La puérilité de l’homme

C’est une chose contre nature que nous nous méprisions et que nous fassions peu de cas de nous-mêmes ; c’est une maladie qui est particulière à l’homme et qui ne se voit dans aucune autre créature que de se haïr et de se dédaigner. C’est par une pareille puérilité que nous désirons être autre chose que ce que nous sommes. Le profit d’un tel désir est nul pour nous parce qu’il se contredit et s’embarrasse en lui-même. Celui qui désire d’homme être fait ange, ne fait rien pour lui, (et s’il le devenait) il n’en vaudrait nullement mieux ; car s’il n’existe plus (en tant qu’homme), qui se réjouira de cette amélioration et la ressentira pour lui ?

Michel de Montaigne, Essais, II, 3