Rien ne demeure

Et puis nous autres sottement craignons une espèce de mort, là où nous en avons déjà passé et en passons tant d’autres. Car non seulement, comme disait Héraclite, la mort du feu est génération de l’air, et la mort de l’air génération de l’eau, mais encore plus manifestement le pouvons-nous voir de nous-mêmes. La fleur d’âge se meurt et passe quand la vieillesse survient, et la jeunesse se termine en fleur d’âge d’homme fait, l’enfance en la jeunesse, et le premier âge meurt en l’enfance, et le jour d’hier meurt en celui d’aujourd’hui, et le jourd’hui mourra en celui de demain ; et n’y a rien qui demeure ni qui soit toujours un.

Michel de Montaigne, Essais