Je suis frappé de voir à quel point de nombreuses personnes ont tendance à idéaliser les gens au moment de leur mort, comme si elles voulaient que ne restent que les bons souvenirs…
Comme le dit le refrain d’une chanson de Georges Brassens :
« Il est toujours joli, le temps passé. Une fois qu’ils ont cassé leur pipe,
On pardonne à tous ceux qui nous ont offensés : les morts sont tous de braves types. »
Voici quelques années, Bronnie Ware, une infirmière australienne qui a travaillé de nombreuses années à accompagner des personnes en fin de vie, a écrit un livre dans lequel elle partage avoir été le témoin des regrets des personnes juste avant leur mort.
Elle prétend, après avoir rassemblé toutes leurs déclarations, y synthétiser ce qu’elle a appelé les « cinq plus grands regrets des personnes avant de mourir » :
- – Je regrette de ne pas avoir eu le courage de vivre ma vie comme je le voulais et pas celle que les autres voulaient pour moi.
- – Je regrette d’avoir consacré trop de temps à mon travail.
- – Je regrette de ne pas avoir davantage exprimé mes sentiments.
- – Je regrette de ne pas être resté en contact avec mes amis.
- – Je regrette de ne pas m’être autorisé à connaître le bonheur.
Après d’autres, je m’interroge sur la fiabilité de ces conclusions. Beaucoup de personnes en fin de vie souffrent et je ne suis pas certain que la souffrance des êtres au moment de leur mort les aide à la lucidité. Il y a une idéalisation du moment de la mort typiquement new-âge. Sous le prétexte que les morts sont près de la « porte de sortie », ils auraient une propension particulière à la lucidité. Je doute que ce qui peut être vrai pour quelques-uns le soit pour le plus grand nombre.
A travers mon expérience d’animation de très nombreux groupes, pendant vingt ans, à « l’accompagnement des personnes en fin de vie », je n’ai jamais entendu de soignants partager de tels souvenirs.
Certaines personnes, avant de mourir, ont à cœur de faire des excuses à certains de leurs proches, de partager qu’elles trouvent leur mort précoce, d’autres qu’elles sont prêtes, mais elles ne font pas part de regrets « généraux » à propos de leur vie.
Alors que pouvons-nous faire des allégations de Bronnie Ware ?
Peut-être les prendre comme un idéal de vie et non du moment de la mort.
Il peut en effet être bon pour nous (avant qu’il ne soit trop tard, donc quel que soit notre âge), de faire le point sur notre vie en tenant compte de nos priorités fondamentales comme d’écouter les commentaires spontanés de ceux que nous avons rencontrés dans notre vie à propos des erreurs qu’ils ont faites.
Sur ce thème, le texte du poète argentin Jorge Luis Borges m’apparait encore plus explicite, mieux senti et plus « vivant » :
« Si je pouvais de nouveau vivre ma vie, dans la prochaine je tâcherais de commettre plus d’erreurs.
Je ne chercherais pas à être aussi parfait, je me relaxerais plus.
Je serais plus bête que je ne l’ai été, en fait je prendrais très peu de choses au sérieux.
Je mènerais une vie moins hygiénique.
Je courrais plus de risques, je voyagerais plus, je contemplerais plus de crépuscules, j’escaladerais plus de montagnes, je nagerais dans plus de rivières.
J’irais dans plus de lieux où je ne suis jamais allé, je mangerais plus de crèmes glacées et moins de fèves, j’aurais plus de problèmes réels et moins d’imaginaires.
J’ai été l’une de ces personnes qui vivent sagement et pleinement chaque minute de leur vie ; bien sûr, j’ai eu des moments de joie.
Mais si je pouvais revenir en arrière, j’essaierais de n’avoir que de bons moments.
Au cas où vous ne le sauriez pas, c’est de cela qu’est faite la vie, seulement de moments ; ne laisse pas le présent t’échapper.
J’étais de ceux qui jamais ne se déplacent sans un thermomètre, un bol d’eau chaude, un parapluie et un parachute ; si je pouvais revivre ma vie, je voyagerais plus léger.
Si je pouvais revivre ma vie je commencerais d’aller pieds nus au début du printemps et pieds nus je continuerais jusqu’au bout de l’automne.
Je ferais plus de tours de manège, je contemplerais plus d’aurores, et je jouerais avec plus d’enfants, si j’avais encore une fois la vie devant moi.
Mais voyez-vous, j’ai 85 ans… et je sais que je me meurs. »
© 2014 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.
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