Revenir à l’intelligence du réel

« Distinguer un fait de son interprétation est le stade le plus élevé de l’intelligence humaine. »

Krishnamurti

La guérison de nos manquements, de nos maladresses et de nos infirmités
relationnelles passe par le développement de notre compassion envers nous-même et autrui.
Pour y parvenir il est crucial de mieux comprendre le fonctionnement de notre esprit et la
signification que revêt le fait d’être un être humain faillible et imparfait.

Cette compassion envers soi-même permet de développer progressivement la
confiance en soi nécessaire pour ne plus être victime de nos processus mentaux de
dévalorisation et d’arrogance. Se rééquilibrer mentalement revient à renouer avec
l’intelligence du réel, c’est-à-dire avec la compréhension de la nature des choses et avec la
signification des faits, afin de s’adapter aux exigences de l’action (ou de l’absence d’action) à
venir.

Il s’agit également de ramener notre attention à la raison lorsqu’elle s’égare dans
l’errance subjective. On peut même affirmer que c’est principalement cette capacité à utiliser
le pouvoir de notre attention qui nous autorise à nous penser sains d’esprit.

Parvient à être adulte celui ou celle qui est devenu capable d’utiliser pour son propre
compte cette capacité de revenir à la raison. Revenir à la raison c’est ne pas demeurer
emporté, c’est être souple et fluide, donc capable de revenir élégamment au bon choix après
s’être trompé, ceci en détournant consciemment son attention des pensées fausses qui nous
ont subjugués.

Dans nos sociétés modernes, les prisons sont remplies de personnes qui, incapables
de cette pratique, paient les conséquences de leurs vives réactions émotionnelles
transformées trop rapidement en actes délictueux ou criminels.

Les êtres humains commencent tous leur vie par une période de construction dans
laquelle – si leurs éducateurs sont à la hauteur – ils apprennent progressivement à distinguer
le vrai du faux, le réel de l’illusoire. C’est ainsi qu’ils pourront devenir ultérieurement capables
de vivre leur vie sans difficulté majeure.

La preuve d’une éducation réussie, c’est précisément qu’ils puissent user de cette
pratique de façon autonome.

Dans l’existence, chacun(e) peut se surprendre en pleine errance dans ses divagations
mentales : l’un rêvera – pendant un temps – de s’acheter une voiture au-dessus de ses moyens
; un autre laissera mentalement libre cours à son agressivité contre une personne en la traitant
de tous les noms, voire en souhaitant sincèrement sa mort ; un troisième croira faussement
qu’on lui en veut, en interprétant un regard soi-disant désagréable, etc.

Jusqu’au moment où – après l’errance – ils parviendront à faire le bon choix en revenant
à la vérité du fait.

Quelle que soit l’errance à laquelle nous nous sommes adonnés, nous pouvons tous
apprendre à revenir à la vérité du fait par un rappel conscient à nous-même.

Le pas de côté qui nous permettra de retrouver la raison commence par la
désidentification aux pensées que nous considérons comme vraies. Pour cela, rien de tel que
la rencontre consciente avec la sensation. Par exemple la sensation des points de contact de
nos fesses avec la chaise sur laquelle nous sommes assis, celle du point de contact de nos
pieds avec le sol, ou la sensation du rayon de soleil qui se pose sur notre bras. La sensation de
notre présence, ici et maintenant.

Pour apprendre à nous détourner des pensées qui tournent en boucle dans nos têtes,
pour nous en désidentifier, nous pouvons donc nous concentrer – à intervalle régulier et à
volonté – sur nos propres perceptions sensorielles.

Grâce à l’intelligence du réel, nous pourrons vivre en « bonne entente » avec les gens
qui nous entourent et œuvrer le plus souvent d’un « commun accord » avec eux.

Nos impulsions intelligentes rayonnent au moment où nous parvenons à différencier
clairement (prendre la pleine mesure entre) notre identification à nos émotions et notre
capacité à les mettre à distance de nous-même en les reconnaissant comme telles.

L’adulte est celui qui est devenu capable de travailler avec son propre état d’esprit en
opérant une véritable discrimination à son égard. À un moment, il parvient à se dire à lui-
même « Non ! Stop ! Je délire… Réveille-toi ! » C’est ainsi, à travers un retour à la lucidité
entretenu par une ferme intention, que l’étincelle de santé mentale surgit dans l’esprit.

La capacité à observer les variations de ses états mentaux est cruciale pour un être.
C’est en cultivant une telle pratique – au moyen de la vigilance et du rappel de soi – que l’on
peut s’éveiller à sa propre santé mentale.

Plus nous serons conscients des changements incessants de nos états mentaux, plus
nous nous donnerons à nous-mêmes l’opportunité de revenir à nos sensations réelles, ici et
maintenant. C’est cette prise de conscience qui nous permettra de lâcher-prise par rapport à
nos angoisses et à nos peurs en les reconnaissant comme des tigres en papier.

Cette pratique repose sur notre capacité à utiliser la pression exercée par la réaction
en chaine de nos pensées et de nos émotions comme un rappel à nous-même. Rien de tel –
pour apprendre à distinguer le vrai du faux – que de se souvenir que quand nous sommes en
pleine émotion (donc en réaction), nous divaguons nécessairement.

© 2025 Renaud Perronnet. Tous droits réservés.

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