Quand nous sommes en souffrance (psychologique et/ou physique), quand la souffrance est telle que nous avons l’impression d’être submergés par elle, nous pensons que nous sommes les seuls à sentir les choses comme nous les sentons.
Nous ne sommes – bien sûr – pas les seuls à souffrir mais nous sommes en effet les seuls, ici et maintenant, à ressentir la souffrance comme nous la ressentons.
Cela pour la bonne et simple raison que nous sommes uniques, et qu’une personne unique ne peut qu’être la seule à ressentir les choses comme elle les ressent.
Même si elle est accompagnée, même si elle se sent aimée, c’est bien elle qui souffre et sa souffrance reste incommunicable parce que les mots sont insuffisants et inadaptés pour rendre compte à l’autre de ce que nous ressentons vraiment.
Chaque personne donne par exemple un sens différent au mot inquiétude. « Chacun voit midi à sa porte », dit le proverbe.
C’est ainsi qu’une personne que j’accompagne m’a récemment écrit : « Personne ne peut me comprendre. »
Parce que c’était son sentiment à elle et que je la respecte, je lui ai répondu : « Oui, d’accord », lui signifiant que j’acquiesçais par là-même à son sentiment d’extrême solitude.
Non pas « oui, mais vous devriez vous sentir comprise », mais « oui, d’accord », indiscutablement d’accord.
Dans le relatif, nous sommes tous « séparés » et seuls. Les personnes qui ont vécu une souffrance abominable comme la perte d’un enfant par exemple, le savent, elles portent au fond d’elles-mêmes une certaine gravité, quelque chose de spécifique, et d’incommunicable.
Je crois que c’est un défi pour l’être humain que de ne pas devenir la victime de cette séparation qui nous isole indéniablement des autres. Cela revient à ressentir et à assumer la complète solitude de notre condition humaine : chacun d’entre nous souffre seul.
Et je crois que personne n’a fini d’explorer sa fondamentale solitude.
Alors que je faisais part de ces réflexions sur la condition humaine à la personne dont j’ai parlé plus haut, elle m’a répondu : « Oui mais on peut être très proche de l’autre quand on n’a pas peur de ses émotions et qu’on ne le juge pas. »
Cette femme avait tout perçu, compris de ce que l’on peut être pour l’autre en l’accompagnant : quand on n’a pas peur de l’autre, on peut se rapprocher de lui.
Et l’inverse de la proposition est vrai aussi : quand on a peur de l’autre, on s’en éloigne. C’est évident et c’est malheureusement ce qui se passe couramment dans la relation d’aide. Tous les malentendus, les quiproquos, les maladresses sont dus le plus souvent à la peur.
Nous vivons donc tous au cœur d’un grand paradoxe : montrer à l’autre qu’on accepte sa solitude nous permet de nous rapprocher de lui.
Et accepter sa solitude c’est lui faire sentir qu’on est nous-même d’accord pour accepter notre propre impuissance à y remédier. Cette impuissance devient alors un pont entre les deux personnes en relation.
Être inconditionnellement d’accord pour accepter ce que vit l’autre quand il le vit, c’est l’aimer.
C’est dans ce contexte, le contexte de l’acceptation de notre humaine condition, que nous pouvons apprendre les uns les autres à nous aimer.
© 2017 Renaud PERRONNET Tous droits réservés.
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