Si dans une société démocratique, les désaccords sont – a priori – régis à travers les valeurs de tolérance, de respect et de confiance, c’est non seulement parce que ses membres sont sensibles aux valeurs humanistes, mais – je crois aussi – parce qu’ils ont tout simplement compris que d’obliger quelqu’un à faire ce que l’on veut qu’il fasse est le meilleur moyen pour qu’il ne le fasse pas, (ce que l’on nomme « l’effet contraire » en pédagogie.) En effet, il nous est à tous arrivé d’être la proie de ce que l’on appelle « l’esprit de contradiction ». Esprit qui nous incite à agir à l’opposé de ce qui nous est demandé, unique exutoire (pensons-nous sur le moment !) à l’expression de notre liberté.
On pourrait donc dire que, de même que c’est le libre consentement qui doit sceller une union ou un pacte démocratique, c’est ce même libre consentement (conséquence d’une relation égalitaire entre les parents et les enfants) qui devrait sceller une relation d’éducation respectueuse. C’est cette idée que G. I. Gurdjieff exprime ici : « L’éducation d’un enfant doit être basée sur ce principe que tout doit venir de son propre vouloir. Rien ne doit lui être donné sous une forme toute faite. On ne peut que lui proposer une idée, que le guider, ou même l’instruire indirectement en partant de loin et en l’amenant au point voulu à partir d’autre chose. »
La simple intention de vouloir changer son enfant, pire de vouloir le « redresser », est aux antipodes du respect et de la confiance qu’on lui doit. Car le véritable apprentissage ne peut venir que du besoin (donc de la demande et de l’envie) de l’enfant.
Je remarque par exemple que n’ayant jamais appris à mon enfant petit à dire « merci » (ne l’ayant donc jamais « dressé » à cela), il est devenu « poli » de lui même par imitation, sur le simple exemple relationnel de ses parents et des gens qui l’entouraient. Le fait de montrer l’exemple, de conseiller, de soutenir, (tout en mettant en œuvre des moyens de prévention si nécessaires), donne – je l’ai personnellement vérifié – des relations plus harmonieuses et propices à l’apprentissage.
Ainsi la capacité pour le parent à prendre son enfant « au sérieux » dans ses demandes, dans ses intérêts pour le monde comme dans ses décisions, à proposer plutôt que d’imposer (c’est-à-dire à vérifier le consentement), n’empêchera pas les erreurs mais permettra la confiance – si précieuse – qui s’installera peu à peu.
Le jour où mon enfant a été puni par le système éducatif pour avoir fait le mur un jour à midi parce qu’il voulait aller chercher des bonbons, n’a pas été l’occasion pour moi de le punir à mon tour (la fameuse double peine), ni de lui servir un discours moralisateur – du haut de mon pouvoir de parent – mais de l’aider à assumer, avec amour, comme avec un ami, la responsabilité de ses actes compte tenu des lois éducatives ambiantes, (ce jour là, ce fut pour moi de l’accompagner en voiture avec bonne volonté jusqu’au lieu de sa retenue.)
Eduquer son enfant c’est donc l’accompagner à travers les épreuves (donc les opportunités) que la vie lui donne, de manière à ce qu’il apprenne à les digérer pour en sortir nourri d’une expérience supplémentaire plutôt que déséquilibré.
Ainsi c’est notre capacité à éduquer nos enfants sur la base de leur propre envie de savoir (ça se voit très bien chez les petits si avides de tout comprendre : pourquoi le ciel est bleu, l’eau mouille, les mouches marchent au plafond…) qui en fera des adultes heureux et toujours curieux plutôt que râleurs et blasés. Notre capacité à les prendre au sérieux, à les respecter et à les accompagner à travers les vicissitudes de la vie leur permettra en outre de se respecter eux-mêmes et de se sentir justes et légitimes – plus tard – dans leurs relations adultes.
© 2014 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.
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Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)