Mahmoud Darwich, poète palestinien

Le plus grand poète en langue arabe contemporain

Socrate affirme :

« Le poète est chose légère, ailée, sacrée, et il ne peut créer avant de sentir l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de sa raison. »

Platon, Ion, 534b.

Pour Platon, le poète est un intermédiaire entre les dieux et les hommes, il est un mage inspiré par un souffle divin qui nous prend par la main pour nous tirer vers un autre état de conscience, à en perdre la raison.

Son fils a été tué d’une balle dans la tête. Voici – pour décrire la douleur indicible d’une mère – les mots (inspirés par les dieux) du poète palestinien Mahmoud Darwich :

Si tu n’es pas pluie, mon amour,

Sois arbre

Fécond… Sois arbre.

Et si tu n’es pas arbre, mon amour,

Sois pierre

Humide… Sois pierre.

Et si tu n’es pas pierre, mon amour,

Sois lune

Dans le songe de l’aimée… Sois lune.

Ainsi parla une femme

A son fils qu’on enterrait.

 

Ses enfants ont été mitraillés le jour de leur mariage. L’âme du poète inspirée par un dieu, fait le lien dont parle Platon entre l’humain et le divin :

La mère dit : Je n’ai pas compris

Quand ils m’ont dit : Il vient de se marier.

J’ai poussé des youyous, dansé et chanté

Jusqu’au bout de la nuit.

Les veilleurs sont partis me laissant seule

Au milieu des paniers de lilas. J’ai demandé :

Où sont les nouveaux mariés ?

On m’a répondu : Là-haut, deux anges

Achèvent les rites de la noce. J’ai poussé des youyous,

Dansé et chanté jusqu’au bout de mes forces :

Mon amour, quand donc s’achèvera ta lune de miel ?

 

Le poète parle à son geôlier avec dignité et sans haine :

Je ne t’aime pas ; je ne te hais pas,

Dit le prisonnier à l’enquêteur. Mon cœur est plein

De ce qui ne te regarde pas. Il déborde du parfum de la sauge.

Mon cœur est innocent, lumineux, plein,

Et pas le temps dans le cœur pour la mise à l’épreuve. Oui,

Je ne t’aime pas. Qui es-tu pour que je t’aime ?

Es-tu quelque partie de mon moi, un rendez-vous pour le thé,

La raucité d’une flute, une chanson, pour que je t’aime ?

Mais je hais la captivité et ne te hais pas.

Ainsi parla le prisonnier à l’enquêteur :

Mes sentiments ne te regardent pas.

Mes sentiments sont ma nuit privée…

Ma nuit qui se meut sous les draps, libre

De métrique et de rimes !

La parole prophétique de Mahmoud Darwich est celle d’un humain inspiré par un dieu qui sait que l’homme ne peut pas être notre ennemi.

 

Ces poèmes sont extraits de Anthologie Poétique, de Mahmoud Darwich, 1992 – 2005), poèmes traduits de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Éditions Actes Sud, 2009.

 

Pour en savoir plus sur Mahmoud Darwich, vous pouvez lire (en anglais) la courte biographie qu’en a fait New frame après sa mort, et qui a été traduite en français par l’Agence média Palestine.

Illustration : Portrait par Anastasya Eliseeva.


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