Tagore, le lion du soleil

« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »

René Char

Rabindranath Tagore (1861-1941) est certainement une figure de premier plan de l’histoire intellectuelle et littéraire de l’Inde moderne. Son œuvre est immense et fascinante. Il est l’auteur de plus de mille poèmes, de deux mille chansons dont il a également écrit la musique, de pièces de théâtre – certaines chantées – de romans, de recueils de nouvelles. Mais il a aussi écrit des essais sur tous les sujets qui lui étaient chers, de la philosophie à la politique, de l’éducation aux arts, et il a également laissé de nombreux croquis, dessins et peintures.

C’est par sa poésie que Tagore se fit connaître dans le monde entier, il a composé ses premiers poèmes à huit ans et les a publiés plus tard sous le pseudonyme de Bhanushingho : « Le lion du soleil ».

Il a été le premier non-européen à recevoir le Prix Nobel de littérature, en 1913.

Partisan de l’indépendance de son pays, il était un universaliste qui a soutenu les valeurs essentielles de l’existence humaine. Il a prôné l’union des peuples au-delà des frontières et toujours refusé la violence. Son idéal était l’harmonie entre les hommes, entre les hommes et la nature, entre les nations, entre les arts.

Le 18 juin 1916, il proclame ce message visionnaire à l’occasion d’une conférence faite à l’université impériale de Tokyo :

« Il y a de graves questions que la civilisation occidentale a posées devant le monde, et auxquelles elle n’a pas complètement répondu. Les conflits entre l’individu et l’État, le travail et le capital, l’homme et la femme ; les conflits entre l’avidité du gain matériel et la vie spirituelle de l’homme, entre l’égoïsme organisé des nations et les idéaux les plus élevés de l’humanité ; les conflits entre toutes les complexités laides, inséparables des organisations gigantesques du commerce et de l’État, et l’instinct naturel de l’homme criant vers la simplicité, la beauté, et la plénitude du loisir, – tout cela doit se résoudre en harmonie ; comment ? On ne peut même encore le concevoir. »

Tagore a vécu de nombreux événements tragiques dans sa vie, comme la perte de sa femme et de trois de ses enfants. Ces épreuves lui permettront, entre autres, de réaliser l’importance de ne pas ériger entre nous et le monde une barrière de protection. Plus que tout autre, il sait que c’est en se frottant à la vie, donc en vivant pleinement les événements heureux et malheureux de l’existence, que l’épanouissement et la plénitude de l’être peuvent être réalisés.

Dans de nombreux essais, il partage des anecdotes vécues, il parle de l’amour, de la beauté, de l’écoute, de l’action et de la libération intérieure en même temps qu’il nous dit l’importance de se sentir relié et de ne pas négliger le spirituel dans notre vie.

Il écrira :

« Il est regrettable que notre indifférence ne nous fasse courir aucun risque ! »

A travers plusieurs expériences mystiques, tantôt abruptes, tantôt douces, il a pressenti la nature immanente du jeu cosmique auquel nous participons tous.

Il l’exprime en particulier dans ce poème « Tout est plein », extrait du recueil Utsarga, n° 38.

Ce jeu qui est le tien

C’est de nous balancer

Au rythme d’une mélodie silencieuse

De nous balancer sur ta balançoire

Tu nous fais monter jusqu’à la lumière

Et brusquement tu nous précipites

Au fond des ténèbres.

Quand la balançoire remonte,

Ce sont des rires joyeux

Quand elle redescend, ce sont des cris de peurs.

Ce trésor qui est le tien

Tu le fais passer de ta main droite

À ta main gauche

Et de ta main gauche à ta main droite

Et encore et encore.

Assis dans la solitude,

Tu rassembles les soleils et les lunes

Et tu les fais tourner sans cesse

Tu les dévoiles et ils sont nus ;

Puis tu les habilles d’un voile

Qui nous les cache.

Croyant que les trésors de notre cœur

Nous ont été arrachés,

Nous pleurons des larmes inutiles.

Mais tout est plein et complet

Rien n’a été perdu.

Et il n’y a que la balançoire,

Sans cesse, qui va et qui vient.

 

Rabindranath Tagore dans la roseraie d’Albert Kahn, en 1921.


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1 Commentaire
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Marie

Merci pour cette belle découverte.