Entretien avec Tim GUENARD
Recueilli par Jacqueline Kelen, paru dans la revue Terre du Ciel, n° 59, mai et juin 2002.
Avant propos :
Même si une statistique nous dit qu’un tiers des adultes qui ont été victimes d’abus durant leur enfance commettent ensuite à leur tour des abus contre leurs propres enfants1, la résilience est possible. Elle est “la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comporte normalement le risque grave d’une issue négative.2”
L’être humain n’est donc pas condamné à reproduire indéfiniment les mêmes comportements appris : il a bel et bien la possibilité de grandir, c’est-à-dire de surmonter une épreuve de la vie a priori insurmontable.
Chacun d’entre nous peut donc découvrir que pour prendre le contrôle de nombreux aspects de sa vie et gérer son existence de manière plus profitable, il n’a besoin d’aucune autorisation de quiconque, même pas de conditions sociales ou économiques favorables (ni d’une hérédité heureuse, ni d’une enfance choyée.)
Dans ce contexte, le témoignage de Tim Guénard est particulièrement précieux. Lui qui a été un enfant abandonné par sa mère et battu par son père, un adolescent renvoyé des maisons de correction, violent parmi les violents, affirme à travers son expérience : “Je refuse qu’on dise “tel père, tel fils” pour expliquer des violences familiales.”
- Archives de médecine pédiatrique et de médecine de l’adolescent, Mai 2000
- S. Vanistendael, Clés pour devenir : la résilience, cité par Boris Cyrulnik, “Un merveilleux malheur”, Éditions Odile Jacob, 2002, page 8.
Pour aller plus loin, vous pouvez vous procurer aux Presses de la Renaissance :
- Plus fort que la haine.
- Tagueurs d’espérance.
L’entretien avec Tim Guénard :
Vous avez-raconté dans Plus fort que la haine vos années de jeunesse. C’est un parcours terrible. Qu’est-ce qui vous a permis de tenir bon, de subsister au lieu de vous écrouler, d’en finir ?
Au début, ce fut la haine. Je voulais tuer mon père qui m’avait fait tant de mal. La violence et la susceptibilité ont grandi en moi et me consumaient de l’intérieur. J’étais esclave de mon passé, je voulais me venger. Il a fallu du temps, beaucoup de temps, et certaines rencontres sont venues, sans que je m’en rende compte, caresser ma vie, caresser mon cœur. Il y eut Papa Gaby, le père nourricier qui m’accueillit dans sa ferme, Monsieur Léon le clochard qui m’apprit plein de choses, il y eut des gens furtifs, des étoiles filantes. Ma vie était en noir et blanc mais parfois un scintillement de couleurs lui parvenait. C’est long de parvenir à la paix, c’est long d’oser aimer. Mais il y a la grâce.
Qu’est-ce, pour vous, la grâce ?
C’est un cadeau, quelque chose de gratuit qui vient de quelque part, mais je ne sais d’où. Aujourd’hui, je dis qu’elle vient du “Big Boss” mais lorsqu’elle m’a touché ce fut en écoutant des personnes raconter leur histoire. Leur souffrance m’a atteint, retourné, moi qui étais si fermé sur mes blessures.
Vous avez beaucoup souffert et aujourd’hui vous pouvez dire que vous avez beaucoup reçu. Il y eut d’abord des rencontres qui furent des lueurs dans votre nuit…
Avant de rencontrer le Père Thomas, fondateur de l’Arche avec Jean Vanier, je me souviens d’un plâtrier avec qui je travaillais alors, que je jugeais au premier abord pas très futé. Cet homme un jour m’a dit tout à trac “Tu manges ton pain noir actuellement mais tu auras ton pain blanc plus tard”. Le jour de mon anniversaire, il m’a dit : “Tu es un bon gars”, moi qui étais considéré comme une brute irrécupérable… J’ai appris par la suite qu’il avait connu une enfance douloureuse, qu’il avait été battu et abandonné mais qu’il était devenu père de plusieurs enfants, et le meilleur des pères. Cet exemple a été un espoir formidable pour moi.
C’est précisément le point essentiel de votre témoignage : vous vous élevez contre les schémas répétitifs et votre vie montre qu’il n’y a pas de déterminisme familial, génétique, psychologique.
Oui, je ne cesse de dire : l’homme n’est pas sur terre pour reproduire mais pour innover. Et ce message en sauve plus d’un du désespoir, du suicide. Je refuse qu’on dise “tel père, tel fils” pour expliquer des violences familiales. Et je suis catastrophé d’entendre des journalistes ou des avocats, lors d’une affaire sinistre, dire tranquillement que tel homme a violé parce que lui-même avait été violé dans son enfance. Affirmer cela, c’est tout simplement interdire à l’homme le droit de grandir. Et c’est pourquoi je continue de témoigner ne les écoutez pas ! Il n’y a pas que l’ADN qui soit unique pour chacun, il y a aussi le cœur, l’intelligence qui sont uniques et qui permettent justement de créer du neuf au lieu de répéter. Au départ ma mémoire était mon pire ennemi, elle pesait trop sur mes pensées, mes désirs de vengeance. Mais j’ai rencontré des hommes comme Martin Gray, des personnes qui avaient connu l’enfer des camps de concentration et qui s’étaient libérées de leur passé en innovant, en faisant du beau. Ces personnes-là m’ont ouvert des portes mais j’ai mis quelque temps à entrer, à oser dire que la mémoire, si douloureuse soit elle, est appelée à devenir notre meilleure amie.
Ce n’est pas un oubli mais une transformation ?
Oui, parce que si on décide de tourner la page, d’effacer son passé, les souffrances restent accumulées et cachées dans une sorte de cocotte minute qui un jour explosera. Toute souffrance doit être exprimée afin de se libérer, afin de faire entrer la joie dans le cœur. Oser aimer son passé, si dur, si affreux soit-il, c’est du même coup s’en libérer. Mais la plupart du temps chacun de nous se comporte en fugueur, ne veut pas voir, ne veut pas comprendre ses réactions. Moi, je me suis rendu compte un jour que lorsque j’étais heureux je m’enfuyais. Et j’ai réfléchi à cela, pour changer.
Mais ce n’est pas un travail psychologique ?
Non. Cela a eu lieu parce que des personnes m’ont aimé plus que je ne m’aimais moi-même. Lorsque j’ai rencontré à l’Arche de Jean Vanier des handicapés, lorsqu’ils m’ont dit bonjour en mettant la main sur le cœur, j’ai fondu, je me suis dit : enfin j’ai rencontré des êtres vivants ! Jusqu’alors, je me plaisais avec les animaux sauvages, j’observais dans la nature les chevreuils. C’est beau, parce que lorsque le chevreuil s’en va et vous tourne le dos après vous avoir regardé, il y a un cœur tout blanc dessiné sur son derrière…
Vous avez été remué profondément par l’accueil inconditionnel d’un dominicain, le Père Thomas.
Je vivais sans religion ou plutôt j’avais une répulsion pour tout ce qui était religieux. J’avais rencontré beaucoup de gens qui aimaient Dieu mais qui avaient oublié d’aimer les humains… Quand j’ai vu le Père Thomas, habillé tout en blanc avec des collants de laine en plein mois d’août, j’ai eu envie de le défier : je lui ai proposé de l’emmener faire un tour sur ma moto. Et il a accepté, il a même trouvé ça bien ! Et lui m’a proposé des choses que je ne connaissais pas. Il disait que ça pouvait me faire du bien, et j’ai essayé le “pardon du Christ”. Ce qui a marché, c’est la délicatesse de cet homme. Et aujourd’hui, en accueillant dans ma maison des jeunes délinquants ou drogués dont personne ne veut, je me souviens de mes premières rencontres avec le Père Thomas : il ne s’agit pas tout d’abord d’aimer Dieu mais, pour ces jeunes, de se sentir aimé de Dieu. Ce prêtre était toujours disponible et plein de douceur. Des gens ne voulaient pas qu’il me reçoive, moi le mauvais garçon toujours prêt à la bagarre, mais lui m’a donné la clef de sa porte qui ouvrait à l’arrière, afin que j’entre sans être vu… Il m’a aussi donné à lire de grands livres de mystiques, comme saint Jean de la Croix, où je ne comprenais rien. Et quand je l’interrogeais sur des choses concrètes, comme la chasteté des prêtres qui me paraissait impensable, il m’a toujours répondu ou souri en silence. Il n’avait pas réponse à tout et il ne jugeait pas. Cet homme m’a montré l’immense imagination qu’il fallait déployer pour aimer dans toutes les circonstances ; pour faire étinceler, briller l’autre plutôt que de le rabaisser et de le salir.
Telle est la clef, en effet : un mot d’encouragement, un geste tendre peuvent soulever des montagnes et transformer toute une existence. Mais comme on est avare de ces mots, de ces gestes…
Je ne comprends pas qu’on déprécie sans cesse les plus jeunes, qu’on ne leur accorde aucune confiance, qu’on leur lance des jugements assassins comme : “Tu es nul, tu n’y arriveras jamais, personne ne voudra de toi…” J’ai accueilli dans ma ferme un jeune dealer qui tentait de s’en sortir. Un jour, je lui ai dit, parce que je le pensais : “Je suis très fier de toi”. Et le garçon a eu les yeux humides, il m’a embrassé et m’a dit : ça fait vingt-trois ans que j’attendais que quelqu’un me dise ces mots.
Ce n’est rien, et c’est tout ! La petite clef qui ouvre est une clef d’or…
Quand je demande : “Avez-vous dit à vos parents, à vos enfants, à vos amis que vous les aimez ?” J’entends répondre : “Non, ils le savent bien !” C’est une grave erreur, si on ne le dit pas, ça fait des éraflures dans le cœur. Cette attention à l’autre est une façon de savourer le beau qu’il y a en lui ou de découvrir ce qu’il porte de beau. Je me souviens qu’enfant, aux devantures des pâtisseries, je regardais les gâteaux ronds couverts de petites perles ou les gâteaux à étages : parce qu’on ne voyait pas l’autre côté. Ainsi, je pouvais imaginer la partie cachée, les perles qui s’y trouvaient, c’était une invitation à savourer, non pas à consommer. Il en va de même avec les personnes qui sont sur notre route.
Je reviens sur ces indispensables déclarations d’amour et d’amitié qui sont aussi douces à dire qu’à entendre et dont tant d’humains se privent. Vous écrivez : “Se savoir aimé et se l’entendre dire, c’est la potion magique contre la violence, la colère, la révolte.”
Quand deux personnes éloignées se téléphonent, très souvent elles se demandent le temps qu’il fait dans leur contrée. Moi, je m’inquiète de la météo du cœur. Je demande : “Est-ce qu’il fait beau dans ton cœur aujourd’hui ?” Et, selon la réponse, je m’habille en fonction du temps. Par exemple, s’il ne fait pas beau je prends l’habit de la délicatesse pour aller rendre visite.
Pourquoi tant d’adultes se comportent-ils avec froideur et dureté avec leurs enfants ? Cette fermeture peut faire autant de ravages que des violences visibles.
Être adulte, c’est à la portée de tous. Mais être un grand adulte, c’est se mettre au niveau de l’enfant et le regarder comme une pièce unique. C’est être humble, tenir parole face à un enfant, oser reconnaître qu’on a eu tort. Certains parents ont prononcé devant leurs enfants des phrases qui tuent, qui coupent tout espoir, des jugements qui engendrent chez leurs petits des peurs et des manques de confiance. Voilà pourquoi des jeunes peuvent devenir violents, drogués, anorexiques… C’est l’expression d’une douleur. Pour eux, il faut que des personnes viennent leur dire ce que d’autres, souvent leurs parents, n’ont pas dit. Pour restaurer l’amour, pour leur permettre de vivre.
Vous racontez dans votre dernier livre, Tagueurs d’espérance, qu’un jour vous étiez à la messe et que la communauté priait pour la paix. Vous vous êtes dit que vous étiez hypocrite : à quoi bon prier pour la paix dans le monde si on n’est pas capable de la faire dans sa famille ? Et vous êtes aussitôt allé voir votre petite fille et vous lui avez demandé pardon pour une maladresse que vous aviez commise. Vous ajoutez que ce geste est “plus dur que la bastonnade”. Pour ma part, je pense qu’il est très rare – et c’est dommage – qu’un adulte s’excuse ou demande pardon à un enfant.
En se conduisant ainsi, un adulte donne pourtant une espérance à l’enfant : il montre que les grandes personnes ne sont pas parfaites, qu’elles aussi ont à s’améliorer. Et c’est la plus sûre et la plus belle façon d’apaiser les chagrins, les blessures de l’enfant. Je le dis souvent : on a droit d’être en retard sur tout sauf sur les sentiments. C’est le plus vite possible qu’il faut aller dire un je t’aime ou demander pardon. Il est bon de se dire aussi qu’il n’est jamais trop tard, que ce n’est pas fichu, que tout peut changer… Je vois l’amour comme un marteau-piqueur : ça fait mal mais ce qui compte, c’est le projet qu’il y a juste après. Il y a aussi les personnes qui ont été blessées et qui disent : j’attends qu’il fasse le premier pas. Mais en amour on a droit au désordre ! C’est même pour cela qu’on peut faire du rangement !
Vous racontez aussi qu’un jour vous êtes allé trouver votre père et lui dire que vous lui pardonniez toutes ses violences.
Mais mon père ne pouvait pas recevoir ce pardon. Il devait le digérer et d’abord s’y préparer. Et moi j’ai déboulé chez lui, en chrétien et en crétin, pour lui accorder en bloc mon pardon ! J’ai compris par la suite que je devais attendre que l’autre fasse de l’ordre et soit prêt. Alors, j’ai envoyé des cartes postales à mon père, je l’ai peu à peu rendu complice du beau que je vivais, je lui ai parlé de ma femme, de mes enfants. Et mon père est parvenu à se pardonner. Accorder son pardon à quelqu’un, c’est l’alléger, le libérer d’un poids qui paraît fatal et inéluctable. Pardonner au parent qui vous a fait du mal, c’est balayer tout le cycle de la fatalité génétique, toutes ces bêtises qu’on continue de colporter au sujet des comportements répétitifs. On n’est pas là pour subir le destin mais pour le sculpter.
La violence et le crime ont l’air de progresser chez des adolescents de plus en plus jeunes et les hommes politiques parlent de problèmes de société et envisagent des lois, des commissions, un renforcement de la police… Pour ces garçons et ces filles qui n’hésitent pas à torturer un autre adolescent ou à tuer un adulte, un regard aimant, un mot de confiance peuvent-ils suffire ?
Non, ça ne suffit pas, même si ces jeunes ont un immense manque d’amour et d’espoir. Ce qui pourrait les sortir de cette situation qui se dégrade et s’étend c’est de proposer à la télévision autant de programmes beaux, positifs, nobles, que de programmes violents et malsains. Quand on évoque des sondages sur la montée de la délinquance en France, par exemple, moi je n’en ai rien à faire. Ce qui importe, ce sont tous ceux qui essaient de faire des efforts, tous ceux qui tentent de sortir de l’alcoolisme, de la drogue, de la violence. Ces exemples-là feraient beaucoup de bien, ils donneraient de l’imagination et de l’espérance aux autres. Parce que, si on réfléchit un peu, on constate encore une fois le schéma répétitif : un jour on entend dire qu’à Marseille, par exemple, des jeunes ont brûlé des voitures et le lendemain, par identification, d’autres jeunes incendieront des voitures à Strasbourg… Là encore, il s’agit de briser ce cercle répétitif, de dire aux adolescents que l’homme est là pour créer, pour innover.
Vous vous rendez dans les prisons, dans les banlieues, vous allez témoigner dans les écoles, vous donnez beaucoup de conférences, bref vous ne ménagez pas votre peine. Est-ce pour dire que vous croyez en l’être humain capable de beauté, de grandeur ?
Je ne cherche pas à aider les autres mais à les faire briller. Écouter l’autre, le considérer comme un être unique et non pas ordinaire, sentir sa beauté cachée, c’est ce que j’ai reçu de mon beau-père, véritable aristocrate du cœur. Donner ou redonner confiance et courage à l’autre, le valoriser, voilà ce que j’appelle faire briller – comme d’autres le font avec l’argenterie. Dans notre société occidentale on appauvrit les gens parce qu’on veut les aider. Or, vouloir aider quelqu’un c’est le rendre dépendant, redevable. On n’a pas le droit de rendre le pauvre plus pauvre qu’il n’est. Moi, je parle d’accompagner, c’est une relation de réciprocité : j’accepte de recevoir aussi quelque chose de l’autre. C’est la seule “aide” ou entraide qui soit.
Dans votre ferme des Pyrénées, où vivent votre femme et vos quatre enfants, vous ouvrez la porte à ceux qui en font la demande mais ce n’est pas un lieu “agréé” par l’administration.
Je ne reçois pas d’aide de la DDASS et je n’en souhaite pas. D’abord parce que je crois en la Providence et ensuite parce qu’ainsi je suis libre d’accueillir ceux qui se présentent. Je reçois des jeunes qui sont considérés comme irrécupérables, qui ont fait un séjour très long en hôpital psychiatrique, qui ont fait partie d’un réseau de prostitution. Ces situations sont terribles et paraissent insurmontables mais je suis un fou d’amour ! Et je sais que tous les pauvres, tous les laissés pour compte ont au moins une richesse : le fait de pouvoir demander.
Et vous leur accordez du temps, de la confiance, des mots d’estime et d’encouragement…
Celui qui souffre donne le plus souvent le mode d’emploi. Moi, je m’accorde. Par exemple, si un gars a décidé de sortir de l’alcoolisme, je ne vais pas boire non plus. Je peux me priver de mon argent pour offrir des cigarettes aux jeunes que j’héberge, et ils en restent étonnés. Mais au fond, à la ferme, il y a deux grands éducateurs : mon labrador, Vidocq, et l’âne avec ses grandes oreilles sensibles. Ils s’avèrent tous les deux capables de donner tout leur amour, toute leur attention à ceux qui viennent auprès d’eux. Vidocq peut écouter pendant des heures quelqu’un lui confier ses gros chagrins. Et il n’y a pas beaucoup de personnes qui, comme l’âne, dressent l’oreille devant celui qui souffre…
Pour vous personne n’est irrécupérable ni “pourri” – termes qui vous ont été appliqués pendant votre adolescence ?
J’ai vécu de longs mois dans la rue, j’ai eu très froid et je crevais de faim, J’allais sur les marchés, avant l’arrivée des balayeurs, pour récupérer des restes. Et il y avait des poires, des pommes pourries. Je peux vous assurer qu’il y a toujours un tout petit morceau qui n’est pas pourri dans le fruit : ainsi, on va à l’essentiel et on le savoure… Quelqu’un peut être fier d’être une pomme pourrie ; il reste les pépins et, le fruit planté en terre, un bel arbre peut surgir… Moi j’ose témoigner, donner de l’espérance, et je dis à voix haute ce que d’autres se murmurent tout bas : alors, moi aussi, j’aurais le droit de rebondir comme un kangourou ?… En témoignant de mon parcours devant tant de personnes différentes je fais office de laboureur. Je prie aussi pour celles qui sont sur mon chemin. J’écoute au téléphone leurs souffrances, leurs désespoirs. Je me sens un instrument de Dieu, c’est lui qui me donne le carburant. En fait je suis un des ânes du Big Boss ! Je porte le Beau, je ne suis pas le Beau. Et parfois j’ai envie de rester à l’écurie, certains jours je n’ai pas toujours la force…
Toutes vos années d’enfance et d’adolescence ont été privées de tendresse, vous avez connu la solitude des longs mois passés à l’hôpital, la dureté des prisons et des maisons de correction, l’humiliation et le rejet, et aujourd’hui vous êtes un vivant exemple de douceur, d’ouverture aux autres et de délicatesse du cœur. Quel mystère que la vie d’un homme !
Enfant, j’allais dans les gares. Je savais que l’amour existait mais je n’en recevais pas les signes extérieurs. Alors je me rendais dans les gares pour observer les personnes qui couraient, s’embrassaient, qui avaient les yeux humides au départ ou à l’arrivée du train. Je me rendais aussi à la sortie des écoles pour voir les mères embrasser leur enfant, ce que je n’avais jamais connu. C’est dans ces deux sortes d’endroits publics que les humains s’autorisent à des démonstrations de tendresse et d’amour.
Dans votre dernier livre, vous remerciez votre mère de vous avoir donné la vie. Elle vous a pourtant abandonné à l’âge de trois ans…
Mais oui, si je peux vivre les belles choses que je vis aujourd’hui, c’est parce que ma mère m’a fait ce cadeau : elle m’a donné un corps, elle m’a transmis la vie. Et cela reste le plus fort, intangible, en dépit de son attitude, de son départ. Je me dis aussi que si j’avais été adopté enfant – ce que je souhaitais très fort – les événements de mon existence auraient été tout différents et je n’aurais pas rencontré la femme merveilleuse qui est aujourd’hui à mes côtés. Oui, ça valait le coup de souffrir ! Et franchement, en sachant ce que je vis aujourd’hui, s’il fallait revivre toutes ces années atroces de ma jeunesse, je dirais OK.
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