Dans leur idéal judéo-chrétien, beaucoup de personnes pensent que ce n’est pas bien de juger les autres parce qu’il est plus facile de les dénigrer que de se remettre en cause soi-même. Nous voyons en effet plus facilement la paille dans l’œil de notre voisin que la poutre dans notre œil.
On prête à André Malraux cette formule : « Avant de juger il faut comprendre et quand on a compris, on n’a plus envie de juger. » Si nous pouvions sentir l’intensité de la souffrance qui a conduit certaines personnes à commettre des actes abominables, nous aurions plus de mal à les juger.
Est-ce à dire que nous sommes réduits à vivre dans un monde de « bisounours » dans lequel il serait mal vu de reconnaître le mal ? Est-ce à dire que sous prétexte de ne pas vouloir juger négativement les personnes violentes, toxiques, perverses et manipulatrices, nous devrions faire « comme si » elles n’existaient pas, ou – comme certains le conseillent – tenter de leur pardonner ?
Il est tout à fait légitime de reconnaître un acte comme nuisible, donc de juger négativement cet acte – et non pas la personne qui l’a commis. S’il n’est en effet pas adéquat de juger une personne que nous ne connaissons pas vraiment (et qui pouvons-nous prétendre connaître vraiment ?), il est par contre parfaitement légitime d’évaluer (de juger) un de ses actes, et d’en ressentir l’impact plutôt que de le minimiser (reconnaître par exemple qu’on en souffre encore des années après).
Comme le dit Alice Miller : « Nous ne pouvons pas nous libérer d’un mal sans l’avoir nommé et jugé comme un mal ». Tant que nous sommes dans la confusion entre l’acte et la personne qui l’a commis, nous aurons la tentation (surtout si la personne qui l’a commis est l’un de nos parents ou l’un de nos proches) de la comprendre et de l’excuser. Ce qui nous empêche de trouver la force de rompre avec le prédateur qui nous maltraite.
Albert Camus, dans L’Homme révolté, partage : « Se taire, c’est laisser croire qu’on ne juge et ne désire rien. » Parce qu’exister c’est désirer, il n’est pas juste de se taire sous le prétexte de ne pas juger, c’est-à-dire de laisser croire que ce qui nous a blessés ne nous a pas blessés.
Souvent les enfants victimes d’abus sexuels à répétition se taisent parce qu’ils s’interdisent de reconnaître comme criminel leur père, leur frère, leur oncle… Alors que s’ils pouvaient reconnaître que l’acte (et non la personne) est criminel, ils oseraient peut-être le dénoncer et cesser d’être une proie.
© 2014 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.
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