Il faut accepter toutes les contradictions : tu voudrais les fondre en un grand tout et les simplifier d’une manière ou d’une autre dans ton esprit, parce qu’alors la vie te deviendrait plus simple. Mais elle est justement faite de contradictions, et on doit les accepter comme élément de cette vie, sans mettre l’accent sur telle chose au détriment de telle autre. (…) La seule unité positive est celle qui intègre tous les contraires et toutes les forces irrationnelles, sous peine de s’escrimer à passer à la vie un corset qui la meurtrit. (…) La vie est belle et pleine de sens dans son absurdité, pour peu que l’on sache y ménager une place pour tout et la porter tout entière en soi dans son unité ; alors la vie, d’une manière ou d’une autre, forme un ensemble parfait. Dès qu’on refuse ou veut éliminer certains éléments, dès que l’on suit son bon plaisir et son caprice pour admettre tel aspect de la vie et en rejeter tel autre, alors la vie devient en effet absurde : dès lors que l’ensemble est perdu, tout devient arbitraire.
Etty Hillesum, Une vie bouleversée