Comprendre

J’ai remarqué que nous avons souvent très peur de comprendre l’autre. Et je crois que c’est parce que la plupart d’entre nous confondons « comprendre l’autre » avec « être d’accord avec lui ». Comme si la compréhension des mobiles des actes d’un autre nous obligeait à les légitimer.

Un délinquant braque une banque, au moment où il tient en joue le caissier avec son révolver, un client terrifié se met à crier. Il se retourne alors contre celui qui lui apparait comme un obstacle et tire.

Le lendemain on s’interrogera dans les journaux sur les causes soi-disant mystérieuses de la violence de ce braqueur. Celui qui dirait quelque chose comme : « moi, je sais pourquoi ce braqueur a tiré, c’est parce qu’il a eu peur… », se verra répondre : « je ne suis pas d’accord avec toi, on ne peut pas tout excuser… » Comme si de comprendre la cause première de la violence de cet homme accréditait le bien fondé de son crime, comme si ça l’excusait le moins du monde !

En fait, nous avons peur de comprendre l’autre quand nous sommes (une fois de plus) dans la confusion entre lui et nous.

Pour reprendre l’exemple précédent, il me semble évident que la violence de cet homme a été motivée par son manque de sang froid et sa peur (et – en cela – je le comprends, c’est-à-dire que je valide sa logique interne à lui). Je pourrais par exemple, si je le rencontrais, lui dire : « j’ai bien compris que si tu as tiré c’est parce que tu as eu peur. »

Mais d’avoir validé sa logique interne à lui n’implique évidemment pas que ce soit la mienne, puisque je ne suis pas lui.

Je peux donc comprendre la logique criminelle d’un être humain sans pour cela être d’accord avec elle – puisque les valeurs qui sont les miennes sont différentes des siennes. De même que je peux comprendre que cet homme violent batte son épouse, je comprends l’épouse qui, tout à fait légitimement pour elle, porte plainte.

Dans un tel contexte je peux avoir de la sympathie pour cette femme victime de la violence de son mari, et de l’antipathie pour cet homme, incapable de se maîtriser, ce qui ne m’empêche nullement… de les comprendre tous les deux. En fait, comme le disait le poète latin Térence : « Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »

Si j’ose voir la réalité en face sans en avoir peur, rien de ce qui fait partie de la vie ne m’est étranger car je peux tout comprendre.

© 2014 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.


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37 Commentaires
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Marie

Merci pour votre site, il m’a fait avancer.

jean michel

Sans vouloir embrouiller la réflexion, j’ai remarqué dans certaines circonstances que il arrive qu’on ne comprenne pas certains de ses propres actes,comme si on était plusieurs en une même personne. Et aussi certaines réalités vécues étaient comprises d’une certaine façon et d’une autre dans des périodes différences. Et encore que avoir un avis ou discerner des causes et effets à partir d’un acte n’était pas toujours neutre sur le plan du ressenti et de l’émotion, rendant difficile une vision objective menant à une compréhension semblable au raisonnement scientifique basé sur des certitudes. La prudence tend à éviter de simplifier la… Lire la suite »

Marie

Tout cela m’a permis de comprendre qu’il ne fallait pas se focaliser sur le mal qu’on nous a fait mais sur ce que nous avons ressenti nous. Tendre l’autre joue équivaut à ne pas chercher à se venger car sinon on serait attaché à la personne qui nous a fait du mal mais à chercher à ce que nous avons ressenti nous pour ne plus être attaché à la personne, se détacher émotionnellement pour soigner nos blessures.

Marie

En fait, il faut se détacher des autres pour ne pas tout prendre pour soi, ce qui équivaut à s’aimer sans attendre que l’autre nous aime, comme ça on ne lui permet plus de nous faire du mal.

Marie

Je ne voulais pas dire que j’étais jeune mais quand on est petit, on est crédule et quand on est adulte parfois on garde des croyances qu’on nous a transmises sans y réfléchir. Je comprends que pour passer à autre chose, il ne faut pas chercher à comprendre l’autre, mais penser à soi ce qui n’est pas toujours facile.

Marie

Je vous remercie de cet échange, quand on est jeune, on a tendance à assimiler en pensant que les adultes ont la science infuse et en grandissant si on ne prend pas le temps d’y réfléchir ça reste sans vraiment que l’on s’en rende compte. Merci de votre aide.

Muriel

Bonjour, mon témoignage personnel : je me suis sentie mieux quand j’ai compris que ce n’était pas à travers l’autre que je résoudrais mon problème. Que mon seul soucis consistait à ne plus souffrir de ce que j’avais vécu avec lui, pas de savoir si je devais lui pardonner ou non. Pour cela il a fallu que je passe par un détachement émotionnel vis à vis de lui. Que je cesse de le considérer comme important dans ma vie. Que je me dise que la personne la plus importante c’est moi et ce que je ressens. Pas ce que, lui,… Lire la suite »

vanina

“Prendre la complète responsabilité de ce qui nous est arrivé pour sortir du statut de victime” ?

shannon

Je me suis aperçue car je vivais dans le dénie totale et je pensais que c était normal la vie que j avais quand j étais enfant…Mon grand père me frappait, avec un fouet et j étais humilié, surtout quand je n avais pas de bonnes notes..il arrêtait les passent dans la rue et disait que j étais une mauvaise eleve..j étais humilié..Ma mère ne s occuper pas de moi…donc c était mon grand père…heureusement que j avais une passion la danse classique ou j étais la meilleur au conservatoire.Aprés l école mon trajet était minuté, gare a mois si… Lire la suite »

vanina

mon dieu Shannon, quel témoignage bouleversant et courageux. Il me semble m’y retrouver. Bravo pour votre courage extraordinaire, votre persévérance merci beaucoup pour votre partage, et bon courage pour votre avancement avec vos blessures.

Marie

J’ai appris cela au catéchisme quand j’étais jeune mais j’avoue que je n’ai jamais bien compris pourquoi on devait tendre l’autre joue quand on nous faisait mal.

Marie

On nous apprend souvent qu’il faut tendre l’autre joue quand quelqu’un nous fait mal mais du coup la victime n’est pas reconnue ?

Marie

Alors une fois qu’on a essayé de comprendre l’autre comment pardonner ? S’il ne change pas ?

Marie

En fait, si je comprends bien il ne s’agit pas de pardonner pour excuser mais essayer de ne plus en vouloir à l’autre c’est une étape difficile. En fait ça peut se faire que quand on cicatrise un peu car tant que le mal est là c’est difficile, je pense que ça doit venir avec le temps.
Merci pour vos réponses.

Muriel

Oui, j’entends bien, merci pour cette précision..
En ce qui me concerne, j’ai fait cette démarche de comprendre, je pense qu’elle est incontournable. J’ai compris certaines choses importantes, bien sur, et, bien que ça n’aie pas du tout apaisé ma colère ni modifié mon jugement sur les evenements, cela a eu un effet quand meme très positif: donner du sens à ce qui n’en avait pas pour moi en me libérant de la question lancinante du “pourquoi?”.
Bien à vous.

Marie

Bonjour,

En fait, on est dans le pardon après la colère et avoir reconnu qu’on a été une victime ensuite quand on fait le travail d’essayer de comprendre on commence à pardonner en comprenant l’autre, on sait qu’il ne l’a pas fait contre nous mais parce-qu’il avait un souci ce qui n’excuse en rien son geste, il faut juste lui dire qu’il a fait mal afin qu’il essaie de faire un travail pour l’aider que son acte est très méchant mais que l’on sait que cela ne représente pas forcément l’homme tout entier c’est ça ?

Muriel

Merci pour vos réponses monsieur Perronnet, je vais les relire et y réfléchir… Pour moi c’est encore très confus ce rapport compréhension/jugement, je veux dire au niveau de ce que je ressens meme si intellectuellement, je pense à peu près “comprendre” 🙂 ce que vous voulez dire.. Par contre, j’ai encore du travail à faire par rapport aux gens maltraitants, cette discussion m’en fait prendre conscience: c’est plus fort que moi, si je vois quelqu’un en maltraiter un autre, je n’ai qu’une envie (attention, ça va etre violent): l’anéantir, le faire disparaitre de la surface de la terre… Quelqu’un qui… Lire la suite »

Muriel

Je me pose la meme question que Vanina: que faire après avoir compris? On peut pardonner si c’est possible, modifier notre propre comportement etc… Mais pour prendre notre décision ne faut-il pas passer par le jugement de ce que l’autre a fait? Un jugement éclairé par la compréhension. Est-ce condamnable dans ce cas? Pour les collègues de Vanina, si je peux me permettre, je pense aussi que leur comportement qui consiste à se défouler sur des innocents du préjudice qu’on leur fait subir est inexcusable. De plus, ça ne règle en rien leur problèmes car elles se trompent de cibles.… Lire la suite »

vanina

Oui, bien sur, on peut comprendre les causes de tel ou tel comportement auquel on n’adhère pas, mais il m’apparait parfois difficile de légitimer le dit comportement en lui même malgré mon approche empathique et il me reste étranger. Par exemple, je comprends que mes collègues maltraitent parce qu’elles manquent de formations ou d’assimilation de leur contenu, parce qu’elles sont épuisées ou dépassées par la charge de travail, parce qu’elles sont frustrées par le sentiment de ne pas être entendues dans leurs contestations. cependant, je vis absolument les mêmes difficultés professionnelles qu’elles. Pourtant, je tâche et je parviens à effectuer… Lire la suite »

vanina

Mais n’avons nous pas le droit d’avoir un avis, un jugement sur des comportements choquants. Est-ce mal? Vous même n’avez vous jamais d’opinion sur des comportements aux antipodes de vos valeurs? L’être humain n’est-il pas doté d’un centre du jugement à cet effet dans son cortex cérébral et cette fonctionnalité n’est-elle pas la base de nos préférences et de nos choix? ‘Reconnaitre son bourreau comme tel afin d’accepter ce qui nous est arrivé’ n’est-ce pas un jugement en soi? L’hypothèse qu’elles’ font ce qu’elles peuvent’ par rapport au contexte n’enlève en rien le caractaire mortifère de leurs agissements; comment puis-je… Lire la suite »

Muriel

Bonjour, pour l’avoir vécu, il est effectivement très difficile de faire la démarche de comprendre les raisons qui ont pu pousser quelqu’un à nous faire du mal. C’est plus facile lorsque nous ne sommes pas personnellement concernés par ces actes car on peut chercher à comprendre de façon intellectuelle sans qu’il y ait d’affects en jeu. A partir du moment où nous sommes la victime nous pouvons difficilement etre objectifs et compréhensifs vis à vis de nos agresseurs, nous éprouvons forcément de l’hostilité à leur endroit ce qui est incompatible avec une posture d’ouverture destinée à les comprendre. C’est ce… Lire la suite »