Deux histoires pour réfléchir sur nous-même
« C’est c’ui qui dit qui y est ! »
Parole d’enfant
« Ce que tu es parle si fort que je n’entends pas ce que tu dis. »
Ralf Waldo Emerson
Indéniablement, à chaque fois que nous prenons conscience – dans notre relation aux autres – de nos préjugés et de nos fausses certitudes, à chaque fois que – faisant preuve d’humilité – nous renonçons à nos opinions sur les autres, au profit de la vision des choses telles qu’elles sont, nous progressons vers plus d’équilibre et d’équanimité.
Dans ces moments, nous nous retrouvons bousculés par une intense remise en cause de nous-même qui nous permet de nous ouvrir à nos propres films, en découvrant que bien souvent nous croyons savoir de l’autre, nous prétendons savoir de nous-même, quand en vérité nous ne savons rien.
La formule de Socrate « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » est précieuse parce que – si nous la mettons en pratique – elle nous aide à nous démasquer nous-même. A chaque fois que nous renonçons à nos prétentions au profit de notre goût pour la vérité, à chaque fois que nous nous laissons dépouiller de nous-même, en renonçant à nos particularismes, à nos identités étroites, nous nous allégeons de nous-même, en même temps que nous nous ouvrons à une plus grande détente.
Voici deux histoires qui vous permettront peut-être de vous agrandir à partir de votre réflexion sur vous-même, en prenant conscience de la relativité de vos opinions sur les choses et les êtres.
La première[1] veut nous montrer que ce que nous croyons évaluer objectivement et de bonne foi est le plus souvent l’expression de la conséquence de ce que nous portons inconsciemment en nous-même.
Un vieillard, debout à la porte du village, voit approcher un jeune homme, l’air acerbe, qui lui dit :
« Vieil homme, comment sont les gens de ton village ? Je me demande si je devrais m’installer ici ? »
Et le vieillard de répondre : « Comment étaient-ils dans le village que tu viens de quitter ? »
Le jeune réplique : « Horribles ! Ils étaient mesquins, paresseux, sans humour. »
Le vieux dit : « Dans ce village, mon fils, les gens sont exactement comme ceux dont tu parles. »
Un peu plus tard, un autre jeune homme arrive au village et pose la même question. Quand le vieillard lui demande comment il décrirait les villageois du pays d’où il arrive, il répond : « Ils étaient superbes ! Pleins de joie, d’humour et si généreux. »
Et le vieux lui dit : « Mon enfant, les gens d’ici sont exactement comme ceux dont tu parles. »
La principale caractéristique de la seconde histoire est celle de nous surprendre, car tel est pris qui croyait prendre.
La projection en psychologie est un phénomène à travers lequel nous mettons à l’extérieur, en l’attribuant aux autres, ce que nous refusons de voir en nous-même.
Un homme découvre que sa femme est de plus en plus sourde et va consulter son médecin pour lui demander conseil.
C’est bien simple, dit le médecin, vous allez commencer par évaluer son degré de surdité. En rentrant chez vous, essayez de lui parler depuis votre porte d’entrée, si elle n’entend pas, rapprochez-vous peu à peu d’elle et vous évaluerez les choses.
Bonne idée répond l’homme. Arrivé chez lui il entrouvre la porte d’entrée se met à crier « Chérie, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? » Rien ne se passe. Il se rapproche de la cuisine dans laquelle sa femme s’affaire et répète « Chérie, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? » Aucune réaction.
Il se place alors à un mètre du dos de sa femme penchée sur l’évier et crie « Chérie, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »
A ce moment sa femme – visiblement en colère – se retourne et lui répond « Du poulet ! Ça fait trois fois que je te le dis ! »
Notre inconscient se charge – par le biais de nos projections – de nous faire reconnaître ce qu’a priori notre conscient refuse d’admettre…
Cette histoire illustre que la projection renseigne avant tout sur celui qui projette. Cet homme souffre secrètement de sa perte auditive, à tel point qu’il n’a pas pu faire autrement que de voir en son épouse la cause de sa propre détresse.
Dans notre vie, nous nous y prenons très souvent de manière à nier nos propres difficultés pour supposer chez les autres des intentions et des sentiments qui en réalité nous appartiennent.
Et si nous osions cesser de nous donner constamment des excuses ! Cesser de se mentir à soi-même c’est commencer par admettre qu’à travers nos projections incessantes nous rendons les autres responsables de ce que nous vivons.
Les autres sont assurément ce qu’ils sont, mais notre capacité à prendre la responsabilité de nos propres émotions nous rendra moins dépendant des émotions des autres, en même temps que cela nous donnera l’opportunité de sortir de notre rôle de victime.
Parce que les autres sont bien souvent les révélateurs de blessures anciennes qui sommeillent encore en nous, devenir responsables de nous-même c’est nous servir de ces autres de manière à pratiquer une introspection qui nous permettra de mieux nous connaître.
Nos propres projections ne peuvent être que des amies dès lors que nous nous en servons pour nous aider à dévoiler notre part d’ombre[2].
Ainsi avoir confiance en soi, c’est aussi parvenir à se souvenir, grâce à une attitude réflexive sur soi-même, que l’on n’est pas toujours fiable.
C’est à travers notre capacité à reconnaître nos faiblesses – donc en perdant de notre propre importance – que nous nous permettrons de devenir meilleurs dans notre relation aux autres et à nous-même.
© 2023 Renaud Perronnet. Tous droits réservés.
Notes :
[1] Histoire racontée par Éric Edelmann, En compagnie des sages, Éditions L’Originel, 2022, p. 161.
[2] Lire les articles : L’énergie de l’ombre ainsi que L’ombre travaille au service de la lumière et Comment enlever toute trace de méchanceté dans mon cœur ?
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