Ça fait plus de 15 ans que je connais Lie et qu’elle participe volontiers à mon site à travers ses commentaires et ses écrits.
Elle vient de me faire parvenir ce cri du cœur que je partage avec vous tous dans les écrits thérapeutiques.
Un Cri d’amour !
Je le tue ! Je me tue ! Nous nous tuons !
Cela fait une vingtaine d’années que mon mari est malade. Son état se dégrade peu à peu.
Il a des difficultés avec la parole, avec la déglutition et à se mouvoir.
Parfois, il se montre agressif et possessif.
Je suis épuisée ! Cela fait vingt ans que je suis à ses côtés.
Je le regarde, je le regarde sans cesse de peur qu’il se fasse mal.
Quand il mange, ça dégouline de partout jusque dans le cou. Il ne sent rien. Il a perdu de sa sensibilité.
Je lui essuie sa bouche, encore et encore, je l’énerve.
Je surveille, s’il ne va pas avaler de travers, me faire une fausse route à ne plus savoir respirer.
Je le surveille dans ses déplacements de peur, qu’il perde l’équilibre.
Lorsque l’on est dans la rue avec sa démarche instable, on le regarde comme si c’était un ivrogne !
Une fois, alors que je stationnais sur une place d’handicapé, j’ai eu le droit à une réflexion : « Il n’a pas l’air handicapé ! »
Connard !!! Tu veux ma place ! Tu n’as pas vu le macaron sur mon pare-brise ! C’est mon mari lui-même, malade, qui m’a calmée.
Je suis fatiguée de vivre tout cela !
Le petit lit médicalisé est installé dans sa chambre.
Cela fait si longtemps que je dors seule avec mon chien.
Je suis plus jeune que lui, et j’ai l’impression d’avoir dix ans de plus ! J’ai mal partout, surtout mal au ventre !
Après plusieurs examens, on me dit que j’ai le syndrome du côlon irritable, il n’y a rien à faire que des régimes et du repos.
La maladie de mon mari se serait posée sur mes intestins, mes symptômes sont psychosomatiques
J’ai mal, oui j’ai mal de le voir ainsi ! Cela me tue de le voir ainsi !
Je suis à la retraite après avoir travaillé pendant trente ans à l’hôpital, dans un service de médecine gériatrie.
En fait, je suis toujours dans les soins avec mon mari malade. Je le tue ! Je me tue ! Nous nous tuons !
Le monde médical va mal, mais le service social autour du monde médical va encore plus mal !
A ma mise à la retraite, je me suis cassé la jambe et le poignet !
Je me suis sentie perdue avec mon mari malade et mes satanées fractures !
Une Dame de la direction départementale de Nancy s’est présentée à mon domicile.
Elle voulait voir l’état de santé de mon mari. Celui-ci venant de subir une opération du cerveau, allait un peu mieux. Sa dyskinésie avait presque disparu.
« Vous allez beaucoup mieux », dit-elle
« Bien je supprime votre dossier, vous n’avez plus besoin de moi. »
Quelle idiotie !
Elle ne sait pas encore qu’un malade parkinsonien opéré du cerveau peut être en ON ou en OFF !
Et moi, à coté, en fauteuil roulant, elle ne m’a pas vue !!! Elle m’a complètement ignorée !
Je suis fatiguée, mes intestins se nouent de plus en plus !
J’essaye de me réfugier le plus longtemps possible dans ma chambre avec mon chien.
Et je ferme les yeux, je ferme les yeux, dans le noir de la pièce comme pour me plonger dans un autre univers, où les gens sont beaux, souriants, sans bave ni crachats où tout est en couleur avec de magnifiques fleurs.
Je le tue ! Je me tue ! Nous nous tuons ! C’est un cri d’amour !
À soixante-dix ans, avons-nous encore le droit de vivre, ou sommes-nous une gêne pour la société d’aujourd’hui !
« Tuez-les tous ! Dieu reconnaitra les siens ! »
Phrase célèbre, prononcée par un religieux, Arnaud Armaury en l’an 1209, sommes-nous tombés si bas dans ce nouveau monde !
Lie (qui vient de lier, liaison.)
Il est certainement difficile, parfois même incompréhensible, d’envisager devoir se mettre à soi-même une limite quand on se sent agir par amour pour l’autre, cependant il est nécessaire de se souvenir que…
« Vous pouvez voir que toujours dans la vie, partout où il y a une tragédie ou un malheur, c’est qu’une limite a été dépassée. »
Swami Prajnanpad
Il ne s’agit pas de s’en vouloir de dépasser ses propres limites, mais de comprendre que c’est une tentation constante à laquelle nous ne devons pas céder car nous serons tous – dans notre vie – nécessairement confrontés à notre impuissance.
Comme l’exprime très justement Lie : « Je le tue ! Je me tue ! Nous nous tuons ! »
Il y a nécessité – quelle que soit la situation – de toujours rester à l’intérieur de ses propres limites donc d’apprendre à s’arrêter avant d’être fatigué parce que pour celui ou celle qui dépasse ses limites, la vie va devenir une tragédie.
« Essayez de rendre service au mieux de vos possibilités. Mais il y a une limite : « Jusque-là et pas plus loin » doit être votre devise. Quand vous avez atteint votre limite, vous devez être heureux, parce que vous avez fait de votre mieux. Qu’est ce qu’on peut faire de plus ? Ne regrettez pas d’être allé seulement là, ne croyez pas que vous auriez dû aller plus loin. Ce « j’aurais dû » est faux. Bien sûr, il est difficile de déterminer ce qu’est cette limite. Mais vous pouvez l’apprendre par la pratique et la persévérance. »
Swami Prajnanpad cité par R. Srinivasan, Entretiens avec Swami Prajnanpad, Éditions L’Originel, 1986, p. 89.
Si vous avez envie d’exprimer, de crier – anonymement – sur la toile, quelque chose de personnel que vous portez sur le coeur depuis longtemps, cet espace est le vôtre. Pour ce faire, prenez contact avec moi en utilisant ce formulaire.
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Avertissement aux lectrices et aux lecteurs :
Ma formation première est celle d’un philosophe. Il est possible que les idées émises dans ces articles vous apparaissent osées ou déconcertantes. Le travail de connaissance de soi devant passer par votre propre expérience, je ne vous invite pas à croire ces idées parce qu’elles sont écrites, mais à vérifier par vous-même si ce qui est écrit (et que peut-être vous découvrez) est vrai ou non pour vous, afin de vous permettre d’en tirer vos propres conclusions (et peut-être de vous en servir pour mettre en doute certaines de vos anciennes certitudes.)