à propos des secrets de famille

Question de @mary :

Ma mère âgée de 90 ans m’a dit récemment qu’elle a un terrible secret sur sa famille dont elle ne nous a jamais parlé. Dois-je la pousser a se confier, pour ne pas peser sur les nouvelles générations par exemple, ou dois-je laisser ce secret à jamais voilé ?

Mes pistes de réponse :

C’est le plus souvent par inconscience des risques encourus qu’une personne consent à recevoir un secret d’une autre personne.
A contrario, révéler un secret de famille, est un acte courageux de la part d’un être qui ne consent plus à demeurer l’otage d’un autre.

J’ai le sentiment que vous vous donnez une responsabilité qui n’est pas la vôtre : le secret de votre mère pèse avant tout sur elle, il est comme un deuil indicible qu’elle a enfoui à l’intérieur d’elle-même comme on enfouirait un fantôme, et qui la hante depuis de longues années. Ce qu’elle vous a dit vous montre qu’elle ressent le besoin de parler, elle n’attend donc que votre écoute pour se soulager. Il ne vous reste plus qu’à l’accueillir avec simplicité et ouverture dans ce qu’elle a à vous dire afin que cela soit enfin su par l’ensemble de votre famille. Prenez garde à ne pas consentir au secret, si elle vous le demandait, vous en deviendriez prisonnière à votre tour.
Les secrets sont à coup sûr des non-dits pathogènes (perte, injustice, crime, inceste, bâtardise) qui ne peuvent que produire de l’angoisse chez ceux qui les gardent plutôt que de les révéler. Ils produisent des morts non enterrés, des fantômes, qui poursuivent leur œuvre en silence en hantant les vivants qui ne parviennent pas à comprendre pourquoi ils vivent ce qu’ils vivent. Ils peuvent ainsi se transmettre de l’inconscient d’un parent à l’inconscient d’un enfant en pesant sur des générations successives.
En écoutant votre mère, vous lui permettrez – sans doute – de pondérer ses angoisses, ce faisant, vous contribuerez certainement, au soir de sa vie, à l’aider à partir en paix.
Et comme vous le pressentez vous même, vous permettrez aussi aux générations successives de ne pas demeurer hantées par des fantômes.
Être dépositaire d’un secret est le plus souvent mortifère, s’en libérer c’est s’ouvrir à la vie qui ne s’attarde pas avec hier. Se libérer d’un secret c’est se libérer d’un poids, d’un mort, c’est le révéler en le parlant afin de l’identifier consciemment. Le démasquer c’est le dire puisque sa force ne réside que dans la manière dont nous allons implicitement l’approuver à travers notre silence.

Comme l’écrivaient dans L’écorce et le noyau, les psychanalystes Nicolas Abraham et Maria Török, qui ont été les premiers à poser la question de la transmission psychique transgénérationnelle :

« Dans le ventre de la crypte se tiennent indicibles, pareils aux hiboux dans une vigilance sans relâche, des mots enterrés vifs. Tous les mots qui n’auront pu être dits, toutes les scènes qui n’auront pu être remémorées, toutes les larmes qui n’auront pu être versées. »

Pour aller plus loin, vous pouvez lire : Comment parvenir à guérir de son enfance ?

  • Mary dit :

    Merci pour votre réponse je me sens désormais plus a même d apporter une réponse juste à cette situation.

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