Enfermements

La plupart du temps nous sommes enfermés, murés à l’intérieur de nous-mêmes, incapables d’en sortir, incapables d’envisager que la réalité puisse être différente de celle que nous pensons voir, incapables d’envisager que les autres puissent avoir une sensibilité, un point de vue différent du nôtre.

En fait nous sommes souvent ignorants, comme cet homme qui – dans la pénombre – prend une corde pour un serpent.

Une simple corde le terrorise car il ne voit pas les choses telles qu’elles sont et ne met pas en doute ce à quoi sur le moment il croit dur comme fer : il y a un serpent devant chez lui.

Les trois histoires qui vont suivre ont ceci en commun qu’elles nous font sentir avec humour l’absurdité de cet enfermement. Peut-être peuvent-elles nous aider à prendre conscience de notre ignorance, du manque de fiabilité de nos sens et de notre partialité ?

Dans une grande prison, un nouveau pensionnaire vient d’arriver. Les anciens l’entourent et l’interrogent :

−     Pourquoi es-tu ici ?

−     J’ai piqué trois cent mille euros dans la caisse de l’usine où je bossais.

−     Et qu’est-ce que tu as fait de tout ce pognon ?

−     Eh bien, j’en ai dépensé la moitié à m’amuser : les boîtes de nuit, les nanas ravissantes…

−     Et le reste ?

−     Ah, je l’ai claqué de façon idiote.

« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà », disait Pascal. Ce qui est vrai pour l’un est faux pour l’autre. Montaigne quant à lui affirmait : « Chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage. »

Pour cet homme, claquer son argent à s’amuser dans des boîtes de nuit avec des femmes, c’est la façon la plus utile et intelligente de le dépenser, le dépenser autrement à ce que certains appelleraient « les choses sérieuses » lui semble idiot.

Un jeune garçon, qui cherche à travailler, s’est laissé dire qu’il pourrait trouver quelque chose sur un chantier à l’entrée de la ville. Il s’y rend sans perdre de temps et va trouver le contremaître à qui il demande s’il peut se faire embaucher. L’autre le dévisage et remarque :

–     Dis donc, tu ne pourrais pas enlever ton béret ?!

–     Ah ! vous embauchez d’après la forme de la tête ?

Là, encore, il y a malentendu parce que chacun vit enfermé dans son monde. Ce garçon qui ne connaît manifestement pas les règles de la politesse pense que si son futur employeur lui demande de retirer son béret, ce ne peut être que parce qu’il veut examiner son crâne ! On peut s’interroger sur la manière dont le contremaitre va – à son tour – interpréter sa réaction. Va-t-il le comprendre ou penser qu’il se moque de lui ?

La femme d’un fou fait le ménage. Par erreur, elle repose le vase qu’elle vient d’épousseter à l’envers sur la cheminée. Le fou arrive et s’approche du vase :

−     Tiens, dit-il, c’est extraordinaire, ce vase n’a pas d’ouverture en haut.

Il le retourne et s’exclame :

−     De plus en plus extraordinaire, il n’a pas de fond non plus.

Chacun interprète les choses à partir de l’idée qu’il en a. Cette histoire est fascinante parce qu’elle tourne en rond dans une logique implacable. Cet homme a bien reconnu qu’il s’agissait d’un vase mais plutôt que de le remettre à l’endroit (donc d’arrêter de penser à l’envers) et parce qu’il est enfermé dans ses certitudes, il préfère s’étonner devant un vase sans ouverture… et sans fond.

Nous ressemblons à ce fou quand – enfermés dans notre monde – nous croyons à ce qu’en fait nous créons de toutes pièces, persuadés de détenir la vérité et incapables de nous mettre en question.

Crédits :

Trois amies s’enferment, merci à Bruce Krebs.

© 2015 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés. 


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Marie

En fait, c’est sa mauvaise vision qu’il faut changer, on a appris d’une certaine façon pour être aimée (ego) quand on est petit pour survivre quand on est adulte on apprend que ce qu’on nous a appris n’est pas forcément bon c’est ça la lucidité ne pas rester enfermer avec nos mauvaises lunettes. Ça me fait penser aux pièces de théâtre qui sont remplies de plein de quiproquo c’est très drôle.

Sandra FIGLIUZZI

J’aime beaucoup le dessin qui précède l’article car j’y vois une femme qui change de position et qui pourtant s’enferme …

Charlotte

Jai fait 3 mois de formation en communication et les intervenants nous ont placé devant cet inévitable evidence dés le début ! Autour d’une petite histoire…sur 8 personnes, 6 l’ont interpretee différemment et cela nous percute de plein fouet. Dès lors, on se rend compte que les préjugés, l’interprétation, la non communication amènent à l’agressivité, l’intolérance, l’incompréhension et…a l’enfermement !!!!! Merci à cet article savoureux et ultime qui devrait permettre à chacun d’essayer de s’accorder ! Un doux rêve ???!! 😉

Catherine

Bonjour, je ne pense pas être enfermée, j’aime au contraire connaître les idées des uns et des autres, en discuter, prendre position aussi, essayer de comprendre, dire également que je ne suis pas d’accord, on ne peux pas être d’accord avec toutes les idées et les formatages des uns et des autres, mais on peut écouter. C’est ce qui s’appelle communiquer non ? Il ne faut pas non plus s’enfermer en s’interdisant toutes pensées qui iraient à l’encontre des autres pensées, on peut le dire, faire passer son point de vue, mais pas l’ asséner à coup de marteau, allez… Lire la suite »

Agnès

Voilà encore un article très éclairant. Finalement il faut pour vivre mieux ensemble une volonté de nous “élever” ? Jai le sentiment que tout revient à la spiritualité : nous nous “désenfermons” si nous voulons vivre bien avec nous même pour vivre bien avec les autres…. Tout cela revient à la “conscience ” des choses et une volonté. Puis le travail sur soi très souvent bien long. Merci pour vos mots du lundi matin.

agnes

En effet. J’ai mis des années (trop à mon goût) à comprendre ce mécanisme de l’ego…. Etait-ce de la résistance ? J’aime bien l’exercice du zoom arrière. Merci.

Marie

Merci pour ce commentaire, ça m’aide. En fait, je n’ai pas confiance en moi car je ne me donne aucun droit à l’erreur du coup j’essaie de convaincre les autres pour être sûre de moi alors que si j’essayais d’être plus douce avec moi et accepter que je peux me tromper je crois que je me sentirais mieux mais souvent ce qui a été enregistrée en moi refait surface. Je crois que je vais travailler ça.

Annie

Et même si nous nous pensons très ouverts à l’autre, nous nous surprenons à penser “réducteur” d’une façon spontanée quelquefois. Nous avons été formatés avec des préjugés, et notre mission est de nous apprivoiser nous-même. Bon courage à tous.

Marie

Je trouve cela intéressant, moi je reste enfermée car je n’ai pas encore réussi à avoir assez confiance au parent qui est en moi pour rassurer mon enfant. La confiance est une chose importante, qui met du temps à acquérir je trouve, pour enfin sortir de l’enfermement.
En fait, on voit les choses mais on continue à foncer dedans au lieu d’abdiquer, pour aller mieux, comme si on voulait continuer à mettre des œillères pour ne pas voir, imposer sa façon de voir.