Vivre heureux avec Alzheimer ?

« Un patient Alzheimer, ce n’est pas forcément un patient grabataire au fond de son lit, c’est un patient qui au début a quelques troubles et qu’il va falloir accompagner tout au long de l’évolution de cette maladie… Ce qui me semble important, c’est de proposer différentes actions thérapeutiques, médicamenteuses ou non, pour vivre malgré tout avec cette maladie. »

Docteur Drunat.

« Ne pas regarder sans cesse ce que l’on perd ou a perdu, mais ce qu’il nous reste de capacité, d’intelligence ou de sensibilité… et il n’y a qu’ainsi que la maladie peut être supportée et la vie continuer d’être vécue, avec le but de faire de chaque instant un moment important. »

Claude Couturier (patient Alzheimer.)

Regard et parole fondamentalement « révolutionnaires » sur l’accompagnement d’un malade atteint d’Alzheimer, le livre de Colette Roumanoff Le bonheur plus fort que l’oubli donne des pistes précises pour qui veut éviter « les mille et une manières d’aggraver la maladie » (titre du chapitre 6) et au contraire apprendre « les mille et une manières d’améliorer le quotidien » (titre du chapitre 10).

Ce livre – où elle raconte les mille et un actes d’amour envers Daniel, son mari malade depuis plusieurs années – est facile à lire, il regorge d’exemples concrets et il sera d’un grand réconfort pour tous ceux qui vivent au quotidien avec un compagnon ou un parent atteint de cette pathologie.

Voici quelques extraits pour vous donner envie d’acheter le livre – qui deviendra vite un compagnon inséparable, jusqu’au moment où vous aurez expérimenté, intégré, adapté les manières de faire présentées par Colette et en aurez inventé d’autres (que vous pourrez partager à votre tour sur son site) :

Dès le début de la maladie, j’ai forgé à l’intention de Daniel une petite phrase magique : « Ne t’inquiète pas, toi tu n’as plus aucun souci à te faire. Tous les soucis sont pour moi. » Il soupire alors et me sourit : « Ce que tu dis là me soulage beaucoup ».

J’ai découvert toutes sortes de façons d’apprivoiser la pathologie. Mieux je l’approche, mieux je la connais, et plus il est facile de vivre avec.

J’ai commencé par dire adieu à la tristesse. J’avais découvert presque tout de suite la ligne jaune à ne pas franchir : crier sur un Alzheimer quand il a fait une erreur ou ne se souvient pas. Mais il y a une autre ligne qu’il ne faut passer, c’est la ligne de la tristesse. Une fois franchie cette ligne grise, qui n’est dépourvue ni d’une douceur paresseuse, ni d’un laisser-aller fataliste, on s’enfonce dans un monde gris lui aussi, qui aura vite fait de virer au noir. La tristesse est la gentille porte du désespoir. (p. 115)

Il est très important d’expliquer ce processus du fonctionnement cérébral (à partir de l’exemple du dentifrice confondu avec la mousse à raser, pp 142, 143) pour que tout le monde comprenne bien qu’en aucun cas le patient Alzheimer ne fait exprès de ne pas voir ou de ne pas reconnaître quelque chose. Ce n’est pas une question de vue ou de lunettes, ni même d’attention. C’est un processus cérébral qui se trouve empêché. (p. 144)

Pour nous familiariser avec le fonctionnement d’un patient Alzheimer, il faut renoncer définitivement à nos concepts binaires et simplistes : soit je me souviens, soit je ne me souviens pas, soit je sais, soit je ne sais pas, car ces deux réalités contradictoires vivent conjointement dans l’esprit des patients et probablement aussi dans le nôtre, mais d’une manière plus discrète. (p.145) 

La conclusion que j’ai tirée de cette expérience (relatée pp 128 à 130), c’est que la question répétitive (en l’occurrence « quand est-ce qu’on arrive ? ») n’est pas une question, c’est l’expression d’une angoisse ou d’un problème. Si le problème est résolu, la question disparaît sans laisser de trace. Pour le résoudre, il faut sortir du cadre de la question comme dans ces tests d’intelligence où, si l’on reste à l’intérieur du problème, on ne trouve jamais la solution. (p.131)

Malgré les difficultés quotidiennes, des déclarations d’amour, j’en ai chaque jour à la pelle, bien plus que dans les années où tout était normal. Nous arrivons à nous débrouiller dans les situations difficiles, à trouver des ajustements nouveaux. Aujourd’hui encore, à 2 heures du matin, quand je le conduis aux toilettes, qu’il n’arrive pas à trouver bien qu’il n’ait que quatre pas à faire en sortant de son lit, il me dit : « Tu es merveilleuse… » d’une voix chargée de tendresse.

Alzheimer nous a déjà remariés un millier de fois. Après des années, nous ne savons toujours pas où nous allons, ni de quoi demain sera fait, mais nous vivons intensément le présent. (p.45)

Pour aller plus loin, vous pouvez :

  • Visiter le site de la pièce de théâtre La confusionite un nouveau regard sur la maladie d’Alzheimer

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3 Commentaires
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brigitte

Bonjour,
J’aime la délicatesse, la beauté, la douceur, l’authenticité de ce récit. Une fois encore, merci pour ce délicieux partage. Je pense à mon compagnon qui a perdu sa mère de la maladie d’Alzheimer il y a 2 ans. Je pense à elle aussi : Marie Thérèse, toujours dans mes pensées.
Bien chaleureusement
Brigitte

pascale

Merci Renaud pour ce partage et le lien vers le site. Ma vision de cette maladie ne pourra jamais plus être la même. Ni mon regard sur la maladie au sens large, ni celui sur le malade en particulier.

Scellier

Merveilleux récit ! Merci M. Perronet pour ces encouragements et cette perspective qui change de la vision pessimiste de la maladie d’Alzheimer (ou d’autres pathologies liées à la vieillesse, d’ailleurs…)