Illusion et toxicité dans la relation amoureuse

Question posée par @fred :

Soucieuse d’opérer une nécessaire remise en question, j’aimerais savoir comment réussir à définir la toxicité d’une relation amoureuse. Se fier à ses ressentis à ce sujet est-il suffisant où existe-t-il des éléments probants à prendre en considération, notamment quand l’autre pointe du doigt certaines de nos blessures ou faiblesses et qu’il semble avoir du mal à sortir du focus qu’il fait sur notre mode de fonctionnement.

Par avance merci.

Mes pistes de réponse :

Dans la relation amoureuse, la difficulté commence avec notre égocentrisme, quand nous souhaitons que l’autre soit avec nous comme nous le souhaitons.

Comprenez qu’il est nécessairement injuste pour l’autre de le vouloir comme nous souhaitons qu’il soit puisque chacun ne peut être que comme il est. Vouloir l’autre comme on a besoin qu’il soit, c’est le mettre en laisse (origine de votre salutaire remise en question).

La toxicité commence donc au moment où nous voulons que l’autre soit comme nous pensons avoir besoin qu’il soit.

A pointer certaines de vos blessures ou faiblesses, votre compagnon vous montre qu’il croit faire un acte d’amour puisqu’il vous aime… à condition que vous ne soyez pas celle que vous êtes, donc à condition que vous réagissiez différemment des manières dont vous réagissez à ses sollicitations. Autrement dit ce n’est pas vous qu’il aime mais l’image qu’il projette sur vous.

L’amour commence à partir de l’acceptation de l’autre tel qu’il est, il devient un véritable défi pour nous quand nous n’apprécions pas chez l’autre certains de ses comportements.

L’amour commence avec la tolérance et continue avec l’ouverture, malgré ce qui ne nous plait pas chez l’autre.

Un amoureux qui ne peut pas faire autrement que de mettre sur vous le focus sur ce qui ne lui plaît pas chez vous est un amoureux qui est en passe de remplacer son amour pour vous par du désamour (qui peut mener à la haine). Il rejette vos particularités au profit de ce qu’il pense qu’il faut que vous soyez pour lui. À vous lire, il s’y prend même tellement maladroitement avec vous que plutôt que de vous aider à vous détendre, (ce sont vos propres souffrances qui vous obligent à vous tendre), il participe à votre culpabilité contre vous-même.

Dans la relation amoureuse, le plus souvent, les hommes comme les femmes recherchent l’alter ego, ce qui revient à dire leur propre double. Étant donné que ce double n’existe pour personne, étant donné que l’autre est nécessairement un autre, donc qu’il ne sera jamais un moi-même, toute relation amoureuse aveugle va devoir, tôt ou tard, perdre son illusion fondatrice : l’autre n’est pas vraiment ce que je pensais qu’il (elle) était.

C’est quand ils découvrent pour la première fois leurs différences que les êtres humains amoureux l’un de l’autre ont l’impression d’être trahis par l’autre : s’étant imaginés avoir rencontré l’alter ego, ils déchantent et, au fur et à mesure qu’ils déchantent, ils apprennent à désaimer celui ou celle qu’ils avaient cru aimer.

Cela peut donner des scénarios particulièrement mortifères pour les deux parties quand, dans l’espoir de continuer d’être aimé par l’autre, certain(e)s refoulent leurs propres besoins en même temps qu’ils (elles) en rendent l’autre responsable. C’est là un véritable poison pour la relation amoureuse qui peut perdurer ainsi dans la confusion et le déchirement pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que l’une des deux parties ose prendre la responsabilité de ce qu’elle veut et de ce qui ne lui convient plus.

Dans leur narcissisme et leur incapacité à se remettre elles-mêmes en cause, les personnes qui se disent déçues par l’autre l’accusent d’avoir changé, elles crient à l’injustice et à la trahison (le fameux « avant tu n’étais pas comme ça ! ») et c’est ainsi que peu à peu le désamour grandit, laissant la place au ressentiment permanent.

L’alternative à ces comportements c’est d’apprendre à aimer l’autre tel qu’il est dans le relatif, donc avec ses « qualités » bien sûr (ce qui nous convient), mais aussi ses « défauts » (ce qui ne nous convient pas.) Cela n’est rendu possible qu’à celui ou à celle qui a appris à se respecter c’est-à-dire à ne pas se juger de se sentir être comme il (elle) est.

Car celui ou celle qui prétend aimer l’autre sur la base d’un désamour de lui-même se condamne à l’échec parce que son désamour de lui-même le condamne à chercher à l’extérieur de lui-même ce qu’il ne peut trouver en vérité qu’à l’intérieur, sa propre réhabilitation dont il (elle) est responsable.

À l’inverse, l’amour est rendu possible à celui ou à celle qui – en équilibre avec lui ou elle-même – ne cherche pas à l’extérieur l’équilibre qu’il (elle) a déjà trouvé à l’intérieur.

La personne qui ne cherche plus l’équilibre qu’elle a déjà trouvé à l’intérieur d’elle-même, est bien moins exigeante vis-à-vis de l’autre dans la relation amoureuse, en ce sens qu’elle attend beaucoup moins de cet autre. Ce sont nos besoins frustrés qui nous rendent l’autre parfois insupportable.

Pour reprendre votre mot, on pourrait dire que pour se sentir aimé(e), il ne faut pas se sentir réduit(e) au focus de l’autre. La condition pour ne pas vous sentir réduite au focus de l’autre qui projette ses besoins sur vous, c’est de vous sentir vous-même libre et indépendante, donc de ne plus courir le risque de vous sentir n’être que de la nourriture pour votre compagnon.

Pour pouvoir aimer un autre, il faut préalablement devenir capable d’aller au-delà de ce focus possible de l’autre. Le meilleur moyen d’en être capable c’est d’élargir son ego de manière à ne plus se sentir blessé par l’éventuelle demande de focus de l’autre, c’est alors – parce que vous aurez le cœur ouvert donc que vous aimerez l’autre malgré certains de ses comportements – que ce focus ne risquera pas d’être un piège pour vous.

À moins de vous fier à votre ressenti qui vous permettra sans doute de trouver un autre « autre » moins jugeant.

© 2024 Renaud Perronnet. Tous droits réservés.

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