Question de Christophe :
Assistant Maternel à Paris, France
Ma fille doute que je sois son pére biologique.
La mère (malgache) de ma fille a voulu finir son accouchement à Madagascar cela s’est mal passé là-bas sur place. Elle est décédé 10 jours après l’accouchement et j’ai mis 1 mois 1/2 à récupérer ma fille, une amie à elle me l’a amené à l’aéroport. Ma fille extrapole sur le fait que je sois son père, que je n’ai pas de photo de sa mère ce qui est vrai car nous n’avons jamais vécu ensemble. Elle se pollue, ce que je peux comprendre, toute son enfance avec cela. Que faire ? Elle a 9 ans.
Merci par avance.
Ma réponse :
Votre histoire n’est pas banale, votre petite fille de 9 ans est orpheline de mère et se met en tête, dans l’angoisse et la détresse qui sont les siennes, que vous n’êtes peut-être pas son père, se vivant par là-même orpheline de père également. Ainsi votre fille est la proie d’un syndrome d’abandon, contre lequel (dans sa douleur) elle a essayé de lutter, en vous demandant de l’aider à lui fournir des preuves de votre paternité (des photos de sa mère avec vous), preuves que vous n’avez pas pu lui fournir puisqu’elles n’existent pas.
Forcer les choses en tentant de la persuader que ce qu’elle pressent est faux serait maladroit, car cela ne ferait que – paradoxalement – la convaincre encore davantage que vous lui cachez quelque chose, donc que vous lui mentez. Votre fille est en proie au doute, renforcé par la détresse qu’elle ressent en l’absence de mère.
Votre attitude, en réponse à son comportement, est délicate car il est certainement très important qu’elle ressente (au moment même où elle en doute le plus) que « vous son père », ne remettez pas en cause votre confiance en elle.
Ce qui se passe actuellement est un peu comme une épreuve, un test qu’elle vous fait passer sans en être consciente, une épreuve qui – si elle est réussie – lui permettra de sentir que vous « tenez la route » donc que vous ne l’abandonnez pas. Comprenez que dans le contexte qui a présidé à sa naissance, votre petite fille est comme « hantée » par sa croyance fausse issue de son expérience directe : « les personnes qui m’aiment me quittent » et que son doute n’est que le moyen qu’elle a trouvé d’infirmer ce qu’elle craint le plus : que son père ne soit pas son père.
Par bonheur vous expliquez, non pas que tout cela vous insécurise, mais que vous comprenez tout à fait que les circonstances peu banales et dramatiques de son arrivée sur la planète puissent la troubler et même, dites-vous, la « polluer ».
Votre fille a de la chance d’avoir un père qui la comprend en ressentant la difficulté qui est la sienne. Comment allez-vous donc vous y prendre pour lui faire sentir que non seulement vous la comprenez, mais qu’aussi vous êtes avec elle jusque dans les doutes et les remises en cause qui sont les siennes ?
Allez-vous tenir bon la barre donc trouver la force en vous d’accueillir ses doutes, y compris ceux qui vous remettent en cause, là où c’est vraisemblablement le plus douloureux pour vous ? Car c’est cela qui pourra un jour lui permettre de se sentir aimée (donc pas abandonnée) par son père, au cœur même de son vécu d’abandon.
Comprenez que votre écoute et votre détermination à vous ouvrir à elle « telle qu’elle est », coûte que coûte, sont ici majeurs. Car dans la terrible l’angoisse qui est la sienne, elle ne peut pas faire autrement (pour le moment) que de remettre en cause votre paternité. Pour ce faire vous avez besoin de sentir vous-même, donc de pouvoir lui faire sentir, qu’avec votre coeur de père, vous l’aimez « telle qu’elle est » et que son doute ne remet rien en cause de votre relation.
Ce faisant, vous allez également tenter tout ce qui est humainement possible pour l’aider à trouver les preuves matérielles qui existent et dont elle a tant besoin. Vous partagez qu’une amie de la mère décédée de votre fille vous l’a amenée à l’aéroport il y a 9 ans. Il y a donc ici une personne qui est un lien vivant entre vous et votre compagne décédée, comment vous y prendre pour mettre ce lien en valeur ? Votre petite fille a-t-elle déjà émis le désir de découvrir une partie de ses racines en se rendant à Madagascar ? Tout ce qui ira dans le sens d’un apaisement de sa relation à son histoire lui sera évidemment bénéfique. Savez-vous pourquoi sa mère a voulu accoucher chez elle à Madagascar ? Cela est-il vécu par votre fille comme une preuve d’amour et de protection pour elle ? Un jour, quand vous la sentirez davantage mûre pour en comprendre le sens, donc si elle vous en fait la demande, pourquoi ne vous lui offririez-vous pas un test ADN capable de définitivement lever ce doute mortifère ?
© 2008 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)