L’homme, l’animal et le monde tel qu’il va

« Depuis plusieurs décennies, l’éthologie prouve qu’aucun de ces fameux attributs dont l’homme prétend posséder l’exclusif apanage ne lui est absolument propre. Que certains animaux ont aussi, à leur manière, à un autre degré, ce que nous appelons la conscience, la raison, la moralité, la culture. »

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, L’Éthique animale, PUF, 2011

Je me souviens que petit enfant, je me faisais régulièrement ridiculiser par mon père, sous le mauvais prétexte que – selon lui – ma sensibilité était trop exacerbée.

En marchant dans la forêt, je prenais soin de ne pas écraser une fourmi ; dans une chambre j’attrapais délicatement une araignée pour la sortir par la fenêtre. Mon père trouvait plus simple de l’écraser, je me précipitais pour la sauver.

Cela donnait lieu à des disputes entre nous, disputes qui ne m’ont jamais empêché de conserver, au fond de ma conscience d’enfant, une légitimité pour les comportements qui étaient les miens. Même s’ils étaient jugés, j’ai toujours su, intérieurement, que « je faisais ce que j’avais à faire. »

La Dr Jane Goodal est une éthologue et anthropologue britannique, messager de la paix de l’ONU, dont les travaux ont profondément transformé la compréhension des rapports entre les êtres humains et les animaux. Dans les années 60, elle a été la première à avoir observé et rapporté qu’un animal (en l’occurrence le chimpanzé) pouvait utiliser des outils pour s’approprier sa nourriture.
Je me souviens du tollé que ses travaux ont suscité à l’époque, qui remettaient en cause la certitude, vécue souvent avec hauteur et condescendance, de l’inexistence de l’intelligence animale, privilège soi-disant exclusif de l’homo sapiens, pour la plupart des scientifiques de l’époque.
On peut dire aujourd’hui que l’ensemble des travaux de Jane Goodal a permis d’estomper considérablement l’étanchéité de la frontière qui avait été mise entre l’animal et l’homme. Jane Goodal nous propose véritablement une nouvelle manière de voir et de penser notre relation à la nature et au monde.
Ce faisant – et cela est essentiel – elle nous invite à renouveler complètement notre relation au vivant par l’intermédiaire de l’émerveillement.
Un petit enfant – pour peu qu’on le laisse tranquille – peut facilement rester de longs moments à observer un insecte qui se déplace dans l’herbe ou une goutte d’eau qui scintille sur une vitre au soleil.
Ce sont là des comportements parfaitement sains, justes et naturels, n’en déplaisent aux éducateurs ironiques et jugeant, à la sensibilité émoussée, qui ne savent pas les apprécier pour ce qu’ils sont. Ce sont ces comportements-là qui, si nous prenons exemple sur eux, réhabiliteront en nous notre propension à « l’étonnement », à l’origine de tout questionnement philosophique sur la vie.
Sans étonnement, pas de questionnements donc pas de ravissement et beaucoup de certitudes péremptoires et de préjugés jamais remis en cause.

Comme cette charmante vieille dame de bientôt 90 ans, faisons confiance à notre sensibilité qui nous met au monde, plus besoin de honte, ni de souci du regard de l’autre, osons être nous-mêmes et laisser nos enfants être qui ils sont, comme ils le sentent, dans leur relation à l’univers, aux autres et en particulier aux animaux et à la nature.

Jane Goodal échange ici avec aise et spontanéité avec son vieil ami le moine bouddhiste Matthieu Ricard qui manifestement l’admire et l’apprécie infiniment. Il piaffe d’impatience pour lui répondre et partage avec nous de multiples anecdotes et statistiques à même de nous faire réfléchir.

Alors, si vous vous laissez tenter, cliquez sur la vidéo de cet échange ci-dessous, organisé par le Jane Goodall Institute France et Karuna-Shechen, ONG fondée par Matthieu Ricard.  Si vous ne parlez pas anglais, vous avez les sous-titres en français, cette vidéo dure 52’ et touche avec simplicité et bonne humeur à des points essentiels de notre relation au monde.

Avec la crise climatique et la disparition des écosystèmes – même si les êtres humains font preuve d’une intelligence remarquable – ils ont raté l’occasion d’agir avec sagesse. Mais souvenez-vous que comme se plait à nous le répéter Jane Goodal, cela ne doit pas nous faire renoncer à l’espoir : « Hope a necessary commitment. »

L’espoir est un engagement nécessaire !

RP


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Elo

un grand merci pour le partage de cet échange entre Jane Goodall et Matthieu Ricard