Humilité

Il est intéressant de noter que le mot humilité (comme humiliation d’ailleurs) appartient à la même famille que le mot homme. Étymologiquement l’homme (du latin homo) est celui qui vient de l’humus donc de la terre, par opposition aux dieux qui ne sont pas des « terriens ».

Ainsi l’homme est humble en ce qu’il reste à sa « juste place », entre deux extrêmes : le trop et le trop peu.

Le « trop » parle du prétentieux, de celui qui se prend pour ce qu’il n’est pas (un dieu ?), de celui qui – parce qu’il se sent supérieur – se permet d’humilier l’autre en le rabaissant. Le prétentieux n’est pas en possession de lui-même, il n’a donc pas d’autre choix que d’inférioriser les autres pour se sentir exister. Il existe même à la mesure du pouvoir qu’il a sur les autres et abuse de ce pouvoir.

Le « trop peu » parle de la fausse humilité de celui qui – sans doute parce qu’il a été humilié par ses parents ou ses éducateurs dans la petite enfance – se sent inférieur.

En fait – parce qu’il a peur d’exister, peur de se déployer, peur de ses besoins d’être humain (et qu’il n’est donc pas non plus en possession de lui-même) – il est en manque. Se croyant inférieur, il pense que l’autre est le seul à pouvoir le faire grandir, et se conduit donc en mendiant.

Mû par la croyance de son insuffisance, il s’abaisse volontairement dans l’espoir d’obtenir une gratification en retour et envie secrètement le pouvoir. Son attitude est hypocrite : il baisse le regard avec componction, fait des sourires et s’exprime avec affectation.

Comme le disait Pascal : « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »

Entre le trop et le trop peu se trouve la place de l’homme véritable, de « l’homme humble » qui – parce qu’il ne se prend pas pour le nombril du monde – fait peu de cas de son égo (le moi qui mesure les choses à l’aune de son individualité.)

L’homme humble est conscient de son ignorance et de son incomplétude, il ne cherche donc jamais à être parfait. Il s’accommode de ce qu’il est comme de ce qui est et – parce qu’il est réconcilié avec lui-même et le monde (qu’il est donc en possession de lui-même) – se déploie.

La vraie humilité n’est donc pas un état mais une pratique permanente entre le trop et le trop peu.

Comment s’y prendre dans une relation de couple ou de travail par exemple, entre la fausse humilité de la victime et la supériorité du bourreau ?

C’est à chaque instant que « l’homme humble » trouve et mesure son équilibre dont il sait qu’il ne peut jamais être définitivement acquis.

Et c’est à cet endroit-là, à cette « juste place » entre « savoir se défendre » et « savoir se taire », entre supériorité et infériorité, que sa véritable grandeur se révèle.

Crédits :

(Merci à Philippe Geluck pour l’illustration.)

© 2015 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés. 


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Tiny

Merci Monsieur Perronnet pour ce partage…. j’avais fait le même constat : que l’humilité qui est une des vertus indispensable à l’éveil spirituel ne nous rattache à rien de divin/céleste mais bien au contraire au terrestre. Je suis dans cette recherche de nuance (qui est d’ailleurs bien fastidieuse)… mais je n’ai jamais fait le lien du trop peu… de l’humilité bien que je ne me considère pas du tout comme humble. Y a qu’à voir mon pseudo pour voir que je suis encore en mode mendiante et j’aimerai mais j’arrive pas à apaiser mon ego. Je ne voyais que le… Lire la suite »

Scellier

Ne serait-ce pas plus exact d’écrire: “son égo (le moi qui mesure les choses à l’aune de” sa personnalité (et non de “son individualité”)?

delphine

L’expression “se comporter en mendiant” m’a déplu à première lecture, puis je me suis aperçue que ces mots faisaient exactement la description de mon comportement, il y a quelques années, envers une personne que j’idéalisais… et qui a failli me détruire car perverse.
Mais bon nous sommes tous des “mendiants d’amour”, en attente d’un “like” ou d’un mot sur notre messagerie… il faut avoir l’humilité de le reconnaître.

marie

Moi aussi, j’ai grandi en pensant n’avoir aucune valeur, c’est ce qui m’a conduit vers un pervers. Après, le chemin est difficile, il faut se valoriser tout(e), seul(e), il faut trouver et poser ces limites qui n’existaient pas ou si peu. Trouver un équilibre juste d’humilité, je trouve cela très bien dit. Accepter que l’imperfection, ce n’est pas la non-valeur, c’est l’humanité.
Merci pour toutes ces réflexions qui font avancer.

Jocelyne

l’être humain est sans cesse en quête d’amour, de reconnaissance, Nous pensons que notre Bonheur on va le trouver dans le regard de l’autre, alors qu’il est en nous et pas ailleurs. Si l’estime de soi n’est pas à sa juste valeur à nos yeux, alors on va chercher dans les autres ce que nous pensons que nous n’avons pas. Mon seul petit regret, est que jai trouvé ma valeur par des chemins difficile, un peu sur le tard, mais là je l’ai bien trouvée et j’aide d’autres personnes à trouver la leur.. Le Bonheur est difficile à trouver en… Lire la suite »

Jocelyne

Merci, le contenu de ce texte ressemble à mon histoire personnelle. Etre humiliée par des mots qui briment ton envol dans la vie, comme « tu n’es pas capable » des mots de moqueries parce que tu es différente physiquement, bloque ton épanouissement. Donc, tu grandis avec la certitude que tu n’as pas de valeur, de potentiel. Puis un jour ce que tu vois comme faiblesse, humiliation, devient ta force, tu arrives à briser ta coquille de honte et te voilà sur la route de découvertes de tout ce qui t’habite vraiment et qui fait de moi un être humain… Lire la suite »

Mathilde

Merci Renaud pour cette réflexion que je trouve à la fois très juste et très pratique. En effet, puisque l’humilité c’est un équilibre dynamique, il suffit, pour être humble, de se sentir “à peu près dedans” pour y être. Du coup inutile de se fatiguer à chercher à être humble, ce qui est prétentieux d’ailleurs, il suffit d’être à l’écoute de son ressenti : alors on entendra le signal qui nous dit qu’on s’approche de la limite, et on restera naturellement dans notre “espace de liberté”, au-dessus du trop peu et en-dessous du trop. Finalement l’humilité c’est un peu ce… Lire la suite »

Pascale

Une fois de plus, merci Renaud pour ce bel article sur un sujet qui me “préoccupe” particulièrement depuis assez longtemps, bien consciente que je suis de mes imperfections, mais aussi de plus en plus de mes forces et de mes qualités. Tu exprimes très justement avec des mots simples où se situe le “travail” et je m’en servirai, crois moi… je suis déjà en chemin.