Pourquoi je ne parviens pas à choisir ?

Question posée par Lily :

J’aimerais travailler à nouveau mais d’un autre coté je suis comme paralysée, je n’ai que le bac et je n’arrive pas à mettre à la cantine ma petite de 4 ans (pour les grandes, 12 ans et 9 ans, c’est bon.)

Qu’est ce qui ne va pas chez moi ? 

Mes pistes de réponse :

Pour vous comprendre vous-même, pour comprendre pourquoi vous vous sentez paralysée (donc incapable d’agir quand vous y aspirez), vous avez besoin de savoir que vous êtes « ambivalente » : d’un côté  vos scrupules de mère vous font hésiter à mettre votre petite fille de 4 ans à la cantine parce que vous la trouvez encore jeune (d’autant plus que je présume qu’elle n’en a pas elle-même le désir, sinon il n’y aurait plus de problème), vous aimeriez agir sur la base de ses besoins à elle en ne la brusquant pas. Et de l’autre, vous aimeriez « travailler de nouveau » (peut-être vous remettre aux études puisque vous précisez que vous n’avez que le BAC ?), gagner de l’argent dans la vie active, en tout cas ne plus vous consacrer exclusivement à votre rôle de mère.

L’ambivalence est une division et tant que vous ne l’aurez pas mise à jour, vous vous contraindrez à l’expectative donc à l’inaction. Convenir que vous êtes ambivalente c’est vous donner le moyen de déculpabiliser par rapport à la croyance que vous ne devriez pas l’être.

Dans cette division, il va vous falloir commencer par rencontrer les deux plateaux de votre balance intérieure pour parvenir à déterminer de quel côté elle penche.

Pour ce faire vous avez besoin de savoir que pour prendre une décision valable vous n’avez pas besoin de devoir la prendre à 100% de vous-même. Vous avez juste besoin que (comme dans une vraie démocratie), la majorité de vous-même prenne sa décision en pleine connaissance de cause de l’opposition de la minorité de vous-même.

Vous avez aussi besoin de savoir que quand on choisit une chose on ne peut pas faire autrement que de perdre ce que l’on n’a pas choisi. Dans le monde de la dualité, choisir c’est nécessairement perdre.

Cela revient à dire que nous avons tous besoin de donner notre consentement au fait de perdre ce que nous n’avons pas choisi (et souvent c’est notre idéalisme ou notre propension au perfectionnisme qui nous en empêche).

Peut-être votre « paralysie » est-elle due au fait que vous n’aviez pas conscience de tout cela ? Vous pouvez donc vous détendre, vous êtes parfaitement « normale » dans votre ambivalence. Il n’y a donc rien qui « ne va pas » chez vous, comme vous l’exprimez. Vous êtes – en tant que femme ET mère – dans une situation délicate qui vous demande de faire un choix, et l’aspect de vous-même le plus idéaliste (donc le plus extérieur à vous-même telle que vous êtes), vous incite à ne pas le faire.

L’ambivalence n’étant pas une anormalité, vous allez donc devoir éclairer cette ambivalence pour mettre à jour votre véritable désir (cela signifie que vous n’avez pas à obéir à une morale extérieure à vous-même1 mais obéir à ce que vous sentez dans la profondeur de ce que vous êtes : femme et mère.)

Parvenir à vous éclairer c’est commencer par vous ouvrir au « parlement2  » que vous êtes, avec ses tendances :

D’un côté votre crainte d’être maltraitante en mettant à la cantine votre petite de 4 ans et de l’autre votre besoin objectif de reprendre le travail (en sachant qu’il ne serait pas juste que vous jouiez à celle qui n’a pas le besoin qu’elle a.)

Pour bien mener votre affaire, en étant honnête avec votre ambivalence, prenez un papier et un crayon, réfléchissez en notant l’ensemble des avantages et les inconvénients des deux possibles décisions.

Remarquez que votre besoin n’est pas égoïste puisqu’il conditionne également l’équilibre psychologique de la mère que vous serez avec vos enfants. Vos enfants ont besoin d’une mère équilibrée, bien dans sa peau, et autant que faire se peut épanouie. A respecter vos besoins, vous en serez plus à l’écoute et plus patiente avec vos enfants.

Il vous faut aussi mettre votre choix en perspective entre le court terme et le long terme. Ce qui peut être évident à court terme, peut s’avérer négatif à long terme (et réciproquement).

Ce qui est certain c’est que de ne pas prendre en compte vos besoins (toujours légitimes) serait une erreur, non seulement pour vous mais pour l’ensemble de votre famille.

Vous allez donc devoir considérer vos besoins pour les évaluer en sincérité avec vous-même et non en balance avec votre possible mauvaise conscience (je vous rappelle que choisir c’est perdre.)

Vous allez aussi pouvoir vous posez la question des délais, pouvez-vous attendre encore quelques mois pour clarifier les choses, et permettre éventuellement à votre petite fille d’avoir le désir d’aller à la cantine ? Tant que vous êtes dans l’hésitation, il faut laisser mûrir.

C’est alors qu’en pleine conscience des contenus de votre balance intérieure, vous parviendrez à vous unifier, c’est-à-dire à prendre une décision en pleine connaissance de cause des besoins de la partie minoritaire.

Vous parviendrez à faire avec vous-même ce que les politiciens dans une démocratie réelle ne savent généralement pas faire : gouverner en n’oubliant pas les besoins de la minorité, plutôt que d’assurer la victoire à la majorité sur la base du déni quand ce n’est pas du mépris de la minorité.

C’est ainsi que vous parviendrez à ne pas créer une perdante frustrée en vous-même mais une perdante d’accord pour perdre, compte tenu de la dualité de toutes les situations de la vie.

Vous agirez en devenant capable d’être « belle joueuse » donc en ayant compris que quelle que soit la décision prise il en résultera à la fois des avantages ET des inconvénients.

Un mot encore. Quand vous aurez pris votre décision, il s’agira de vous y tenir : de partir sans vous retourner. Cela revient à dire que quand la balance penchera d’un côté, il ne vous faudra pas commencer à laisser argumenter la part de vous minoritaire (cela sera d’autant plus facile pour vous que vous l’aurez fait avant de prendre votre décision).

Cela impliquera également que vous soyez d’accord pour accepter – à l’avance et de tout votre cœur – les conséquences heureuses ET fâcheuses de votre décision puisqu’il n’y a aucune possibilité d’y échapper.

Bonne chance avec vous-même !

Notes :

1. Je rencontre régulièrement des personnes qui cherchent des réponses à leurs questions personnelles sur internet plutôt que de se consulter elles-mêmes.

2. Lire à ce sujet mon article : La dissociation consciente

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Pour aller plus loin, lisez : La division contre soi-même et Le pardon ou la fidélité à soi-même ?

Illustration : Elisheva Nesis, Freedom of choice.

© 2020 Renaud PERRONNET Tous droits réservés. 


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Adeline

Je comprends le fait de ne pas avoir envie de laisser un enfant de 4 ans à la cantine, je trouve humain le fait de prendre en considération le bien être de l’enfant très jeune et vulnérable avant ses propres désirs quand cela est possible.
Je pense aussi que cela est possible de commencer un bilan de compétences, une formation et/ou travailler quelques heures par semaine en attendant. Il y a toujours des solutions pour combiner les 2, c’est juste que des fois on ne les voit pas, c’est en partageant nos cas de conscience que les idées émergent.