L’ombre travaille au service de la lumière

Question posée par Josette :

Que signifie « l’ombre travaille au service de la lumière », ou nous faire mal pour notre bien ?!

Mes pistes de réponse :

L’ombre et la lumière sont les deux aspects antagonistes, donc complémentaires, d’une même réalité. Il ne peut pas y avoir de lumière sans ombre, ni d’ombre sans lumière. Comme l’a écrit Héraclite : « La route qui monte et qui descend est une ; c’est la même. »

Il en est de même pour le désir et la souffrance : c’est le désir qui créé la souffrance de celui qui ne peut pas réaliser son désir…

Si la route est « la même », la vie est également un « tout », qu’il nous faut prendre en entier : le bonheur avec le malheur, le plaisir avec la peine. Cela veut dire que la vie ne nous est jamais contraire, et que même si nous refusons ce qu’elle nous donne, il est possible qu’elle donne à chacun(e) et précisément, ce dont il (elle) a besoin pour avancer et grandir.

Entendre de tels propos sera, le plus souvent, intolérable à ceux qui souffrent, même si le Bouddha lui-même a affirmé : « Sarvam duhkham » (« Tout est souffrance, tout est insatisfaction. ») en même temps qu’il a inlassablement cherché la cessation de la souffrance.

Personnellement je pense qu’il serait absurde de se déchirer sous le prétexte de propos qui peuvent être vrais pour certains qui apprennent à les entendre, en même temps qu’ils peuvent être faux pour d’autres qui ne peuvent – pour le moment – pas les entendre. (Il serait bien entendu odieux et sadique de tenir de tels propos aux oreilles d’une personne révoltée par sa souffrance subie.)

Quand Albert Camus écrit : « La souffrance est un trou et la lumière vient de ce trou », ne nous dit-il pas explicitement qu’il est potentiellement possible, pour chacun d’entre nous, de nous servir de la souffrance pour progresser, c’est-à-dire de transformer le trou en lumière ? De même, dans une de ses chansons, Léonard Cohen affirme : « There is a crack in everything – That’s how the light gets in. » (« Il y a une fissure dans toute chose ; c’est ainsi qu’entre la lumière. »)

L’écrivain Yvan Amar met la barre très haut quand il écrit pour lui-même :

« Si quelqu’un me guérit et me retire mon mal, j’entends aussi qu’il me hisse au niveau de conscience que j’aurais atteint si j’avais moi-même résolu ce que ce mal devait m’apprendre. Sinon, s’il me laisse dans le même état de conscience après m’avoir retiré mon mal, il me vole l’outil de ma croissance que peut être cette maladie. »

Le paradoxe aujourd’hui c’est que notre culture contemporaine, influencée par les stages de développement personnel, cherche à nous convaincre de la potentielle capacité à la résilience de tout un chacun, en se répétant à l’envie le mot que Nietzsche affirmait pour lui-même : « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »

Comme s’il était pour tous évident de le vivre, alors même que la plupart des personnes se trouvent affaiblies et diminuées par l’adversité.

Il y aurait donc un « bon usage de la souffrance » qui permettrait aux personnes capables de l’accueillir, de croître en se connaissant mieux, et d’atteindre un niveau de conscience plus fin.

C’est donc (comme pour toute chose), l’interprétation que nous ferons de la souffrance, comme notre capacité à la vivre en allant ou pas chercher la lumière cachée en son sein, qui déterminera la manière dont nous la vivrons.

Quoi qu’il en soit – ce que l’on peut dire avec certitude – c’est que les expériences douloureuses permettent à certaines personnes de donner le meilleur d’elles-mêmes, en devenant plus sages.

© 2022 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.  

Pour aller plus loin, et réfléchir à propos de la dualité de l’ombre et de la lumière :


Moyennant une modeste participation aux frais de ce site, vous pouvez télécharger l’intégralité de cet article au format PDF, en cliquant sur ce bouton :


Compteur de lectures à la date d’aujourd’hui :

1 035 vues


 

CLIQUEZ ICI POUR VOUS ABONNER AUX COMMENTAIRES DE CET ARTICLE
Abonnement pour
guest

4 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Jocelyne

la souffrance est un trou et la lumière vient de ce trou. J’ai longtemps pensé que mon handicap était ce trou et il m’a fallu des années pour y trouver ma lumière. Mes dons sont sortis de cet handicap pour illuminer ma personne et m’amener à semer la joie, l’espérance à des gens fragilisés par la vie. Cette petite phrase me suivra dans mes jours plus sombres. Merci

Béatrice

Votre message, Jocelyne me va droit au coeur; même s’il ne m’est pas destiné, il me touche et m’éclaire. Thank you

Jocelyne

merci Béatrice. Ne doutez jamais que vous aussi vous êtes une lumière dans cette vaste humanité qui a besoin de vous. Bonne route

Clothilde

Un simple Merci, mais immense et ma reconnaissance, puisque vous, dans chacun de vos posts vous reconnaissez chaque individu comme différent et unique.
Oui, un Grand Merci. Tous vos posts sont si justes et si éclairants.