Ce que votre ado ne peut pas vous dire

Être parent c’est pressentir notre responsabilité vis-à-vis de l’avenir du genre humain, disait Lee Lozowick. C’est la raison pour laquelle il serait nécessaire de nous éduquer à notre rôle de parent.

La plupart des parents le savent, certains d’entre eux le redoutent, les années de l’adolescence de leurs enfants peuvent être des années assez dures, des années pendant lesquelles ils devront assumer les bouleversements physiques et psychiques de ces êtres en transformation.

« Laisser nos enfants libres de nous répondre tout en contrôlant la situation avec délicatesse et sans réaction exagérée, sans pour autant leur laisser tout faire ni nous abuser, voilà une tâche qui exige une créativité particulière. » faisait remarquer Lee Lozowick.

Alors comment s’y préparer ?

Pour vous aider à découvrir, à comprendre et à respecter les motivations intimes de l’adolescent(e) que vous aimez, une psychologue américaine, Gretchen Schmelzer, a écrit la lettre que votre ado ne peut pas vous écrire, mais qu’il est très important que vous lisiez, parce qu’elle vous permettra de vous retrouver de l’autre côté de votre décor et en particulier du côté des besoins inexpliqués de votre enfant…

« Cher parent,

Voici la lettre que je voudrais pouvoir t’écrire.

Ce conflit dans lequel nous sommes maintenant, j’en ai besoin. J’ai besoin de ce combat. Je ne peux pas l’expliquer parce que je n’ai pas le vocabulaire pour le faire et parce que, de toute façon, ce que je dirais n’aurait pas de sens. Mais j’ai besoin de ce combat. Désespérément.

J’ai besoin de te détester pour le moment, et j’ai besoin que tu y survives. J’ai besoin que tu survives au fait que je te haïsse et que tu me haïsses.

J’ai besoin de ce conflit, même si je le hais. Peu importe ce sur quoi nous sommes en conflit : l’heure du coucher, les devoirs, le linge sale, ma chambre en désordre, sortir, rester à la maison, partir de la maison, ne pas partir, la vie de famille, petit(e) ami(e), pas d’amis, mauvaises fréquentations. Peu importe. J’ai besoin de me battre avec toi au sujet de ces choses et j’ai besoin que tu t’opposes à moi en retour.

J’ai désespérément besoin que tu tiennes l’autre extrémité de la corde. Que tu t’y accroches fermement pendant que je tire de mon côté, que je tente de trouver des appuis dans ce nouveau monde auquel je sens que j’appartiens.

Avant, je savais qui j’étais, qui tu étais, qui nous étions. Mais maintenant, je ne sais plus.

En ce moment, je cherche mes limites et, parfois je ne peux les trouver qu’en te poussant à bout. Repousser les limites me permet de les découvrir. Alors je me sens exister, et pendant une minute je peux respirer.

Je sais que tu te rappelles l’enfant doux que j’étais. Je le sais, parce que cet enfant me manque aussi et, parfois, cette nostalgie est ce qu’il y a de plus pénible pour moi.

J’ai besoin de ce combat et de constater que, peu importe combien terribles ou exagérés sont mes sentiments, ils ne nous détruiront ni toi, ni moi. Je veux que tu m’aimes même quand je donne le pire de moi-même, même quand il semble que je ne t’aime pas. J’ai besoin maintenant que tu t’aimes toi et que tu m’aimes moi, pour nous deux.

Je sais que ça craint de ne pas être aimé et d’être étiqueté comme étant le méchant. Je ressens la même chose à l’intérieur mais j’ai besoin que tu le tolères et que tu obtiennes de l’aide d’autres adultes. Parce que, moi, je ne peux pas t’aider pour le moment. Si tu veux te réunir avec tes amis adultes et former un « groupe de soutien pour survivre à la fureur de votre adolescent », c’est ok pour moi. Ou parler de moi derrière mon dos, je m’en fiche. Seulement ne m’abandonne pas. N’abandonne pas ce combat. J’en ai besoin.

C’est ce conflit qui va m’apprendre que mon ombre n’est pas plus grande que ma lumière. C’est ce conflit qui va m’apprendre que des sentiments négatifs ne signifient pas la fin d’une relation. C’est ce conflit qui va m’apprendre à m’écouter moi-même, quand bien même cela pourrait décevoir les autres.

Et ce conflit particulier prendra fin. Comme tout orage, il se calmera. Et je vais l’oublier, et tu l’oublieras. Et puis il reviendra. Et j’aurai besoin que tu t’accroches de nouveau à la corde. J’en aurai besoin encore et encore, pendant des années.

Je sais qu’il n’y a rien de satisfaisant pour toi dans ce rôle. Je sais que je ne te remercierai jamais probablement pour ça, ou même que je ne reconnaîtrai jamais le rôle que tu as tenu. En fait, pour tout cela, je vais probablement te critiquer. Il semblera que rien de ce que tu ne fais ne soit jamais assez. Et pourtant, je m’appuie entièrement sur ta capacité à rester dans ce conflit. Peu importe à quel point je m’oppose, peu importe combien je boude. Peu importe à quel point je m’enferme dans le silence.

S’il te plaît, accroche-toi à l’autre extrémité de la corde. Et sache que tu fais le travail le plus important que quelqu’un puisse faire pour moi en ce moment.

Avec amour,

ton adolescent. »

© 2024 Renaud Perronnet. Tous droits réservés

Illustration :

Adolescence, par Rolando Duartes.

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2 Commentaires
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Violette

Je n’ai pas d’enfant donc pas d’enfant adolescent. J’ai donc lu cette lettre en me demandant si elle allait “me parler” en tant qu’ancienne ado, si elle allait faire résonner en moi mon passé d’enfant / adolescente, ce que j’avais pu ressentir, comme c’est le cas pour la personne du commentaire précédent. Réponse : pas du tout. Rien. Je lis, et tous les mots tombent à plat. Les sentiments évoqués (sorte d’appel à ce que le parent soit assez fort/solide/aimant pour rester dans la relation coûte que coûte, quoi que je fasse) me sont étrangers. Je n’ai jamais souhaité cela… Lire la suite »

Azi

C’est une lettre magnifique, que j’aurais voulu écrire et que j’aurais eu besoin qu’un de mes parents lisent.