notre confiance à tous dans le monde de la santé et dans celui de la politique ?

Comme l’affirme avec force le Professeur Emmanuel Hirsch6 dans une tribune récente du FigaroVox7 : « La relation de soin est un engagement de non-abandon soucieux de la personne dans l’intégrité de ses besoins. Respecter la dignité de la personne dans les circonstances inédites d’une pandémie implique des responsabilités qui doivent être tenues. »

Le souci de l’intégrité des besoins d’une personne doit permettre à cette personne de choisir inconditionnellement ce qui est bon et souhaitable pour elle.

Entre l’abandon et la prise de risque, que devons-nous choisir ?

La maltraitance « pour leur bien » !

Aujourd’hui de très nombreux établissements de santé – en toute illégalité – renouent avec la non concertation, les décisions arbitraires et même la contention, sous le prétexte de conserver la vie à tout prix en faisant de la mort un tabou effrayant.

Nous n’avons pas le droit de laisser soumettre les personnes âgées et les familles à des injonctions contradictoires qui les divisent, au moment où elles ont particulièrement besoin d’une relation de « vraie » compassion.

Le 12 octobre 2021, le Sénat a adopté à l’unanimité, dans un consensus politique rare, une proposition de loi pour créer un droit de visite « inconditionnel » aux personnes malades, âgées et handicapées.

Nos députés ne l’ont pas validée.

Les établissements de santé ont la charge de faire respecter les deux principes fondamentaux que sont la liberté individuelle et la sécurité mais que vaut une sécurité qui rime avec abandon et solitude ?

Dans une démocratie, chaque être humain ne doit-il pas rester libre de choisir en conscience la manière dont il souhaite accompagner son parent malade et parfois proche de la mort ?

Personne – aucune autorité – n’a de légitimité à empêcher un enfant, un parent, un ami proche, d’accompagner celui ou celle qu’il aime. L’amour, la relation, est l’expression d’une certaine intimité entre deux êtres et personne n’a le droit de s’y opposer.

Notre égoïsme commence là où nous nous figurons devoir assujettir l’autre à nos émotions sous le prétexte de le protéger. Laissez-nous aimer nos proches comme nous l’entendons plutôt que de nous en empêcher par souci sécuritaire.

Chacun doit avoir le droit de prendre le risque éclairé qu’il souhaite prendre pour accompagner son proche. Nul n’a d’autorité pour l’en empêcher sous prétexte de prudence.

Pourquoi pousser ceux qui cherchent à obéir à leur conscience à devoir enfreindre les règles pour accompagner leurs proches dans l’amour et la dignité ?

Laissons chacun déterminer ce qui est bon pour lui, n’opposons pas les uns aux autres dans une fausse rivalité. Chacun est légitime à avoir peur ou pas et à faire comme il le sent : chacun doit avoir le droit d’agir en son âme et conscience et de décider ce qu’il pense souhaitable pour son proche en commençant par l’écouter.

Il est intolérable de laisser se développer chez les personnes vulnérables et celles qui les accompagnent, comme c’est le cas aujourd’hui, des émotions négatives de peur, de culpabilité et de honte plutôt que les capacités à aimer et accompagner les siens avec discernement.

Nous ne sommes pas des marchandises et pourtant nous sommes devenus les esclaves d’un arrogant marketing qui prétend savoir ce qui est bon pour nous.

Les « lobbies autour des vieux » sont puissants, et ne reculent devant aucun cynisme. Avez-vous remarqué que nous vivons dans un monde dans lequel des groupes d’intérêts disposant de gros moyens financiers se sont permis d’appeler les personnes âgées « l’or gris » ? Ces mêmes personnes âgées que l’on confine « pour leur bien » n’ont – elles – aucun lobby pour faire valoir leur droit à prendre les risques qu’elles souhaitent prendre.

Nous avons tous besoin de nous souvenir que la peur de la mort n’empêche pas de mourir mais qu’elle empêche de vivre, et de nous soutenir tous, solidairement et fraternellement, à travers la mort qui ne nous épargnera pas.

Aujourd’hui notre santé physique mais aussi notre santé psychique est atteinte : de très nombreuses personnes se perdent désormais dans des troubles anxio dépressifs et des syndromes de glissement massifs. Des troubles psychiques impactant toutes les classes d’âge, ainsi que toutes les catégories socio professionnelles (dépression, burnout, stress post-traumatique) en sont les maîtres mots.

La méthode qui consiste à vouloir sauver des vies en en sacrifiant tant d’autres par ailleurs, et cela sans le consentement de quiconque, n’est pas tenable dans une démocratie qui exige une stratégie favorisant le choix, le besoin d’éclairage et la participation individuelle de ses membres.

Le rituel comme ciment de notre humanité

L’homo sapiens est notre ancêtre direct, nous sommes tous des homo sapiens, (sapiens signifie capable d’intelligence, de sagesse, de prudence et de raison.) Celui qu’on a nommé l’homo sapiens sapiens (qu’on appelle également « l’homme moderne ») est non seulement celui qui sait (donc qui est capable de penser en termes abstraits) mais aussi celui qui a la capacité de savoir qu’il sait.

Aucune société n’abandonne ses morts et les rituels8 d’accompagnement sont le propre de l’homo sapiens sapiens.

Il faut comprendre que le rituel d’accompagnement a pour fonction d’aider chacun – par rapport à sa compréhension personnelle du monde – à donner et mettre du sens dans son existence, en ordonnant sa relation à l’univers.

« Les rituels permettent aux humains, affrontés aux turbulences et aux questions de l’existence, de mimer, de jouer, d’exprimer leur drame en s’appuyant sur une réalité profonde qui va lui donner sens et peut-être même une issue. En ce sens, ils répondent toujours à une situation de crise, ils sont utilisés comme « passerelles » symboliques dans les traversées difficiles à vivre.9 »

L’expérience de l’accompagnement est une rencontre dans laquelle deux personnes adviennent à elles-mêmes, et c’est donc bien la présence de la personne accompagnante (parent, ami, soignant), qui pourra permettre au malade de vivre la relation comme un rituel lui permettant d’assurer son passage entre « être-pour-la-vie » et « être-pour-la-mort ». Un rite n’a pas besoin de dire explicitement ce qu’il fait pour produire un effet sur une personne dans sa relation à l’univers.

Le rite n’a pas qu’une simple dimension technique, il a aussi une dimension relationnelle et peut en avoir une religieuse dans le passage entre la vie et la mort. Le rôle du rite d’accompagnement est de permettre à la personne de doucement passer de l’état de vivant à celui de mourant et cela en lui permettant de « se dire », si elle le désire, à une oreille attentive. Le rite met au jour la question de la mort en même temps qu’il confirme les soins palliatifs pour harmoniser l’ensemble, c’est en ce sens qu’il a besoin de la participation des différents acteurs d’une équipe interdisciplinaire.

À une époque où on a coutume de dire que face à la « disparition du religieux » il conviendrait d’importer de « nouveaux rituels », le rituel d’accompagnement – par sa dimension structurante – peut aider le malade à accéder à l’ultime acceptation de la perte de sa vie, en même temps qu’il peut aider l’entourage à commencer à accomplir son propre travail de deuil.

La pratique et le respect des rites de passage n’est donc pas une affaire de superstition ou de conviction de ceux qui les utilisent, mais bien une prise en compte compassionnelle du malade au cœur de son histoire, de ses liens familiaux et cela dans sa relation à l’univers.

Ces rites de passage sont vieux de plusieurs dizaines de millénaires et sont constitutifs de notre humanité. Ils se placent entre la mort et nous pour nous permettre de « laisser partir » celui qui meurt en lui disant « au revoir10 ».

Permettre à un être humain d’adhérer aux rituels de départ ou de mort qui sont les siens, en relation avec ses besoins, ses désirs et ses choix, c’est lui permettre de se relier à son humanité d’origine. Devoir y renoncer c’est ouvrir la voie à la barbarie.

Aucune autorité (fût-elle sécuritaire) ne peut avoir de légitimité à faire obstacle à l’accès à la transcendance de l’être humain, à faire obstacle à la manière dont un humain d’aujourd’hui en paix avec sa conscience va s’y prendre avec un autre pour lui dire au revoir et l’aider à partir, sans trop de peur, à l’instant crucial.

© 2022 Renaud PERRONNET Tous droits réservés. 

Illustration :

Le rêve de la banane sauvage, par Eunice Napangardi, artiste Aborigène, collection particulière.

Notes :

1. Il faut rappeler qu’au Moyen-Âge, le bannissement était une peine infamante (donc qui entache l’honneur et la réputation), réservée aux pires criminels. Un banni devenait en quelque sorte inexistant socialement puisque voyant ses biens confisqués, il pouvait être tué, sans que son assassin ne risque de poursuite, par quiconque le rencontrait après un délai lui permettant de disparaître.

2. Rapport du 30/09/21 de l’association les Petits Frères des Pauvres : 2,5 millions de personnes âgées se sentent seules quotidiennement. Vous pourrez le lire pour mesurer par vous-même l’intensité de la tragédie ici.

3. Charte des soins palliatifs et de l’accompagnement, énoncée en 1984, mise à jour en 1993. Point n° 6.

4. Les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) sont des maisons de retraite médicalisées qui proposent un accueil en chambre.

5. Je renvoie plus particulièrement les personnes intéressées au Conseil National auto-proclamé de la Vieillesse, CNaV_Demain, sur twitter, ainsi qu’à l’association GreyPRIDE dont le Président Francis Carrier explique : « Nous voulons faire monter la parole des plus âgés, qu’on arrête de parler en leur nom. »

6. Le Professeur Emmanuel Hirsch alerte depuis de très nombreuses années sur ces questions, Professeur d’Université, il est président du Conseil pour l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique, (il a consacré un Doctorat de Philosophie à l’Éthique médicale), pour de plus amples informations je vous renvoie à sa fiche Wikipédia.

[7. Vous pourrez lire cette tribune co-signée avec Laurent Frémont (fondateur du collectif @Tenirtamain) et la comédienne Stéphanie Bataille, qui a écrit le 25/01/21 une lettre ouverte au Président de la République : « Je n’ai pas eu le droit de revoir mon père, alors qu’il me réclamait à cor et à cri ! » sur cette page.

8. Le rite (ou rituel) désigne un ensemble de règles que l’on suit, le mot vient du latin ritus, qui signifie « ordre prescrit ». Le mot serait lui-même issu d’une forme de l’indo-européen védique rta ou arta, évoquant l’ordre du cosmos.

9. Beaurent J.-M., De la ritualité humaine à la rencontre en vérité. Les rites d’accompagnement des malades, dans A.H. n°161, janvier 1999, p. 2. Cité par Dominique Jacquemin dans son article : Des rites pour vivre en fin de vie : enjeux pour le soin et les soins palliatifs.

10. Je renvoie mes lecteurs au très inspirant livre de Marie de Hennezel Nous ne nous sommes pas dit au revoir, Éditions Robert Laffont, 2000, qui évoque avec une grande sensibilité la dimension profondément humaine du débat sur l’euthanasie, en posant la question toujours actuelle de la vraie ou de la fausse compassion.


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6 Commentaires
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Savere

Tout cela est vrai mais tellement culpabilisant si l’on vit loin des siens. Que l’histoire de vie a été compliquée…et que l’on a été pas parfait dans la relation a ses ascendants mais qu’on les aime tout de même…faut il tout lâcher pour ses ascendants en fin de vie….?

Pascale

Quel beau et profond article sur un sujet qui me touche de près depuis des années. Merci beaucoup car vous exprimez tout ce que je peux ressentir et expérimenter dans ce domaine d’action qui est le mien. Combien de fois ai-je senti la révolte monter en moi et je me suis sentie impuissante face au mur érigé par la loi ou les lois en vigueur. Quand je lis dans votre article qu’en “octobre 2021 le Sénat a adopté à l’unanimitié, dans un consensus politique rare, une proposition de loi pour créer un droit de visite “inconditionnel” aux personnes malades, âgées… Lire la suite »

Brigitte

Gratitude, pour cette somme très complète sur ce sujet si sensible, que vous nous offrez. Chaque mot, juste et puissant, résonne en moi et renforce ma volonté de respecter mon élan de lien aux vieux, bientot vieux, isolés, souffrants ou mourants de ma connaissance. Toutefois il peut être impossible de renverser les barrières injustement érigées dans les Ehpad et hôpitaux et je croyais qu’il ne reste alors que mes colères et mes larmes. Les références (CNaV) que vous indiquez sont peut-être une piste pour agir. Je vais creuser.
Merci, merci.

Agnes

C’est d’une vérité et d’une réalité effroyable et tellement triste !. Mais où est passée la « liberté l’égalité et la fraternité » tant clamée en France ? Ex auxiliaire de vie à mon compte et en résidence seniors j’ai VU une partie de tout cela et j’ai été contrainte par l’absurdité des « règles la suivre » soit disant pour le bien être des résidents ou bénéficiaires ! J’ai même été licenciée pour avoir voulu « crier » cela au patron des résidences pour laquelle je travaillais….il a même payé mon licenciement pour que je me taise ! alors vous lire m’a fait du bien.… Lire la suite »