Être Charlie

De retour du rassemblement organisé à Colmar ce 11 janvier 2015, en hommage aux 17 personnes tuées en trois jours dans les attentats, la formule de Martin Luther King « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots » nous a semblé plus que jamais d’actualité.

Pour « vivre ensemble comme des frères », il nous faut utiliser notre intelligence pour nous souvenir que ce n’est pas l’homme qui est (parfois) notre ennemi mais son comportement.

Pour ne pas nous tromper de cible, veillons à ne pas confondre l’homme avec le « loup en l’homme », en ayant constamment à l’esprit que le feu de la haine ne pourra jamais s’éteindre par la haine.

Ne pas manifester à l’extérieur notre haine de l’autre, c’est commencer par ne pas attiser cette haine en nous. Il s’agit de reconnaître en nous ces aspects de nous-mêmes qui – face à la violence et à l’horreur – peuvent se sentir submergés par la colère, la tristesse et la haine, pour les accueillir. Accepter notre impuissance, accepter de ne pas pouvoir donner du sens à des actes qui nous dépassent, accepter de nous sentir émus, perdus, furieux.

Ce qui revient à accepter de nous regarder en face pour nous réconcilier d’abord avec nous-mêmes et avec notre souffrance.

Comme le disait G.I. Gurdjieff :

« Tout individu qui vient sur terre se voit confier la garde d’un loup et d’un agneau.

A la fin de sa vie, il doit rendre ceux-ci intacts :

– Sans que le loup ait mangé l’agneau.

– Sans qu’il ait tué le loup pour l’empêcher de manger l’agneau. »

Pour pouvoir rendre intacts le loup et l’agneau à la fin de sa vie, il faut avoir osé – dans son existence – accueillir en soi avec bienveillance ses émotions – quelles qu’elles soient. C’est le seul moyen d’éviter qu’elles ne débordent à l’extérieur ; et que le loup ne mange l’agneau (notre part de vulnérabilité, notre capacité à garder le cœur ouvert), ce qui nous rendrait durs et insensibles.

Mais tuer le loup, serait tuer la force dont nous avons besoin pour vivre dignement debout.

« Être Charlie » c’est garder cet équilibre.

© 2015 Renaud & Hélène PERRONNET Tous droits réservés.


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Marie

Votre article me fait penser à l’article que vous aviez écrit comprendre l’autre sans pour autant être d’accord. J’ai mis du temps mais j’ai enfin compris, on peut comprendre les actes d’une personne sans pour autant être d’accord avec lui. Et je pense que parfois il faut réussir à dépasser sa haine pour ne pas y rester accrocher et que celle-ci devienne un cercle vicieux.

Pierre Panel

Je suis Charlie parce que je pleure sur nos concitoyens juifs victimes innocentes, Je suis Charlie parce que je pleure sur nos concitoyens policiers victimes de veiller sur notre fragile capacité à vivre ensemble, Je suis Charlie parce que je pleure sur les journalistes victimes de la folie meurtrière de quelques uns armés de Kalachnikov et de beaucoup qui appellent et crient au châtiment et à la vengeance, Je suis Charlie parce que je fais le choix d’une marche pacifique et d’une ferveur fraternelle aux cotés de mes concitoyens aux origines et aux convictions religieuses et politiques très diverses, Je… Lire la suite »

Catherine

j’ai lu avec attention votre article, pour ma part, j’ai été complétement pétrifiée à l’annonce de cette fusillade, j’ai reçu cette info comme un coup de massue, comme si on avait assassiné l’esprit de Mai 68, et pourtant, je n’aimais pas tout dans Charlie, il m’est même arrivé de le trouver gonflant et redondant. je ne me suis pas sentie être Charlie, ces jours là, j’avais une peine immense, un grand chagrin que je n’ai pas eu envie de partager dehors dans la foule. Et quand il y a eu la traque et la tuerie de l’hyper cacher, la policière… Lire la suite »

Muriel

Question @ monsieur Perronnet qui écrit : “comme d’habitude avant de juger les personnes, il faudrait savoir ce qui les motive..” Dire à quelqu’un qu’il est dans le jugement n’est-ce pas etre en train de le juger à son tour sans prendre non plus le temps de comprendre ce qui le motive à s’exprimer ainsi? N’est-ce pas condamner à son tour sa réaction à lui? Le fait de réprouver l’action des autres et de le dire est-ce etre mauvais? Dans ce cas, ne sommes-nous pas tous dans le jugement tout le temps? Faut-il pour etre une bonne personne ne jamais… Lire la suite »

Miny Jean-Michel

Quelqu’un qui s’est senti faible dans un rapport de contrainte aura tendance à s’en prendre à son tour à des plus faibles, pour reproduire une logique de domination dont il espérera en tirer à son tour un avantage au détriment d’autrui. La vengeance semble donc une déviance qui nous empêche de développer pleinement notre potentiel humain. En effet réagir n’est pas agir. Dans une situation où chacun est libre de s’exprimer dans des médias qui intéresseront certains et pas d’autres, on peut se positionner soit en accord,en désaccord ou en indifférence, mais punir autrui pour avoir exprimé ce qu’il ressent… Lire la suite »

Muriel

En tout cas, merci à vous pour cet espace de parole serein.

Chrysalide

J’ai trouvé magnifique qu’un élan de solidarité entraine tant de personnes à se rassembler pour la défense de nos valeurs de liberté , et contre les actes odieux qui tentent de les étouffer. Mais je voudrais néanmoins citer une phrase anonyme qui m’a semblé très pertinente: “Liberté et responsabilité sont les deux faces inséparables du même concept. On ne peut posséder l’une sans accepter l’autre. ces deux notions s’équilibrent l’une l’autre, et nous devrions être nombreux à accepter que notre responsabilité personnelle contrebalance l’énorme liberté dont nous jouissons en tant que citoyens d’un pays libre”. Alors : oui à la… Lire la suite »

Muriel

Monsieur Perronet, je viens de lire votre réponse alors que je postais mon précédent commentaire. “Etre Charlie” de la manière dont vous l’exprimer est pour moi, entendable. Malheureusement et c’est ce que je déplore depuis le début de ce débat, nous sommes là dans l’utilisation d’un slogan derrière lequel on peut exprimer beaucoup d’autres choses nettement moins nobles, c’est le propre des slogans et c’est pourquoi avant de les manier avec force, je reste persuadée qu’il faut réfléchir à la portée qu’ils pourront avoir, se poser la question de la haine qu’ils pourraient attiser surtout en ces temps très troublés… Lire la suite »

Muriel

Je pense que personne n’accepte que quelqu’un qui se vexe en arrive a tuer”, il s’agit plutot je crois, de s’interroger sur ce qui peut blesser par des paroles ou des images au point de donner l’envie de vengeance. D’accepter que cela existe et de le considérer calmement en sachant se remettre en cause humblement. Dans tout conflit il y a un point de départ et reconnaitre qu’il puisse etre une simple parole ou image serait déjà un grand pas vers cette humilité et la résolution pacifique du conflit. Malheureusement l’escalade de la violence vient du fait que chacun reste… Lire la suite »

Renaud Perronnet

@ à Marie-Claude, Muriel, Sandra, Bernard, Magali et aux autres… Il est un point important : exprimer sa solidarité avec un faible et un opprimé ne veut pas dire être d’accord avec ce qu’il exprime et je suis persuadé que très nombreux sont ceux qui expriment leur complète solidarité avec les dessinateurs de Charlie sans être pour cela toujours d’accord avec ce qu’ils disent ou dessinent et c’est cela même qui me fait chaud au cœur. Souvenez-vous de cette phrase que l’on prête à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je lutterai… Lire la suite »

Miny Jean-Michel

Sans être bouddhiste, mais sachant combien d’épreuves terribles a surmonté le Dalai Lama, je pense que si il était confronté à une caricature irrespectueuse de sa propre personne, il continuerait de sourire, car il a un coeur gros comme une maison où nous pourrions tous habiter en paix si nous étions capables de nous supporter les uns les autres. Le problème de la porte entre ouverte, c’est que si on accepte que quelqu’un qui se vexe pour un manque de respect en arrive à tuer, bientôt des enfants qui chahutent finiront par se faire brutaliser, et on s’enfoncera dans la… Lire la suite »

Vergnaud

Bonjour,
La réponse est en moi mais c’est “ABC D’UNE SAGESSE” paroles choisies de SVÂMI PRAJNANPAD” qui m’a aidé à la trouver : Acceptez ce qui est même si ce n’est pas la réponse que vous auriez faite. Nous sommes tous différents ;-).

Muriel

Bernard, comme dans de nombreux débats d’opinion, chaque position s’appuie sur des arguments honorables et respectables. Je ne discuterais pas les votres. Et je souris du terme pisse vinaigre que j’interprète comme ces facéties frondeuses de potaches malicieux auxquelles vous faites référence… Cependant: le Maroc, un pays pacifique et accueillant, ami de la France, a refusé de participer au rassemblement en raison des caricatures de son prophète qui se balançaient au-dessus de la foule… Dans ce cas, vous le voyez, pas de terrorisme barbare mais juste tout un pays ami blessé dans son amour-propre… Je me demande: Est-ce que la… Lire la suite »

Bernard

Bonjour Muriel. En fait, le commentaire n’est pas de moi, mais je me sens en résonance avec lui. Et pour répondre à votre question: la rigolade franchouillarde comme vous dites, est une façon de dégonfler les égos, de dire: “arrêtez d’imposer votre vision des choses avec votre “sacré”, vivez-le si vous voulez mais acceptez qu’on ne veuille pas de votre “sacré”. J’ai souligné ceci: “j’ai la liberté et le privilège de tourner en dérision toute institution, toute organisation, toute doctrine et toute idole que je juge ridicule, voire même potentiellement dangereuses pour les libertés ou la dignité humaine.” Dans le… Lire la suite »

Miny Jean-Michel

La frustration, le mépris et un avenir incertain peuvent entraîner certains êtres vers des groupes extrémistes, où ils croient contrôler leur vie mais où ils ne se contrôlent plus eux mêmes en faisant des actes qui ne construisent pas leur projet d’une vie meilleure. Mais qui leur ont été incité pour une compensation illusoire, le manque de considération qu’ils ressentent renforçant leur attrait pour des actes spectaculaires dans des groupes qui veulent se distinguer de façon obsessionnelle ou délirante, dont le rapport avec le contenu d’une idéologie ou le message d’une croyance est loin d’être généreux et désintéressé. La négation… Lire la suite »

Bernard

Une réponse possible: “Dieu est mort, par la faute de la connerie humaine, qui se multiplie plus vite que Ses prophètes. L’idolâtrie du sang est une facilité que la brute se donne pour n’avoir pas à aimer Dieu de tout son cœur. Seul un cœur atrophié ôte la vie d’un cœur qui bat. Plaignons ces vivants-morts qui larronnent les vies que leur Dieu a créées et croient que leur Prophète se nourrit d’une telle moisson. Ils se sont retranchés de la communauté des hommes. Il n’est pas besoin de souhaiter leur mort ; ils le sont déjà. Que le néant… Lire la suite »

Magali

(Tout d’abord vous voudrez bien me pardonner du manque d’accents. Mon systeme japonais ne me permet pas d’en mettre). Votre reaction montre combien est difficile finalement le respect de la liberte d’expression de l’autre. Elle montre aussi quelles en sont les limites il me semble et combien la liberte de l’un peut etre choquante pour l’autre. Et il serait bon de se rappeler dans notre Republique francaise ce fondement essentiel au vivre ensemble. « L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose en effet : « La liberté consiste à pouvoir… Lire la suite »

Muriel

Sandra, je respecte votre position sans la partager. Notamment sur le rire et l’humour qui permettraient tout.. Les religions, on le sait sont de tout temps des sujets délicats. Parce qu’elles touchent à l’intimité de l’etre . Ces journalistes ne méritaient aucunement ce sort horrible mais suggérer que la teneur de leurs dessins contre les religions représente nos valeurs démocratiques m’apparait comme vraiment incroyable… Se “poiler” oui mais pourquoi le faire au détriment de la foi des autres? Est-ce une démarche qui engendre la paix et la tolérance? Comment les boudhistes se sentiraient-ils s’ils trouvaient à la une des journaux… Lire la suite »

Sandra FIGLIUZZI

Muriel, Je suis désolée si mes propos vous ont choquée, ce n’était nullement le but. J’ai hésité à vous répondre mais je ne peux laisser mes dires être interprétés de la sorte car il s’agit de votre interprétation. J’ai un profond respect pour ceux qui sont dans une démarche spirituelle comme j’ai un profond respect pour ceux qui risquent leur vie ( et parfois la perdent en laissant des orphelins et des veuves ) pour défendre notre liberté. Ce ne sont pas les humoristes qui sont à l’origine des massacres quotidiens perpétrés au nom de l’amour, ils renvoient une image… Lire la suite »

Sandra FIGLIUZZI

Je suis allée à la marche dimanche, à Mulhouse. J’ai été touchée par l’aspect solennel du moment: pas de slogan, pas de cri, pas de revendication. Ce qui m’a aussi frappé c’est d’y voir très peu de jeunes et très peu de personnes d’origines étrangères alors qu’à Mulhouse plus de cent trente nationalités se côtoient. Avant d’y aller je me suis demandée pourquoi j’y allais et je sais pourquoi: parce que la liberté d’expression est un bien trop précieux pour tergiverser, parce que jeune, je me suis franchement poilée en lisant certains articles de Charlie hebdo et que c’est peut-être… Lire la suite »

Muriel

Je suis sensible à ce dernier message monsieur Perronnet, je vais comme souvent après passage ici, le méditer. J’essaye de ne pas etre dans le jugement, je ne crois pas qu’une réaction (je ne dis pas débordement) émotionnelle demande à etre jugée mais simplement reconnue en tant que telle et c’était le sens de mon propos. On peut avoir et émettre un avis sur un phénomène de société et ses conséquences possibles sans apparaitre comme créateur de polémique, simplement pour partager un autre regard sur le sujet, et accueillir des avis opposés et intéressants. Je me sens en paix dans… Lire la suite »

Muriel

Scander des slogans dans les rues et se rassurer en se rassemblant par millions n’est pas pour moi un signe d’évolution vers l’unité intérieure ou l’harmonie avec l’autre. Ce mouvement de masse m’apparait davantage comme une pulsion réactionnelle, émotive et confuse à des évènements violents et traumatisants. S’appuyer sur ce spasme plus instinctif que réfléchi d’une population pour croire en un réel progrès des consciences et des solidarités me semble complètement utopique.
Bien à vous.

FxB | fxbenard

Pour prolonger la discussion, je vous recommande la lecture de cet article sur le loup et l’Islam du philosophe Abdenour Bidar http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html

Les loups et agneaux sont à tous les niveaux de la vie !

Miny Jean-Michel

Nous sommes tous différents et provisoires. C’est avec les autres qu’on évolue et progresse. La diversité d’opinion et d’expression est un moyen d’échapper à l’illusion qu’on n’aurait plus d’imperfections et donc plus besoin de changer. Etouffer le questionnement et les divergences est stériliser la créativité source d’innovation. Voltaire disait : ” si vous n’êtes pas de mon avis, je ferait tout pour que vous puissiez exprimer votre opinion aussi “. Et Antoine de Saint Exupéry disait aussi : ” Si tu diffères de moi, loin de me léser tu m’enrichis. ” La clé est toujours le dialogue, l’échec est toujours… Lire la suite »

el-hedri marie-claude

“Etre Charlie”… Je ne pensais pas que vous condescendriez à employer une expression aussi insignifiante et franchement vulgaire …mais il est si dur de ne pas coller à l’air du temps …n’est-ce pas? D’un coté l’ EPOUVANTABLE défouloir de la violence de l’autre le vide EFFRAYANT de la bétise D’un coté des vies torturées et mèprisées( ma fille travaille en zep depuis 20 ans…) de l’autre une pyramide de tetes vides. La balance est bien équilibrée…nous sommes largement engagés vers des lendemains qui chantent. Quand on a la chance d’avoir une culture, d’etre en démocratie, de gagner sa vie grace… Lire la suite »