Question de Jacqueline :
Profession : Professeur de Yoga
Merci pour ces rappels toujours très éclairants que tout part de cette nécessaire réconciliation avec soi.
J’ai en ce moment, parmi mes amies, une jeune femme, victime d’un traumatisme dans sa jeunesse et qui n’arrête pas de me répéter : « Je me déteste ! Je me déteste ! » Comme elle est très croyante, elle n’ose pas exprimer ce qu’elle ressent vis-à-vis de celle qui l’a agressée et elle tourne sa violence contre elle-même, jusqu’à exprimer des tendances suicidaires.
Pourriez-vous m’aider à l’aider ?
Ma réponse :
Parce qu’elle est « très croyante », dites-vous, l’une de vos amies tourne sa propre violence contre elle-même, et est par conséquent incapable de découvrir que son ressentiment provient de la colère qu’elle a éprouvée contre la personne qui l’a agressée dans sa jeunesse.
Soyez certaine que votre amie obéit à une croyance qui la contraint à se mentir à elle-même et qu’en se sentant confusément coupable, elle se condamne à ne pas voir la vérité. Or seule la reconnaissance de la vérité de ce qu’elle a vécu peut lui permettre de ne plus devoir indéfiniment souffrir de son traumatisme.
Je me souviens d’une parole d’Andrew Cohen qui disait quelque chose comme : « Il existe deux dieux : celui de la peur et celui de l’amour. Duquel êtes-vous le disciple ? »
Assurément votre amie est la disciple du dieu de la peur. Plutôt que de devoir personnellement renoncer à la personne qui l’a traumatisée dans sa jeunesse en éprouvant de la haine contre elle, elle « préfère » renoncer à elle-même en s’en voulant d’éprouver de la colère contre son persécuteur, peut-être même se déteste-t-elle de n’être pas capable de pardonner. Elle est une victime, parce qu’elle se déteste d’avoir été l’objet de persécution de son persécuteur.
La victime ne peut pas découvrir qu’elle est innocente quand – à cause de ses croyances perverses – elle doit faire allégeance à sa peur de reconnaître la vérité, et se retrouve contrainte de se penser coupable de ce qu’elle a subi.
Pactisant avec les raisons d’agir de son bourreau et avec son intention inconsciente de parfaire son oeuvre, elle peut même songer au suicide.
La seule voie de salut pour votre amie est de trouver le goût de la vérité. Que s’est-il réellement passé ? Est-il vrai qu’un enfant est coupable des traumatismes qu’il a subi ?
Les forces qui lui interdisent de reconnaître son bourreau comme tel sont d’autant plus puissantes que l’image qu’elle a d’elle-même est bien frêle puisqu’elle est fondée sur les besoins d’un enfant totalement dépendant donc vulnérable.
L’aider c’est donc l’aider à se construire elle-même, afin qu’elle puisse un jour s’ouvrir à son besoin interdit de colère car, dans sa dépendance, elle a appris que le ressentiment contre son agresseur est prohibé.
Son point de réconciliation est donc d’oser non seulement reconnaître « ce qui s’est passé » mais aussi les réactions de colère qui ont été les siennes à « ce qui s’est passé. » L’aider c’est donc le lui montrer, le lui faire sentir à travers le regard que vous porterez sur elle.
C’est donc commencer… par ne pas lui dire qu’elle ne devrait pas se détester. C’est lui faire sentir que vous comprenez qu’elle se déteste puisqu’elle est amenée à se détester… afin qu’il y ait le moins possible d’espace entre elle et vous.
Là, peut-être se sentira-t-elle comprise, y compris dans son besoin de se détester, et ce sera peut-être le moment où elle se sentira aimée (par vous) comme par un miroir qui lui fera découvrir ce qu’elle est vraiment : une personne innocente, qui peut être aimée et qui s’interdit de haïr son persécuteur à cause de ses croyances.
Cela sous-entend que vous témoigniez pour elle de ce qu’elle a vécu. C’est cette bienveillance pour elle qui pourra – si elle la ressent – l’aider à être bienveillante avec elle-même, c’est-à-dire qui l’aidera à accéder à ses vrais sentiments.
Pour ce faire, pour lui tendre ce délicat miroir, vous aurez besoin de vous interroger sur votre propre motivation à vouloir l’aider, ainsi vous ne pourrez pas faire l’économie de vous poser la question de savoir qui – en vous – souhaite l’aider. Peut-être découvrirez-vous que le simple fait qu’elle se déteste vous est insupportable. Dans ce cas, il vous faudra (avant de pouvoir l’aider), commencer par vous aider vous-même, c’est-à-dire par réparer en vous ce qui est aussi cassé chez elle.
© 2007 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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Avertissement aux lectrices et aux lecteurs :
Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)