La semaine dernière sur mon blog, une lectrice m’expliquait que mon article intitulé « Indignation » ne l’avait « vraiment pas convaincue » et que mon analogie avec l’ingénieur en aéronautique était « vraiment mal choisie ».
Par-delà le fait que je puisse – comme tout être humain – être maladroit et peu pertinent dans mes propos, sa réaction (légitime) m’a fait réfléchir à la manière dont beaucoup d’entre nous envisageons les choses de manière exclusive.
Enfermés, murés que nous sommes dans notre petit moi, nous adoptons le plus souvent une pensée binaire du type ou c’est moi ou c’est lui : si j’ai raison, l’autre a tort et si j’ai tort, l’autre a nécessairement raison.
Si notre éducation nous a appris à devoir choisir (par exemple) entre les pommes et les poires, nous continuerons indéfiniment de tomber dans le piège de celui qui voudra nous faire choisir entre les pommes et les poires.
Moi je suis comme ceci, dit l’un, moi je suis comme cela, dit l’autre – en regardant soupçonneusement le premier – et tous les deux ne pourront ainsi qu’entrer en conflit, habitués qu’ils sont de la pensée binaire qui coupe, sépare et divise.
La pensée qui divise nous enlise dans un rapport de pouvoir qui nous intime l’ordre de choisir entre deux camps. Suis-je pro-Russes ou pro-Américains ?
Et si nous prenions conscience qu’il n’est pas toujours nécessaire de devoir choisir et qu’il est possible d’aimer les pommes ET les poires, de ne pas préférer les Russes aux Américains ou le contraire, et de comprendre les raisons de la politique étrangère des uns et des autres.
La vie n’intime pas à une mère le devoir de choisir celui de ses enfants qu’elle aime le plus.
« Oh ! L’amour d’une mère, amour que nul n’oublie !
Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie,
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier. »
V. Hugo
Ainsi je souhaite ici prendre le parti du droit à ne pas devoir toujours choisir. Être humain, n’est-ce pas porter l’humanité à l’intérieur de soi ? Alors pourquoi ne pas substituer le ET au OU ? Pourquoi ne pas passer de la pensée binaire à une pensée « complémentaire » ? De ceci OU cela à ceci ET cela ? De toi OU moi à toi ET moi, c’est-à-dire nous.
S’entraîner à découvrir que les « opinions » que nous avons sur les choses parlent davantage de nous-mêmes que des choses que nous nommons. Car, comme le disait le sémanticien Alfred Korzybski : « Une carte n’est pas le territoire », le mot n’est pas la chose, ce qui revient à dire que notre pensée sur la réalité n’est pas la réalité mais un point de vue sur la réalité, une simple interprétation.
Chacun de nous voyons le monde à travers nos filtres émotionnels, les filtres du j’aime / je n’aime pas. Ces filtres relatifs et subjectifs qui ne nous permettent pas d’accéder à la réalité des êtres et des choses et dont la vie – régulièrement – nous montre qu’elle se moque.
Car si vivre c’est se confronter à « ce qui est », que nous aimions ou non une chose, que nous l’acceptions ou pas, elle est toujours « ce qu’elle est ».
Ainsi si nous voulons nous enrichir par nos réflexions mutuelles, il s’agit moins d’exclure que d’inclure, il s’agit moins de chercher à convaincre que de chercher à élargir. Comme l’exprime la psychanalyste Lily Jattiot dans Sagesse du féminin : « Le vrai progrès ne remplace pas une chose par une autre, il ajoute des possibilités supplémentaires, qui ouvrent un champ nouveau, un espace de jeu plus vaste. »
© 2015 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.
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Avertissement aux lectrices et aux lecteurs :
Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)