« Il n’y a pas de problème de la souffrance du juste pour la simple raison, peut-être, qu’il n’existe aucun système judiciaire suprême qui garantissent le bien pour le bien et le mal pour le mal. Et l’irréductible Menace du sort plane, ne nous en déplaise, sur chacune de nos vies. »
Marion Muller-Colard
En 1953, le parlement d’Israël a appelé « Justes parmi les nations », littéralement en hébreux « généreux des nations du monde », ceux qui – au péril de leur propre vie et de celle de leurs proches – ont apporté une aide à des Juifs menacés de mort. Et il a décidé de les honorer.
On estime ainsi que des « Justes » ont sauvé des centaines de milliers de personnes des massacres organisé par les nazis.
De même que ça a été une obligation éthique pour les Juifs de saluer les non-Juifs qui les ont aidés, nous devrions tous être reconnaissants à ceux qui savent dépasser leur égocentrisme à travers une nouvelle manière de voir et d’agir dans leurs relations aux autres. Être reconnaissants à ceux qui – capables de dépasser leur avidité – se laissent toucher par le sort tragique ou même les simples besoins des autres.
Face à quelqu’un qui lui demandait s’il était juste de faire l’aumône à une personne pour laquelle il n’était pas certain qu’elle en fasse bon usage (ou qu’elle soit réellement démunie), Arnaud Desjardins répondait avec simplicité : « Dans le doute je ne m’abstiens pas. Je préfère donner à quelqu’un qui n’en a pas besoin que de ne pas donner à quelqu’un qui en a besoin. »
Dans un autre contexte, je me souviens de cette vieille amie – qui n’est plus de ce monde aujourd’hui – et qui laissait toujours sa voiture ouverte, la nuit, dans les rues de la ville de Colmar qu’elle habitait. Elle disait que c’était pour le cas où un SDF aurait besoin d’y dormir.
L’autre jour je regardais le film de François Truffaut « Les deux anglaises et le continent » et j’ai été touché par ce dialogue :
« – Que se passe-t-il ?
– Notre voisin… ce matin on lui a volé sa petite barque, le policeman lui demande de déposer plainte mais il refuse. Il dit que le voleur en a davantage besoin que lui. »
Il y a donc chez les êtres humains d’innombrables personnes qui – de façon anonyme et parfaitement désintéressée – agissent sans état d’âme en faisant passer l’intérêt des autres avant le leur.
Il est bon de le sentir, il est bon de sentir que les actes des Justes existeront toujours au moment même où dans nos sociétés, beaucoup d’entre nous, soumis à la peur, ont tendance à se replier sur eux-mêmes.
Il est important de se souvenir que, quel que soit notre milieu social, notre condition et éventuellement notre religion ou notre absence de religion ; quelle que soit l’intensité des forces contraires à l’œuvre : quelle que soit la peur qui sera peut-être la nôtre en conséquence de nos actes, il nous sera toujours possible d’agir pour les autres a contrario de ces menaces et cela même si personne ne le remarque.
© 2023 Renaud Perronnet. Tous droits réservés
Illustration :
Visuel tiré du film La Traversée de Florence Miailhe.
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