« La clarté est pouvoir », m’a dit un jour quelqu’un, et je n’ai pas cessé de mesurer la validité de ces mots depuis.
Non seulement j’ai plus de pouvoir quand je suis claire avec moi-même, mais je témoigne du respect et de la déférence pour le pouvoir des autres dans mes rapports avec eux.
Une clarté méticuleuse et primitive, en particulier en ce qui concerne ces aspects de la vie trop souvent contaminée par la poussée souterraine des jeux de pouvoir cachés – l’argent, le temps, la nourriture, le sexe, pour n’en nommer que quelques-uns – est le minimum que nous puissions offrir à nos frères humains si nous sommes sérieux dans notre intention de les inviter à une plus grande intimité.
Cela demande bien sûr que nous soyons nous-mêmes au clair avec ces questions, ce qui pour beaucoup d’entre nous est déjà toute une entreprise.
Cela m’a pris des années pour arriver à être capable de rappeler aux gens qui me devaient de l’argent qu’ils me devaient de l’argent sans me sentir comme un ver.
Cela m’a pris des années pour recevoir de l’argent en espèces de la main a la main sans me sentir comme un ver, même – et notamment – quand je l’avais gagné.
Cela m’a pris des années pour dire à la babysitter pendant combien de temps j’avais réellement besoin de ses services sans me sentir comme un ver.
Cela m’a pris des années pour dire aux gens que les horaires qui leur convenaient ne me convenaient pas.
Cela m’a pris des années pour faire la différence entre « je suis incapable de manger » et « je refuse de manger ».
Et cela m’a pris encore plus longtemps pour trouver en moi-même le courage d’admettre que je n’avais pas envie de faire l’amour, plutôt que de trouver quelque autre excuse, mais j’aimerais ajouter pour ma propre défense que je n’ai jamais, au grand jamais, simulé un orgasme. Beaucoup de femmes le font pourtant. Beaucoup de femmes se sentent même comme un ver parce qu’elles n’arrivent pas à simuler un orgasme avec suffisamment de conviction pour se duper elles-mêmes.
Polly Döge, Le chemin de l’intimité